Moi, Jean-Jacques Rousseau

Moi, Jean-Jacques Rousseau
Raconté par Edwige Chirouter, illustré par Mayumi Otero
Les petits Platons, 2012

Rousseau – Hop ! Opéra

Par Anne-Marie Mercier

Anniversaire oblige (voir plus bas, la notice sur Rousseau à 20 ans), voici Rousseau expliqué, ou plutôt « raconté » aux enfants. Mais quels enfants ? C’est la question qu’on se pose pour certains titres de cet éditeur et elle revient pour ce volume. L’ambition est totale (et vertigineuse) : proposer en un petit livre illustré un résumé de la vie et de la pensée de Rousseau. L’acte I résume sa vie jusqu’à « l’illumination de Vincennes », l’acte II ses idées sur la société, l’acte III porte sur l’éducation et le final est en chansons. Cela oblige à bien des raccourcis (voir nommer « Emile » l’enfant sauvage me donne un peu le tournis, même si cela permet de mettre en cohérence plusieurs œuvres) et parfois à des à-peu-près discutables : Rousseau apparaît un temps comme un apôtre de la Révolution, même si plus loin il s’interroge pour savoir s’il ne faut pas plutôt craindre un tel bouleversement. En somme, rien n’est faux mais tout est bien sûr rapide et dense.

C’est une qualité pour ce type d’ouvrage. L’auteure réussit le tour de force de transformer un écrit de type documentaire en partition rythmée. Rousseau, le narrateur, est présenté comme un metteur en scène d’opéra qui dirige quelques acteurs (l’enfant sauvage, le lecteur, Thérèse) et des marionnettes (Diderot, notamment, l’un des « traîtres »). C’est donc le Rousseau d’Ermenonville, proche de sa fin, qui parle, enjoué et fou de musique au début, autoritaire et soupçonneux à la fin de l’ouvrage (était-ce bien nécessaire ?). Il varie le rythme (ralentissement et trémolos lors de l’épisode du ruban volé (bien vu), intermède en chanson sur la botanique) ; il fait bondir et voler ses acteurs (illustrations très vives, gaies, parfaites), confronte Emile et le lecteur pour montrer comment l’entente est vite détruite par l’« amour propre », et gronde la pauvre Thérèse. On s’amuse, on s’étonne, on est attendri.

Ce petit théâtre est très bien servi par les illustrations qui mettent en valeur cette « mise en scène », lui donnent une profondeur ou insistent sur sa surface. On imagine que ce livre pourrait servir d’introduction à l’étude de Rousseau (mais avec bien des aménagements et des retours). On peut aussi jouer à retrouver certaines de ses phrases tirées de son œuvre et données sans guillemets ni notes. Mais pour quels enfants, alors ? Certainement pas pour les Emile, mais… pour les petits Platons !

L’auteure est une spécialiste de la philosophie en littérature de jeunesse (voir son blog).

Une réflexion sur « Moi, Jean-Jacques Rousseau »

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