Le Yark
Bertrand Santini
illustrations de Laurent Gapaillard
Grasset jeunesse (lecteurs en herbe), 2011
Le monstre de Madeleine
Par Anne-Marie Mercier
Le Yark est le monstre à l’état pur : il est plein de poils, il a des ailes de chauve-souris, des mains de sorcière et de grandes dents. Il mange les petits enfants…
– Rien de neuf, direz vous ?
– Mais si !
D’abord, contrairement au croquemitaine classique, ce ne sont pas les petits diables qui font sa nourriture, ceux qui ne finissent pas leur soupe, non. Il ne peut digérer que les enfants sages. Ce goût et la dévoration en elle-même sont évoqués avec un délice de détails qui fait penser à la Modeste proposition de Swift : on en croquerait ! D’ailleurs, la phrase de John Locke placée en exergue au livre ajoute à ce ton d’irrévérence face à sa majesté l’enfant.
Le problème du Yark, c’est que les enfants sages ne courent plus les rues, avec cette éducation permissive : « Les cours d’école grouillent d’un peuple bête et méchant, portrait craché de leurs parents » ; « réfractaire aux pensées profondes et à la poésie, le gamin d’aujourd’hui ne rigole plus qu’aux histoires de caca et de zizi ».
Le Yark cherche donc toutes sortes de solutions pour trouver un enfant sage (notamment à travers les listes des lettres au Père Noël, belle idée !), chaque tentative se solde par une erreur et une diarrhée gigantesque et rabelaisienne (l’auteur tient compte des goûts des enfants !). Le Yark fait des rencontres surprenantes et drôles – à condition d’aimer l’humour noir. Par exemple, celle de la troupe d’enfants abandonnés par des parents avisés : les voyant évoluer vers l’adolescent boutonneux, ils s’en sont débarrassés – «l’abandon s’impose alors pour rester sur un bon souvenir ».
La rencontre d’une délicieuse Madeleine, qui sera un peu la Zéralda du Yark, change tout et la morale est enfin sauve, in extremis. Les dessins sont hirsutes, merveilleux de drôlerie. A proposer aux lecteurs capables d’ironie, où (et ?) à ceux qui aiment se faire peur.