La Petite Musaraigne

La Petite Musaraigne
Akiko Miyakoshi
Traduit (japonais) par Nadia Porcar
Syros, 2023

Une Vie simple

Par Anne-Marie Mercier

En trois chapitres, nous découvrons la vie de la petite musaraigne. Son quotidien, avec le réveil à 6 heures, le trajet en train et à pied jusqu’au bureau où elle travaille avec des collègues humains. L’un d’eux, un peu moins bien organisés qu’elle, déjeune en bavardant avec elle. A 5 heures, elle rentre chez elle, fait quelques courses, écoute la radio joue avec son Rubik’s cube et s’endort. On trouve un tout petit plus de fantaisie dans les chapitres suivants, avec ses rêves de pays lointains, son rendez-vous annuel avec des amis.

Perfection des petits moments, attention aux choses, émerveillement devant la vie… les dessins sont charmants, avec un petit animal qui vit dans un appartement meublé à son échelle, des couleurs et ombres estompées, aquarelles, fusain ou pastel gras.
On trouve une tonalité passible qui fait un peu penser à Hulul de Arnold Lebel, mais ce serait un Hulul plus inséré dans le réel, moins fantaisiste.

 

Le Son du silence

Le Son du silence
Katrina Goldsaito – Julia Kuo
HongFei  2023

Choses entre lesquelles se glisse le silence…

Par Michel Driol

Sur le chemin de l’école, à Tokyo, Yoshio est sensible à tous les bruits qui l’entourent. Une musicienne, qui accorde son koto, lui révèle que le plus beau son pour elle est le ma, le son du silence. Commence alors pour Yoshio une nouvelle quête, celle de ce son. Mais tout est tellement bruyant, même la nuit. Le lendemain matin, à l’école, il entend enfin ce son, pendant un court instant, et prend conscience qu’il avait toujours été là.

Le ma, explique la dernière page, est un concept japonais qui, je crois, n’a pas son équivalent en Occident. Il désigne le moment où tous les musiciens, lors d’un concert, marquent un arrêt. Silence entre les sons, qui caractérise tous les arts du Japon, y compris la conversation. C’est ce silence entre deux bruits que Yoshio parvient à percevoir.

Le texte, plein de poésie, tout en douceur, se fait l’écho de tous les bruits que perçoit Yoshio, les énumérant, les décrivant, composant ainsi comme une symphonie de sons qui vont de celui de la pluie à celui des baguettes et des mastications au cours du repas. Yoshio se présente comme un amoureux des sons, qui, pour lui, parfois scintillent dans une correspondance très baudelairienne.  Cette recherche, très zen, du ma est, de fait, pour Yoshio, une façon de percevoir non pas à l’occidentale que le silence qui suit une œuvre de Mozart est encore du Mozart, mais, à l’orientale, que ce qui confère de la valeur aux choses est ce quelque chose qui se glisse entre elles, quasi imperceptible, ce quelque chose comme l’insoutenable légèreté de l’être qui donne sens à tout. La leçon de la musicienne devient alors une leçon de vie, le début d’une quête à la fois initiatique, physique et philosophique.

Les illustrations, en double page, accompagnent ce mouvement vers une ascèse, nous faisant passer des couleurs vivres de la ville bruyante et animée, à l’espace intérieur de la maison, déjà plus dépouillé, puis à une salle de classe vide et en teintes d’une grande douceur. Le silence envahit aussi l’espace graphique, rendu visible par des couleurs dans lesquelles peuvent s’intégrer, à la fin, les autres personnages. Comme en écho à l’illustration de couverture, la dernière illustration montre le héros seul au milieu d’une foule, en noir et blanc sur la couverture, foule qu’on devine bruyante en pleine rue, et, à la fin dans la salle de classe, dans des teintes plus sépia, foule qu’on devine plus calme, laissant dans les deux cas au héros l’espace libre du silence qui s’installe dans les interstices. Beau travail d’adaptation graphique d’un concept !

On appréciera aussi dans cet album ce qu’il montre de la culture japonaise, de ses rues, de ses magasins, des costumes des écoliers, tout cela représenté dans des illustrations qui, au-delà de leurs couleurs symboliques, ont un aspect documentaire très précis.

La dernière page est une invitation à collecter les sons, ceux de l’album et d’autres encore, peut-être à la façon d’un des inventaires des notes de chevet d’une autre autrice japonaise du Xème siècle, Sei Shōnagon.

Lire aussi, sur cet album, la chronique de Lidia Filippini

C’était juste un jeu

C’était juste un jeu
David Moitet
Didier Jeunesse 2023

Quand l’urbex vire au cauchemar…

Par Michel Driol

L’urbex, c’est l’exploration des ruines urbaines, des boites de nuit, des usines… Voilà à quoi se livrent quatre collégiens de 3ème, qui se sont donné des règles très strictes pour effectuer ces visites en toute sécurité. Mais lorsque Simon veut tester Zach, un nouveau, et lui donne rendez-vous seul dans une usine désaffectée, au mépris de toutes les règles, et que Zach ne vient pas en cours le lendemain, tout se complique et s’accélère…

David Moitet signe ici un polar urbain, avec disparition, enquête, suspense, un thriller qui réunit des personnages bien identifiés. Si les quatre personnages principaux sont amis et collégiens, leur arrière-plan familial est bien dessiné, familles de la classe moyenne, mais présentant toutes des fêlures : mère atteinte d’un cancer, mère décédée, parents trop occupés pour s’occuper de leur enfant. L’urbex leur apparait comme leur monde, une façon de se singulariser et de souder leur groupe, en cachette de leurs parents. C’est un roman mettant en scène des adolescents, leurs amours, leurs faiblesses aussi, comme ce mépris envers certains qu’affiche Simon, ce qui fait fortement réagir Zia. L’intrigue est bien construite, avec un premier chapitre en je, qui ouvre le suspense : qui est ce je en danger ? Puis on passe à un récit classique à la troisième personne, jusqu’à un chapitre reprenant mot pour mot le premier chapitre, en remplaçant le je par un il, révélant ainsi l’identité de la victime. Ensuite, on a une alternance entre chapitres en je, le point de vue de la victime, et des chapitres à la 3ème personne, l’enquête. C’est efficace et permet de ne pas rompre l’ordre chronologique, tout en diffractant les points de vue. Pour autant, l’enjeu du roman est peut-être ailleurs, dans la découverte d’une autre ville que font les héros : celle d’un quartier plus populaire, des barres d’immeubles gangrénées par les trafics de drogue, celle d’autres familles où l’on s’entraide sans parvenir à trouver le travail correspondant aux études faites. Le roman permet ainsi à deux mondes qui se côtoient pourtant dans la même classe de troisième de mieux se connaitre, et au petit groupe de 4 de s’ouvrir à d’autres. C’est l’exploration de la ville contemporaine, dans sa complexité, et non plus seulement celle des vestiges du passé.

Un récit haletant qui met en scène un groupe de jeunes aux prises avec de vrais délinquants, sans dénigrer le monde des adultes (parents et policiers).

La Case 144

La Case 144
Nadine Poirier – Illustrations de Geneviève Després
D’eux 2019

Le jeu de la Marelle / Va de la terre jusqu’au ciel

Par Michel Driol

Pour explorer la ville sans s’y perdre, Lia dessine sur les trottoirs une marelle géante, grâce à la boite de craies que sa mère lui a données. Mais lorsqu’il ne lui reste qu’un petit bout de craie, et qu’elle doit dessiner la case 144, le trottoir est occupé par un vieil homme couché sur un carton. Sans doute un personnage des Mille et une nuits, possédant un génie, capable de lui redonner une boite de craies neuve…

C’est donc l’histoire d’une rencontre à la fois probable et improbable que raconte cet album tendre et chaleureux. Celle de deux personnages, une fillette et un vieillard, un SDF épuisé et une fillette dont on devine qu’elle vit seule avec sa mère, qui n’a pas beaucoup d’argent. Celle d’une fillette pleine d’imagination et d’un vieillard dont on ne saura rien, si ce n’est que la vie n’a pas été douce avec lui jusqu’à ce qu’il rencontre Lia, qui saura le faire rire et lui offrir un peu de compagnie et de douceur. Le texte épouse le point de vue de Lia, donnant à comprendre sa façon de percevoir une réalité qui lui est étrangère au travers de ses lectures, de sa culture, de son imaginaire. Après l’avoir vu comme un obstacle l’empêchant de continuer de construire sa marelle, elle pense qu’il peut lui être utile grâce à ses pouvoirs magiques. C’est cette grille de lecture faussée – le SDF n’est pas un prince oriental – qui lui permet d’accepter progressivement l’autre tel qu’il est, au moment où elle prend conscient qu’aucun génie ne laisserait un homme dans cet état. Ce sera donc à elle de prendre soin de cet homme, et de lui offrir  ce qu’elle peut, une maison dessinée à la craie : quelque chose d’à la fois sublime et dérisoire. Les illustrations inscrivent l’histoire dans une ville canadienne vue comme un labyrinthe ou un formidable terrain de jeu pour Lia. Quelques pages centrales utilisent des calques, belle trouvaille graphique pour matérialiser l’imaginaire de Lia, qui fait obstacle à sa perception du réel. Les gros plans des personnages montrent des visages très expressifs : rires partagés, commisération, souffrance pleine de dignité du vieil homme.

Bien sûr, une fillette ne peut pas changer le monde et sa dureté. Mais l’album est une incitation à aller vers l’autre, et à prendre soin de lui, dans la mesure de ses moyens, et c’est déjà ça ! Un feel-good album lumineux, poignant et serein.

Rose blanche et La Petite Fille en rouge

Rose blanche
Christophe Gallaz, Roberto Innocenti (ill.)
Gallimard jeunesse, 2019

La Petite Fille en rouge
Aaron Frisch, Roberto Innocenti (ill.)
Gallimard jeunesse, 2013

Retours de classiques, sombres chemins

Par Anne-Marie Mercier

Le trait de Roberto Innocenti est ici aussi beau que ses histoires sont sombres. Dans La Petite Fille en rouge, version du « Petit Chaperon rouge », il présente une histoire tragique à la fin de laquelle une mère attend une fillette qui ne reviendra pas, perdue dans la grande forêt éclatante de lumière qu’est la ville, et capturée par un homme inquiétant. Dans Rose blanche, l’artiste délaisse l’univers du conte pour celui de l’histoire et le prédateur est ici non plus un individu désocialisé mais une société tout entière, celle de l’Allemagne nazie.
Rose vit dans une ville où elle voit passer des convois de véhicules qui emmènent des gens invisibles vers une destination inconnue. Un jour, après avoir vu un petit garçon qui tentait de s’enfuir de l’un de ces camions, elle suit la route et découvre un camp de concentration. Chaque jour, elle revient pour apporter du pain aux enfants.
On éprouve une certaine gêne devant l’invraisemblance de cet aspect de l’histoire qui risque de masquer la vérité du reste et celle du contexte historique.
Le charme, certes paradoxal, de l’album, est dans ses images aux tons bruns où l’on retrouve le souci du détail de l’artiste et l’expressivité des visages : elles donnent une vision triste d’une petite ville allemande de cette époque, pour s’échapper ensuite dans un univers qui évoque la forêt des contes, avec l’horreur et la mort au bout du chemin. La petite fille en rouge suit elle aussi un chemin compliqué et long, mais coloré de toutes les séductions de la ville moderne, jusqu’à sa fin que l’on devine tragique, comme  celle de Rose.

Rose blanche a été publié une première fois en 1985, chez le même éditeur. Il est indiqué que Christophe Gallaz est auteur du texte, « sur une idée de Roberto Innocenti ». Il existe une autre version de la même histoire avec le même titre, et comme auteur du texte le célèbre Ian McEwan, (Penguin, 2004).

 

 

Le Marchand de sommeil

Le Marchand de sommeil
Luna Granada
L’avant-courrier, 2017

La noirceur du monde par les mots

Par Anne-Marie Mercier

Les éditons de La Tête ailleurs, issues des éditions de l’Avant-Courrier sont une de nos découvertes de Montreuil, découverte un peu tardive puisque celles de l’Avant-Courrier sont nées en 2016.

Le Marchand de sommeil propose jeu sur la confusion entre les expressions « marchand de sommeil » et « marchand de sable » est ici un jeu sérieux. Il s’agit de l’approche faite par une enfant d’un mystère linguistique qui masque une réalité pour elle inimaginable. La cruauté du monde réel n’est pas exposée de façon crue, mais métaphoriquement, à travers l’imaginaire, sans doute d’un rêve.
Line voit des fenêtres murées et entend parler de ces étranges marchands. Line voit des êtres s’affairer de nuit sur les toits pour fermer toutes les ouvertures de son quartier, elle imagine le sort de ceux qui ont pu y être emmurés, elle voit les flammes d’incendies menacer sa propre chambre : le malheur ambiant entre dans son monde.
Elle est sauvée et ramenée dans la sécurité par le veilleur de nuit (autre belle expression imagée qui fait sens pour un enfant) ; elle gagne une « clé » : solution à tous les problèmes ou compréhension plus grande du monde ?
Les illustrations sont magnifiques, faites aux tampons de gomme et à l’aquarelle, en teintes douces et bleutées où quelques flammes de rouge créent des contrastes. C’est un bel album qui traite de manière détournée, à travers une question de langue, d’une question dite « sensible » que l’on n’évoque pas d’ordinaire devant les enfants et surtout pas dans leurs livres (un peu comme les Petits Bonshommes sur le carreau d’Olivier Douzou).

Les éditons de La Tête ailleurs se présentent ainsi sur leur site (et dans leurs albums) :  « Ce sont des livres aux univers artistiques forts, pour petits & grands.
C’est une ligne éditoriale moderne, autour de la ville
C’est une structure responsable, qui imprime ses livres en France
C’est un territoire, le 93, où nous avons nos racines
C’est aussi une association, qui organise des ateliers artistiques et des événements socioculturels
…une maison d’édition écolo, sociale et urbaine ! »

Un exemple, à travers un ouvrage chroniqué par Ricochet : « Créé à partir d’ateliers réalisés par l’association « La tête ailleurs » et avec les habitants de Saint-Denis, Au cœur de la ville propose au jeune lecteur une plongée active dans sa propre ville afin d’en découvrir ses secrets. Muni de ciseaux, de colle, de feutres et du livre d’activité comme journal de bord, il est invité à parcourir les rues qu’il arpente régulièrement, mais avec une curiosité nouvelle. » (lire la suite sur Ricochet)

Je te vois, et toi ?

Je te vois, et toi ?
Siska Goeminne – Alain Verster
Versant Sud Jeunesse 2018

Sur la place chauffée au soleil… (Brel)

Par Michel Driol

Une place anonyme d’une ville qui pourrait se situer dans les Flandres, une place où l’on s’arrête l’espace d’une journée et où l’on va suivre quelques personnages dans leurs rêves, leurs espoirs, leurs souvenirs. Une vieille femme et son chien. Un homme aux dents blanches qui va à un rendez-vous avec une femme qui l’attend. Un petit garçon qui va à l’école, et voudrait bien avoir un chien. Une petite fille qui dort dans la charrette d’un vélo. Et deux animaux, le chien que l’on a déjà évoqué, et un poisson rouge, qui tourne dans son bocal. Sans oublier, au centre, la fontaine,

Le décor est posé, ainsi que les personnages, mais, bien évidemment, réduire à cela cet album, c’est le priver de ce qui fait sa profonde originalité qui consiste à la fois dans le regard porté sur les personnages et la construction narrative qui passe d’un personnage à l’autre, dans l’évocation de ces vies minuscules avec lesquelles on se retrouve en totale empathie. A quoi pensent les personnages ? De quoi rêvent-ils ? De choses simples, une tartine de spéculoos pour la vieille dame, un chien pour l’enfant, l’amour pour l’homme et la femme. Sourires, regrets, nostalgie, espoir, ce sont les grandes émotions de la vie, universelles, qui traversent cet album, dont les personnages incarnent à l’évidence trois âges différents, trois générations. Tout ceci est porté par une langue à la fois simple et travaillée, soucieuse du détail précis et s’ouvrant, par les métaphores et les comparaisons, à une dimension poétique forte, une langue qui dit – ou tait – ce qui se passe l’espace des rencontres et des regards. Car chacun regarde et voit un autre personnage, de la vieille dame qui regarde tout le monde, depuis sa position assise sur le banc, à l’homme qui se regarde dans la vitrine, à l’enfant qui regarde les traces de craie sur le pantalon du maitre.

Le texte possède sa cohérence indépendamment des illustrations d’Alain Verster qui l’inscrivent dans un temps et un lieu indéfinissables. D’un côté on a des éléments de collage photographiques qui évoquent les années 50, de l’autre quelques éléments écrits en néerlandais Reviennent, par ailleurs épisodiquement, des évocations de Batman, sur le sac de sport du garçon,  sur un écran de télévision, sur une tasse….  Les illustrations font alterner plans larges sur la place qui se remplit avant de se vider, avec l’horloge qui rythme le temps, de 8 heures à 18 heures, plans plus rapprochés sur les personnages, et éléments de décors, fontaine, fenêtre, arbre, vélo, dans un montage très cinématographique qui accompagne parfaitement le texte. Les illustrations montrent par ailleurs des photographies, des couvertures de livres, des affiches, des emballages, des calendriers… comme pour souligner cette omniprésence des images qui constituent comme un second univers autour des personnages.

Un bel album, riche et complexe, pour dire la vie d’une place à travers quelques personnages, pour dire les rencontres, pour inviter enfin le lecteur – le toi du titre, le tu des premières pages et de la dernière  – à prendre le temps d’aller aussi vers l’autre.

 

 

Popville

Popville
Anouck Boisrobert, Louis Rigaud
Hélium, (2009), 2017

Pop up culte !

Par Anne-Marie Mercier

Si vous avez manqué la parution de Popville en 2009 et regrettez régulièrement qu’il soit devenu introuvable, ou si votre exemplaire est en miettes à force d’avoir été manipulé pendant 7 ans et 77 jours par de petites mains maladroites, réjouissez-vous : les éditions Hélium l’ont réédité. On le retrouve avec plaisir, tout neuf, avec ses formes de bâtiments qui ressemblent à un jeu de construction en bois peint, qui en ont les couleurs et la géométrie.
Une ville c’est d’abord, selon la première page, une route, une église peut-être, et une maison, des arbres autour. Puis les routes se multiplient, des bâtiments de plus en plus hauts remplacent les maisonnettes, tandis que la végétation se réduit, disparaît… Mais tout reste beau. La poésie de la ville est célébrée dans le texte qui clôt le livre : une ville ce n’est pas, seulement, comme une certaine doxa nous le répète, des miasmes et du bruit, c’est aussi le rassemblement volontaire d’humains venus d’horizons divers, l’animation, la variation des couleurs et des formes à l’infini.

Petite histoire des noms des rues

Petite histoire des noms des rues
Thierry Delahaye

Flammarion jeunesse, 2015

Petite histoire des noms des ruesVoilà une belle entreprise, servie par une belle couverture (de Solange Gauthier), mais avec un titre encore une fois (j’avais signalé le m un peu trompeur : il ne s’agit pas vraiment d’une histoire des noms des rues, mais plutôt d’un parcours d’histoire à partir de noms de rues.

Pour éviter que cela fasse trop « cours » d’histoire », l’auteur met en scène un grand-père et son petit-fils, avec des questions-réponses, des dialogues, des défis, des rendez-vous à travers Marseille, examens du plan de Paris, … il y a d’infinies variations pour proposer des thèmes à explorer : les artistes, les inventerus, les politiques, écrivains, les époques (période médiévale, commune…).

Cela reste un ouvrage qui n’a rien d’un roman et ne se lit pas comme un roman mais qui sera sans doute dévoré par les jeunes lecteurs amateurs de savoirs encyclopédiques. Un bon moyen de réviser ensemble ses connaissances, entre enfants et adultes.

Thierry Delahaye a publié chez le même éditeur des contes des îles

 

Bansky et moi

Bansky et moi
Elise Fontenaille
Rouergue

Street-art, cinéma et cake aux carambars

Par Michel Driol

banskyBansky, c’est à la fois le street-artist à qui on attribue une fresque, en face de l’appartement du héros, et le nom du rat apprivoisé du héros, Darwin, un adolescent qui vit seul avec sa mère, Somalienne exilée, chauffeure de taxi de nuit, dans un Paris populaire en proie aux expulsions. Darwin adore cuisiner et filmer, puis montrer ses vidéos sur Viméo. La rencontre avec Eva, jeune fille seule, vivant au sommet un château d’eau, va lui faire découvrir le plaisir de grapher, les catacombes, et l’Amour !

Ce roman urbain est une belle galerie de portraits contemporains, à commencer par ceux des deux héros adolescents, indépendants, l’une pleine d’initiatives et de débrouillardise (elle a dû s’exiler seule d’un pays qu’on devine d’Europe orientale, et apprendre à survivre en France), l’autre de Darwin, le narrateur, enfant sans père, plus timoré, mais qui va apprendre à vaincre ses peurs. Du côté des adultes, Ophélie la maman chauffeure de taxi de nuit, l’humanitaire Jibé, Isaac le cuisinier camerounais et quelques autres, hauts en couleur, incarnent une humanité savoureuse et protectrice.

Ce pourrait être un roman sombre et glauque, parlant de l’exil, des sans-papiers, des immeubles qu’on rase pour en construire de nouveaux, des camps de Roms qu’on ferme de force, des dangers (les skins dans les catacombes), mais, grâce à l’écriture d’Elise Fontenaille, c’est tout le contraire : un roman plein de légèreté, d’humour, de tendresse pour les personnages, un roman optimiste et confiant dans l’avenir, montrant la fraternité et la solidarité en action.

Enfin, c’est un roman qui se termine par les recettes de cuisine qu’il évoque ! Et c’est double plaisir !