Maroussia, Celle qui sauva la forêt
Carole Trébor – Daniel Egnéus
Little Urban 2021
Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras…
Par Michel Driol
Dans une isba, près d’un bois peuplé de créatures magiques, vivent Maroussia et sa grand-mère. Cette dernière joue les intermédiaires entre les villageois et esprits de la forêt. Quant à Maroussia, elle est terrifiée par le monstre Bouba, qui, pense-t-elle, habite sous son lit. C’est alors qu’elles apprennent que le village et la forêt vont être détruits pour laisser passer le Transsibérien. Prenant son courage à deux mains, Maroussia implore les esprits, sauve un loup, et ose affronter le Gouverneur de Sibérie pour faire détourner la voie ferrée.
Avec cet album, Little Urban s’inscrit à la fois dans la grande tradition du conte russe magnifiquement illustré et dans la modernité avec la nécessité de la sauvegarde de la nature. Daniel Egneus propose en effet des illustrations somptueuses, magnifiées par le grand format de l’album. Il s’inspire des couleurs et de l’iconographie traditionnelle russe sans aucun passéisme. Bien au contraire, ses images sont pleines de vie, de mouvement, d’expressivité dans le choix des cadrages, des regards et introduisent à l’univers merveilleux d’une forêt, d’une nature bien loin du pittoresque stéréotypé de la Russie éternelle, façon à la fois de s’inscrire dans un lieu, un temps, et de le dépasser pour le rendre universel. Il n’est que de voir la façon dont les vêtements, les chaussettes en particulier, de Maroussia, deviennent une ode à la végétation.
Le texte est de ceux qu’on prend le temps de lire. Il pourrait se suffire à lui-même, tant il est précis, imagé, posant personnages et situations. Les lecteurs habitués aux contes traditionnels y retrouveront avec plaisir tous les archétypes : la petite fille, à la fois ordinaire et déterminée à agir, la forêt avec ses mystères, le loup, qu’on peut ici apaiser avec un lièvre au lieu de le tuer, le fils du puissant (non pas un roi ou un prince ici, mais le Gouverneur) et surtout les forces magiques des esprits, forces surnaturelles protectrices si on sait ses les concilier, mais aussi menacées par les hommes qui ne croient qu’aux forces du progrès scientifique. On le voit, ce conte a des échos très contemporains pour évoquer notre rapport à la nature, aux animaux, à notre propre imaginaire aussi.
Un superbe album qui revisite la tradition du conte russe dans une perspective très contemporaine par les thèmes et les illustrations que l’on pourra apprécier ci-dessous.