Astréa

Astréa
Alexis Brocas
Sarbacane, 2023

Space opéra et Campus novel

Par Anne-Marie Mercier

Alexis Brocas nous avait ravis avec son héroïne, Meryma, dans La Honte de la galaxie, beau roman s’inscrivant dans le genre du Space opéra, en subvertissant un peu ses codes par l’humour (public jeune oblige ?). Il offre un miroir à celle-ci avec une nouvelle héroïne, issue du même univers, nommée Astréa, au nom prédestiné. Astréa n’est pas née sur une planète bleue mais dans un monde gris et sinistre. Elle n’est pas Officière au service de l’Empire et ose à peine imaginer les côtoyer un jour. Comme Meryma elle a un regard critique sur l’Empire et la guerre en cours, mais elle l’a d’emblée, contrairement à son aînée ; contrairement à elle, elle ne nourrit aucune fascination pour les ennemis, la démocratie patrienne, et leur voue au contraire une haine farouche depuis qu’elle a assisté à une attaque terroriste dans le campus où elle étudiait. Ainsi les deux héroïnes proposent des regards parfois divergents sur le même univers, ce qui en soit est fort intéressant.
Le personnage, qui est le narrateur de sa propre histoire et la raconte avec une bonne dose d’humour, est attachant : son affection pour sa famille et pour ses amis, quelles que soient leurs qualités et leurs ridicules, ses regrets lorsqu’elle les perd, et surtout sa curiosité qui l’amène à briller dans les domaines de la recherche astronomique. Cette qualité  lui vaut d’être proposée comme candidate à l’entrée dans la prestigieuse école des Beaux-Arts chargée de recruter des façonneurs de planètes, des guérisseurs de mondes détruits. Incorporant à 14 ans (l’âge des lecteurs?) la future élite de l’Empire, elle incarne un parcours de « transfuge de classe », sa planète industrielle, Ravnia, étant un peu à l’image d’une Cité de banlieue d’aujourd’hui.
Le roman tient du Campus novel : on suit Astréa dans les affres de la préparation du concours avant l’arrivée sur la planète académique qui forme tous les étudiants de l’Empire, lors du bizutage, dans l’errance à la recherche de ses salles de cours, la vie de collocation avec des camarades peu bienveillantes et pétries de morgue de classe, les soirées alcoolisées, les amours, les cours d’intérêt variable, les révisions et les examens. On la suit aussi dans ses stages, fascinante plongée dans la fabrication de planètes qui tient un peu du jeu vidéo, tout comme les scènes de batailles stellaires, d’ailleurs.
C’est aussi un roman de formation dans lequel l’héroïne doit lutter pour surmonter la douleur de la séparation et des deuils, pour se faire une place, pour trouver des amis et neutraliser ses ennemis, pour comprendre enfin les ressorts de la trahison et de la dissimulation, jusqu’aux siennes propres. La notion de trahison, trahison de personne à personne ou trahison d’État, est travaillée de façon étonnante et complexe.
Le livre tient aussi de la dystopie : les relations de l’Empire avec ses colonies pauvres (dont celle sur laquelle est née et a grandi Astréa) font l’objet de nombreux commentaires acerbes et ce n’est que progressivement que l’héroïne se range à la loyauté envers ce système, une loyauté critique cependant : les inégalités sont la règles, entre planètes riches et planètes pauvres comme entre individus. L’apparence physique de chaque population introduit un système de classes voire de castes proche des postures racistes d’aujourd’hui. Le contrôle de l’information et la surveillance généralisée font de cet Empire un état totalitaire dans lequel les individus sont conditionnés par leurs implants et ne résistent à la pression psychologique et aux traumas que grâce à l’usage de drogues – Astréa arrivant cependant à se délivrer de ce recours confortable. Enfin, Astréa a des idées pour changer tout cela.
C’est aussi un roman d’espionnage : on sait que l’ennemi est partout et il est impossible de savoir qui, parmi les étudiants, est espion, agent double, ou policier. La vérité est impossible à cerner, ni les intentions des dirigeants. Les mystères s’accumulent jusqu’à l’explosion lors de scènes violentes.
Mais c’est toujours avant tout un grand et gros (plus de 400 pages) roman de science-fiction, avec les merveilles de la technologie, des déplacements en plateformes, en bulles ou en caisson d’hibernation, des connaissances acquises en dormant, des architectures magnifiques et gigantesques. La poésie des étoiles et les mystères de peuples étranges déjà aperçus dans le volume précédent ajoutent ce volume au précédent avec une grande cohérence et fait espérer la suite de ce cycle passionnant et riche qui devrait prendre encore plus d’ampleur au fil des volumes.

Sur France Inter, une libraire décrit le livre comme  » une aventure incroyable portée par une écriture hyper efficace et immersive ».

WARP, Livre I : L’Assassin malgré lui

WARP, Livre I : L’Assassin malgré lui
Eoin Colfer

Traduit (anglais) par Jean-François Ménard
Gallimard Jeunesse, 2013

Le mystère des Londres

Par Matthieu Freyheit

WARP1Chevie Savano, jeune agente du FBVI, est envoyée à Londres après avoir fait échouer une mission d’infiltration. Sa nouvelle mission ? Attendre, sans sortir, quelque chose ou quelqu’un qui, prévient-on, ne devrait pas arriver : loin d’être évident pour une jeune fille au tempérament plutôt explosif et à la personnalité piquante.

Riley, miséreux londonien de la fin du XIXe siècle et jeune adolescent, vit au service de son assassin-magicien de maître, l’infâme Garrick, en quête de véritable magie. Leur prochain coup comme mercenaires : un nouvel assassinat, que devra perpétrer Riley pour prouve sa ‘valeur’ auprès du maître. Au moment du meurtre, cependant, le jeune garçon hésite, avant que sa main, forcée, ne s’enfonce. Et que l’imprévu ne s’en mêle, projetant Riley, avec le corps de l’assassiné, dans un futur qui n’est autre que le présent de l’agente Savano.

Dès lors s’engage une longue et haletante (pour les personnages) course-poursuite, semée de meurtres, Chevie et Riley étant amenés à faire alliance contre le terrible magicien lancé à leurs trousses. L’intérêt n’est pas là, mais plutôt dans les allers et retours entre deux époques, et dans l’imagination des possibilités offertes par ces voyages temporels, propres à comparer deux réalités urbaines. Par ailleurs, si le Londres contemporain est somme toute assez peu précisé, Eoin Colfer propose en revanche de restituer un Londres romantique des bas-fonds, fidèle (ou presque…) au portrait qu’en dresse Dominique Kalifa (Les Bas-fonds, 2013).

On se demande, toutefois, si tout le dispositif mis en place est bien utile. Les voyages temporels sont certes l’occasion de rappeler l’idée qu’il n’y a pas d’homme éternel, mais la problématique n’est que très légèrement soulevée. De fait, les situations sont souvent simplifiées par une multiplication d’effets qui agissent comme un semblant de complexité (Garrick fusionne par exemple avec un agent du XXIe siècle et intègre ainsi ses connaissances et compétences, brisant la nécessité de l’adaptation). L’emprunt générique au steampunk, devenu un peu trop globalisant pour fédérer ou générer une idée spécifique, semble donc lui aussi un peu gratuit.

Quant à Riley, sa présence manifeste le désir de l’auteur de proposer/propulser un personnage ‘à la Dickens’, auquel hommage est rendu, et fonctionne également (un peu ?) comme un argument marketing. Mais cela importe peu : on se réjouit, tout se même, d’acquérir un texte qui pourrait, justement, aider à conduire les élèves jusqu’à Oliver Twist. Là réside sans doute l’un des atouts (il y en a d’autres, quand même) du nouveau roman d’Eoin Colfer.

Enfin, le ton prêté à l’agente Chevie Savano restitue la nouvelle esthétique (mode) des héros adolescents à l’insolence mordante. Là encore, Eoin Colfer s’en sort bien, en montrant notamment, quand l’ironie tombe à plat, que l’humour nécessite une forme d’intelligence, et de maturité.

Alice Crane. Les Corbusards (Tome I)

Alice Crane. Les Corbusards (Tome I)
Naïma M. Zimmermann

Seuil, 2014

Fantasy urbaine

Par Matthieu Freyheit

alicecrane_corbusardsCorbusards. Un mot-valise qui sonne plutôt bien. Ce qu’il recouvre n’a pourtant pas grand-chose d’original : des vampires, des gargouilles, des mages, et j’en passe. Le roman de Naïma M. Zimmermann n’a pourtant que peu de choses en commun avec une mode postromantique versée dans la résurgence de créatures nocturnes de tous genres.

Alice Crane, médecin légiste, est conduite malgré elle à découvrir l’existence de créatures qu’elle pensait de fiction. Cette découverte se double de sa propre mise en danger, d’un quiproquo qui la suivra tout au long du livre pour en faire une héroïne de hasard, comme c’est souvent le cas dans la littérature contemporaine. Heureusement pour elle, Alice Crane trouve un compagnon efficace dans la personne de James Flynn, agent de l’Organisation, structure secrète en charge de gérer les relations entre les différentes espèces. Car il faut bien protéger les humains, et s’assurer qu’une guerre entre mages et djinns, pour ne citer qu’eux, ne fasse pas un carnage parmi la population ‘civile’.

Anti-héroïne et vrai héros font une équipe souvent bancale pour découvrir, au gré des indices, quel complot se joue présentement chez les Corbusards, mais aussi les secrets des uns et des autres, y compris ceux des membres de l’Organisation, qui ne semble pas toujours si protectrice.

Tout ne brille pas d’originalité, c’est vrai. Mais enfin, l’originalité parfois échoue, tandis que la récurrence fonctionne. Car l’auteure se situe bien dans la récurrence plutôt que dans la reproduction. En particulier, son roman trouve sa singularité dans l’appel au film noir, tandis qu’Edencity, lieu de l’action, n’est pas sans rappeler la sombre Gotham. Voix française ajoutée au nouveau succès de la fantasy urbaine (on pense au grand succès d’Eoin Colfer avec Artemis Fowl), Alice Crane ne démérite nullement en proposant une intrigue resserrée et sans surenchère. Bars louches, appartements sombres, fêtes populaires dangereuses, quartiers à contourner, et un fantastique qui frôle avec les frontières du réalisme magique, la série de Naïma Zimmermann a un relent dix-neuviémiste de mystères urbains qui est loin de nous déplaire. D’autant plus que, s’il s’agit bien de vampires et autres créatures surnaturelles habituelles, l’auteure leur prête un traitement sensiblement différent, excluant (dans ce premier tome au moins) les affres romantiques dont sont affublés nombre de récits de ce type. Un très bon premier volume, en somme, qui mérite d‘être défendu dans un panorama de fantasy parfois confus.

Vous ne tuerez pas le printemps

Vous ne tuerez pas le printemps
Béatrice Nicodème
Gulf Stream éditeur 2013,

Une très jeune espionne au milieu des nazis

Par Maryse Vuillermet

vous ne tuerz pas le printemps image1943, la France et une grande partie de l’Europe sont  occupées par les nazis, seuls l’Angleterre et une poignée de combattants résistent. Pour préparer le débarquement des Alliés, Churchill crée un service spécial d’espionnage, le SOE (Special Operation Executive). Des agents volontaires sont recrutés et entrainés très durement. Elaine, 19 ans, s’y est engagée, un peu par dépit amoureux (elle croit que son ami Franck en aime une autre) et beaucoup par patriotisme, idéalisme et surtout gout de l’aventure.
Elle est parachutée à Chalons, comme opératrice radio et on sait qu’un opérateur radio a six semaines de chance de survie. Elle a d’ailleurs au doigt une bague pleine de cyanure en cas d’arrestation. Le compte à rebours est donc enclenché. Et, dès son arrivée, elle tombe sur Wagner, l’officier SS, responsable de la Gestapo, un homme intéressant et séducteur qui a très vite compris qui elle était. Elle appartient au réseau Pianist, un réseau qui subit des pertes trop nombreuses pour être normales. Un traitre se cache-t-il parmi eux? Ce qu’elle ne sait pas, c’est ce que ce réseau a été choisi par les responsables du SOE pour être sacrifié. On donne des fausses informations à ses membres qui les révèlent une fois arrêtés et torturés ; ainsi les Allemands les croient et sont trompés. Le plan est machiavélique. La fin justifie-elle tous les moyens ? Elle ne sait pas non plus que Franck l’aime toujours, qu’il est lui-même un agent du SOE et qu’il va tout faire pour la tirer de là…
L’intrigue est assez compliquée, pleine de rebondissements, d’arrestations et de trahisons mais on s’attache au personnage d’Elaine, au jeune garçon, Noël qui l’aide, à Perceval, à Franck. Et on se rend compte que ces personnages inspirés de faits réels étaient bien jeunes pour prendre des décisions qui engageaient la vie de dizaines des leurs. Ils devaient faire preuve d’intelligence, d’obéissance, de courage physique et mental et ne jamais oublier que seule la force du collectif peut vaincre l’ennemi. Ce mélange de roman historique, roman policier et roman d’aventures fonctionne, même le personnage allemand est saisi avec nuances.

Warp : l’assassin malgré lui

WARP, Livre I : L’Assassin malgré lui
Eoin Colfer

Traduit (anglais) par Jean-François Ménard
Gallimard Jeunesse, 2013

Le mystère des Londres

Par Matthieu Freyheit

WARP_1Chevie Savano, jeune agente du FBVI, est envoyée à Londres après avoir fait échouer une mission d’infiltration. Sa nouvelle mission ? Attendre, sans sortir, quelque chose ou quelqu’un qui, prévient-on, ne devrait pas arriver : loin d’être évident pour une jeune fille au tempérament plutôt explosif et à la personnalité piquante.

Riley, miséreux londonien de la fin du XIXe siècle et jeune adolescent, vit au service de son assassin-magicien de maître, l’infâme Garrick, en quête de véritable magie. Leur prochain coup comme mercenaires : un nouvel assassinat, que devra perpétrer Riley pour prouve sa ‘valeur’ auprès du maître. Au moment du meurtre, cependant, le jeune garçon hésite, avant que sa main, forcée, ne s’enfonce. Et que l’imprévu ne s’en mêle, projetant Riley, avec le corps de l’assassiné, dans un futur qui n’est autre que le présent de l’agente Savano.

Dès lors s’engage une longue et haletante (pour les personnages) course-poursuite, semée de meurtres, Chevie et Riley étant amenés à faire alliance contre le terrible magicien à leurs trousses. L’intérêt n’est pas là, mais plutôt dans les allers et retours entre deux époques, et dans l’imagination des possibilités offertes par ces voyages temporels, propres à comparer deux réalités urbaines. Par ailleurs, si le Londres contemporain est somme toute assez peu précisé, Eoin Colfer propose en revanche de restituer un Londres romantique des bas-fonds, fidèle (ou presque…) au portrait qu’en dresse Dominique Kalifa (Les Bas-fonds, 2013).

On se demande, toutefois, si tout le dispositif mis en place est bien utile. Les voyages temporels sont certes l’occasion de rappeler l’idée qu’il n’y a pas d’homme éternel, mais la problématique n’est que très légèrement soulevée. De fait, les situations sont souvent simplifiées par une multiplication d’effets qui agissent comme un semblant de complexité (Garrick fusionne par exemple avec un agent du XXIe siècle et intègre ainsi ses connaissances et compétences, brisant la nécessité de l’adaptation). L’emprunt générique au steampunk, devenu un peu trop globalisant pour fédérer ou générer une idée spécifique, semble donc lui aussi un peu gratuit.

Quant à Riley, sa présence manifeste le désir de l’auteur de proposer/propulser un personnage ‘à la Dickens’, auquel hommage est rendu, et fonctionne également (un peu ?) comme un argument marketing. Mais cela importe peu : on se réjouit, tout se même, d’acquérir un texte qui pourrait, justement, aider à conduire les élèves jusqu’à Oliver Twist. Là réside sans doute l’un des atouts (il y en a d’autres, quand même) du nouveau roman d’Eoin Colfer.

Enfin, le ton prêté à l’agente Chevie Savano restitue la nouvelle esthétique (mode) des héros adolescents à l’insolence mordante. Là encore, Eoin Colfer s’en sort bien, en montrant notamment, quand l’ironie tombe à plat, que l’humour nécessite une forme d’intelligence, et de maturité.

Cherub encore (8 1/2)

Cherub, vol. 81/2 : Soleil Noir
Robert Muchamore

Traduit (anglais) par Antoine Pinchot
Casterman, 2012

Personnages mécaniques pour lectures univoques

Par Matthieu Freyheit

CherubSoleil NoirDans un billet publié le 22 février 2012 sur ce même site, Anne-Marie Mercier s’interrogeait sur le succès de cette série « enfin » publiée chez Casterman. À mon tour aujourd’hui de demander sobrement : pourquoi ? Des raisons, il y en a sans doute à foison, mais peu que nous ayons envie de prendre en compte, peu dont nous voudrions bien nous satisfaire, quitte peut-être à passer pour de vieux réactionnaires…

Cherub, pour les non initiés, désigne un département particulier des services de renseignements britanniques. Particuliers parce qu’il regroupe des agents mineurs (de 10 à 17ans) choisis dans les orphelinats du pays et soumis à un entraînement intensif. Les jeunes agents sont sensés intervenir lors de missions au cours desquelles des agents adultes ne pourraient passer inaperçu. Cet univers, qui caresse dans le sens du poil la part la moins riche de la culture des jeux vidéo, tente de se rendre fascinant – dans son absence de complexité – aux yeux de lecteurs et lectrices auxquel(le)s on n’explique pas que les enfants-soldats, ça existe, au sein d’une réalité nettement moins reluisante.

Bref, si le succès de cette série revient à révéler les désirs adolescents de violence, de guerre, de journées passées à l’apprentissage d’une multitude d’armes et de techniques de combat (c’est tellement plus fun que l’école…), alors oui : inquiétons-nous. Car Cherub, dans ce volume en tout cas, ne pose aucune question, n’autorise aucun autre degré de lecture, et ne sert finalement que son propre système : l’univocité. Le mauvais goût commun aurait-il lui aussi son idéologie ? En découlent des personnages mécaniques, surentraînés et inintéressants. Greg et Andy, dans cette mission 81/2, sont mis sur la piste d’une organisation criminelle appelée Soleil Noir. Objectif : se faire inviter chez un copain de classe de Greg (pour l’occasion infiltré dans un établissement classique) afin de pouvoir enquêter sur le père de celui-ci. Entre alcool, jeux vidéo et arts martiaux, l’auteur propose des personnages physiquement précoces mais intellectuellement et surtout émotionnellement retardés. Rien, on ne ressent rien. « Bien joué ! », s’amuse finalement l’un d’entre eux lorsque la nouvelle bibliothèque du campus de Cherub, à l’instant de son inauguration, est partiellement détériorée par de jeunes agents en mal d’action.

Pour les fans, tout de même, le site internet très complet comporte des interviews de l’auteur (« Ten minute guide to become a literary genius »…), un lexique spécifique à l’univers de Cherub, un descriptif des personnages, des cartes, des bonus, et autres goodies.

Par ailleurs, la série des Cherub se prête fort bien à la multiplication de fanfictions, i.e. écrits de fans qui visent à compléter une œuvre et ses personnages, en leur ajoutant des épisodes, des annexes. Une bonne manière, pour le coup, de réinvestir la série avec peut-être plus de sensibilité que l’auteur lui-même, et de prêter à l’ensemble un peu de cette humanité et de cette complexité qui lui font gravement défaut.

 

Chevalier d’Eon agent secret du roi, t. 4

Chevalier d’Eon agent secret du roi, t. 4 : le pacte
Anne-Sophie Silvestre
Flammarion, 2013

Le travesti dévoilé

par Anne-Marie Mercier

ChevalierdEon4Le secret est découvert ! La jeune lectrice française favorite de la tsarine, blessée à mort (ou presque !) et inconsciente s’avère être un homme… Heureusement, seuls la tsarine, son médecin et une femme de chambre fidèle  sont au courant. Le personnage de Lia de Beaumont va reprendre des forces et revenir sur la scène, non pas le devant de la scène mais les coulisses de l’histoire où les agents secrets font merveille.

Chargé par l’impératrice Elisabeth d’une mission spéciale et secrète auprès de Frédéric de Prusse (où il rencontre Voltaire) et auprès du Pape, porteur de lettres secrètes pour Louis XV cachées dans un volume de l’Esprit des lois, débarrassé-e de ses vêtements féminins, d’Eon parcourt l’Europe, en traineau, en calèche, ou à cheval mais toujours à fond de train. Et le lecteur est entrainé à sa suite, pris par l’histoire mais aussi par le style, coulant et enlevé, parfois brisé par un trait d’humour, ou ralenti par une brève pause méditative.

Ce quatrième volume est composé de deux moitiés très contrastées : la première, en chambre, est occupée par la lente guérison d’Eon, entre douleurs et délires, puis longues conversations et réflexions. La deuxième, faite de longues chevauchées entrecoupées d’entrevues secrètes nous ramène dans le rythme habituel de la série.

Mais la fin se clôt sur un suspens sentimental et politique : d’Eon abandonne-t-il définitivement son rêve amoureux ? Verra-t-il le Pape ? (à suivre !)

Le Mystérieux Cercle Benedict

Le Mystérieux Cercle Benedict
Trenton Lee Stewart
Traduit (Etats-Unis)  par JB Dupin
Bayard jeunesse, 2012

Enigmes, frissons et fantaisie

Par Anne-Marie Mercier

LemysterieuxcerclebenedictPrenez un soupçon de roman à la Dickens (des personnages orphelins), une once de roman scolaire (pour le pensionnat où ils sont enfermés), une bonne dose de roman d’espionnage (gadgets, acrobaties, mystères et faux semblants), des pointes de roman fantastique (pour le savant fou) ou de roman d’anticipation (le savant fou veut dominer le monde grâce à une invention diabolique), un livre-jeu plein d’énigmes logiques à résoudre, beaucoup d’humour et du suspens, secouez bien, et vous aurez une petite idée de ce qu’est ce livre.

Loufoque, passionnant, attendrissant avec ses personnages tous un peu perdus, ce livre dit aussi des choses sérieuses : que le sentiment de la « crise » peut être créé par manipulation des esprits, que le pouvoir sur les médias est une grande chose, que les enfants ont des possibilités qu’on oublie trop souvent, que le pire n’est pas toujours sûr, que dominer ses peurs c’est les connaître, et que devenir quelqu’un sur qui on puisse compter c’est grandir.

Infiltrés

Infiltrés
Laurent Queyssi

Rageot (Thriller), 2012

Hacker : l’union du livre et de l’écran

Par Matthieu Freyheit

InfiltrésLes personnages ont leurs classiques ; le roman de Laurent Queyssi pourrait en donner un au hacker, pourvu qu’il ne soit pas noyé dans l’immense océan de la littérature de jeunesse. À vos librairies donc, voilà un livre à lire.

Adam, adolescent hacker, réussit à la suite d’un pari une passe informatique dont il se souviendra. Pour cause : elle est à l’origine de son enlèvement et d’une succession d’aventures qu’il n’avait ni cherchées, ni souhaitées. Espionnage, argent, haute technologie et, surtout, menace pour l’humanité, tout est là, contemplé depuis la hauteur réduite d’un héros rivé à son fauteuil roulant. Nous n’échappons certes pas à un certain lot de clichés et à une extrapolation des motifs qui n’aurait pas été toujours nécessaire. Mais enfin, l’auteur fait ici le compte de ce qui fonde l’imaginaire du personnage de hacker et les restitue intelligemment ; et avec style.

Comme nombre de hackers de la production romanesque, Adam est un petit génie de l’informatique, et sa passion l’entraîne bientôt au-delà des limites qu’il s’était fixées, au-delà des fictions qu’explorent les jeux vidéo en ligne dont il se repaît. Attention pourtant ! Adam n’est pas un héros adolescent comme les autres. Non pas qu’il soit plus doué sur son clavier d’ordinateur, pas non plus qu’il soit, handicapé, cloué à son fauteuil quand son frère parade en skate dans les rues de la ville. Non, tout ça est somme toute assez banal. Mais Adam est bon élève, a une mère professeur de lettres, et résout une importante énigme en faisant appel à ses souvenirs de lecteur et à la fameuse Lettre volée d’Edgar Allan Poe. Si ça vous épate, moi aussi. L’opposition classique entre l’écran et le livre est enfin balayée par un auteur qui, dans une morale scolaire sans doute plus originale que les marges contre-culturelles trop à la mode, a la finesse de rapprocher les contraires et de rappeler au passage que oui, la lecture c’est aussi bien pour les garçons.

On regrette peut-être un manichéisme qui ne rend pas compte de la réalité du hack : car le cracker est l’autre visage du hacker, et mériterait, simple pincée de mister Hyde dans ce docteur Jekyll de la toile, d’être restitué pour une figure plus complexe. Cela reste cependant peu de choses devant un roman brillant au style enlevé et, pour ne pas se perdre en palabres, véritablement réussi.

100 jours en enfer

100 jours en enfer
Robert Muchamore, John Aggs, Ian Edginton
Casterman, 2012

Manga douteux

Par Anne-Marie Mercier

On a dit il y a quelques temps tout le mal que l’on pensait de l’idéologie portée par la série romanesque Cherub qui a commencé avec ce volume. On sait qu’elle compte environ 3 millions de lecteurs, 2 600 fans face book… Ces nombres vont sans doute augmenter avec la version BD.

L’esthétique proche des mangas malgré sa colorisation est bien adaptée au récit, le scénario est efficace, pour un peu on aimerait… Curieux comme les idées se « voient » moins en images…