La Disparition de Sam

La Disparition de Sam
Edward van de Vendel

Traduit du néerlandais par Maurice Lomré
L’école des loisirs, 2020 (2012)

Sam, animal singulier

Par Matthieu Freyheit

Parmi les couples enfant-animal, celui qui associe un enfant et un chien n’est certes pas le plus original. Mais enfin : on sait que l’originalité n’est pas tout (ne faisons pas comme s’il n’y avait pas de bonnes et de mauvaises originalités, écrivait Anatole France). Le couple formé par Kix (l’enfant) et Sam (le chien) s’ajoute donc à celui formé par Belle et Sébastien, Boule et Bill, etc., mais c’est ici le chien qui est mis en avant par le titre, comme il l’était déjà dans le premier volume : Le Choix de Sam, publié déjà à L’école des loisirs en 2016. La lecture du premier volume n’est cependant pas obligatoire (le plaisir la recommande), l’auteur reprenant habilement, et en quelques lignes, les événements majeurs de cette première aventure : Sam, un gros et bon chien blanc caractérisé par un « goût du mystère », a choisi le jeune Kix pour ami et pour famille.

Mais si Kix a souvent le sentiment de comprendre Sam, celui-ci conserve une part de mystère, laquelle se traduit par des disparitions momentanées. Un jour cependant, la disparition se prolonge : Kix ne se résout pas toutefois à l’idée d’avoir perdu son chien et fait tout pour le retrouver. Il est vrai, là encore, que l’histoire ne se singularise pas par son originalité. Elle ressemble, un peu, à ces récits que l’Internet aime à voir circuler de chiens qui disparaissent et retrouvent leurs maîtres, réalisant ce que nous aimons à présenter comme des prouesses. Et pour cause, l’auteur rappelle que son récit est tiré d’une histoire vraie arrivée à la famille de son propre frère (photo de Sam à l’appui !).

La vraie réussite tient cependant dans la capacité à faire du chien Sam un vrai personnage, doté d’une épaisseur assez singulière, et renforcée notamment par la mise en perspective d’une intériorité qui n’est jamais présentée comme effective mais toujours interrogée par des humains désireux de percer le mystère de l’« animal singulier », selon le titre d’un très bel essai de Dominique Lestel. Ainsi le départ de Sam rappelle-t-il, comme le formule Lestel, que « toute ‟initiative” de l’animal s’apparente à une ‟rupture” dans la relation avec l’humain » (p. 29). Une rupture que Kix n’accepte pas et qui, dans ce qu’elle soulève alors d’émotions (la crainte pour l’autre, l’affection physique, l’amour du lien qui se noue), n’est pas sans évoquer cette « domestication mutuelle » théorisée, là encore, par Lestel (p. 53). C’est donc l’expérience de la domestication de soi par l’affection à l’autre que fait Kix, comme celle d’une préparation à l’issue nécessaire de la relation tissée entre deux espèces aux temporalités différentes : en effet, Sam vieillit, comme en atteste son comportement. Ainsi Kix comprend-il que cette domestication mutuelle l’oblige, d’une façon presque éthique, et lui offre l’occasion d’une responsabilité qui non seulement est désormais de son âge mais qui, de surcroît, le grandit : le soin d’offrir à l’autre, par sa jeunesse vigoureuse, une vieillesse heureuse.

Un récit simple et beau, auquel s’ajoutent les illustrations de Philip Hopman qui réalise, pour l’occasion, une couverture vraiment très réussie.

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