Alice Crane. Les Corbusards (Tome I)
Naïma M. Zimmermann
Seuil, 2014
Fantasy urbaine
Par Matthieu Freyheit
Corbusards. Un mot-valise qui sonne plutôt bien. Ce qu’il recouvre n’a pourtant pas grand-chose d’original : des vampires, des gargouilles, des mages, et j’en passe. Le roman de Naïma M. Zimmermann n’a pourtant que peu de choses en commun avec une mode postromantique versée dans la résurgence de créatures nocturnes de tous genres.
Alice Crane, médecin légiste, est conduite malgré elle à découvrir l’existence de créatures qu’elle pensait de fiction. Cette découverte se double de sa propre mise en danger, d’un quiproquo qui la suivra tout au long du livre pour en faire une héroïne de hasard, comme c’est souvent le cas dans la littérature contemporaine. Heureusement pour elle, Alice Crane trouve un compagnon efficace dans la personne de James Flynn, agent de l’Organisation, structure secrète en charge de gérer les relations entre les différentes espèces. Car il faut bien protéger les humains, et s’assurer qu’une guerre entre mages et djinns, pour ne citer qu’eux, ne fasse pas un carnage parmi la population ‘civile’.
Anti-héroïne et vrai héros font une équipe souvent bancale pour découvrir, au gré des indices, quel complot se joue présentement chez les Corbusards, mais aussi les secrets des uns et des autres, y compris ceux des membres de l’Organisation, qui ne semble pas toujours si protectrice.
Tout ne brille pas d’originalité, c’est vrai. Mais enfin, l’originalité parfois échoue, tandis que la récurrence fonctionne. Car l’auteure se situe bien dans la récurrence plutôt que dans la reproduction. En particulier, son roman trouve sa singularité dans l’appel au film noir, tandis qu’Edencity, lieu de l’action, n’est pas sans rappeler la sombre Gotham. Voix française ajoutée au nouveau succès de la fantasy urbaine (on pense au grand succès d’Eoin Colfer avec Artemis Fowl), Alice Crane ne démérite nullement en proposant une intrigue resserrée et sans surenchère. Bars louches, appartements sombres, fêtes populaires dangereuses, quartiers à contourner, et un fantastique qui frôle avec les frontières du réalisme magique, la série de Naïma Zimmermann a un relent dix-neuviémiste de mystères urbains qui est loin de nous déplaire. D’autant plus que, s’il s’agit bien de vampires et autres créatures surnaturelles habituelles, l’auteure leur prête un traitement sensiblement différent, excluant (dans ce premier tome au moins) les affres romantiques dont sont affublés nombre de récits de ce type. Un très bon premier volume, en somme, qui mérite d‘être défendu dans un panorama de fantasy parfois confus.