Boboth La machine à rêver
Texte Li-Cam – Sculptures Laura Vicédo – Dessins Marion Aureille
Organic Editions
Portrait d’une autiste en machine à rêver
Par Michel Driol
Boboth a 14 ans. Elle est la meilleure de sa classe, sans travailler. Elle fait les devoirs des autres élèves, pour s’acheter la paix sociale. Elle adore Star trek et David Bowie. Elle est nulle en sports, et a une mémoire phénoménale… Et elle a été diagnostiquée TED, « ce qui n’est pas une marque de robot comme Moulinex ou Bosch », mais Trouble envahissant du développement. En fait, elle ne parvient pas à s’intégrer parmi les ados de son âge, dont elle ne partage pas les mêmes préoccupations. Son problème, c’est de ne pas percevoir les règles sociales de façon intuitive, mais en les intellectualisant pour tenter de compenser ce handicap.
La nouvelle de Li-Cam dresse le portrait de cette jeune fille, vue de l’intérieur, en faisant partager au lecteur ses pensées, ses sentiments, ses réactions face au monde dans différentes situations : en cours de maths, pendant un match de volley, sur le parking, dans sa chambre, en discussion avec un voisin… Et c’est là tout l’intérêt de cette nouvelle, qui n’emploie pas une seule fois le mot autisme, de faire découvrir au lecteur petit à petit le handicap de son héroïne, sur lequel le diagnostic – TED – n’est posé qu’au milieu de la nouvelle. On découvre donc progressivement la réalité de sa vie, sa façon de se raccrocher à la logique, en pensant d’abord qu’elle est légèrement différente, comme bien d’autres adolescents brillants et en décalage de maturité ou de préoccupations par rapport aux autres.
Boboth se prend, non sans humour, pour un robot, un prototype jamais construit en grande série pour cause de dysfonctionnement, et les illustrations, des sculptures photographiées, prennent le parti de montrer des machines improbables, faites de bric et de broc, d’objets récupérés, à la façon d’un théâtre d’objets. Point commun entre toutes ces machines : elles sont toutes montées sur des roulettes, comme pour montrer la volonté d’aller vers les autres, de ne pas s’enfermer. Des dessins, qui évoquent ceux de Léonard de Vinci, sur les rabats des couvertures, donnent les légendes de ces étranges machines – machine de la pensée intérieure ou machine pour fuir et s’enfuir.
Un bel objet livre et un texte qui permettront de mieux comprendre, de l’intérieur, cette forme particulière d’autisme, l’autisme à haut niveau de fonctionnement.
A lire également, de la même auteure, La petite Bébéth, portrait de l’héroïne quelques années plus tôt, à huit ans.