La guerre de Catherine

La guerre de Catherine
Julia Billet
Ecole des Loisirs, 2012

Jeux de reflets

Par Christine Moulin

guerre-de-catherineEncore un livre de littérature pour la jeunesse consacré à la Shoah? Certes. Mais on pourrait répondre qu’il n’y en a peut-être jamais trop, surtout au moment où les programmes du secondaire recommandent de consacrer quatre heures au maximum à l’enseignement de la Seconde Guerre mondiale (on peut y ajouter quelques poignées de minutes, il est vrai, à travers le thème « La France dans la guerre »…). On pourrait répondre aussi que ce roman adopte un point de vue original: celui d’une jeune fille passionnée de photographie qui utilise son appareil comme un peintre son pinceau, pour exprimer et provoquer des émotions mais aussi pour mettre un peu de distance entre elle et le monde tel qu’il est devenu, dans l’errance qui lui est imposée, ponctuée de deuils et de dénonciations. Pour témoigner aussi, comme chaque fois qu’il est question de la Shoah. On pourrait répondre enfin que pour cet ouvrage, comme pour beaucoup d’autres, l’étiquette « littérature de jeunesse » perd complètement de sa pertinence.

D’ailleurs, le début, un peu lent, pourrait rebuter certains jeunes lecteurs pressés même s’il va passionner les pédagogues: on y voit la vie à la Maison de Sèvres, où se déploie un enseignement inspiré des « pédagogies » que, quelques soixante-dix ans plus tard, on appelle encore « nouvelles », celles des Decroly et autres Freinet. Puis, après le coup de tonnerre qui oblige Catherine, alias Rachel, à s’enfuir, on la suit à travers la France: à chaque fois, alors qu’elle pourrait être perdue, elle trouve des Justes, des anonymes dont elle garde la trace sur la pellicule et à travers les mots, pour la sauver. Elle, et une petite fille, dont la fragilité l’émeut, mais qu’elle a, bizarrement, beaucoup de mal à photographier, comme si elle n’arrivait pas à la « fixer ». Rachel subit, supporte, s’attache, s’arrache, grandit, mûrit, aime.

A la fin du livre, qui s’est inspiré, on ne le sait qu’à la fin, à travers la postface, de la vie de la mère de l’auteur, c’est une jeune femme et une artiste qui s’est frayée un chemin à travers les souffrances de la guerre. Elle nous a laissé de beaux portraits, des paysages, des instantanés, des jeux de lumière, d’ombres et de reflets qui, tous, mieux que des textes plus lourdement didactiques, remplissent leur rôle éprouvant et émouvant de témoins.

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