Et vive la sociale!

Quand la révolte gronde
Anne Lecap

Flammarion Jeunesse, 2011

Et vive la Sociale !

par Maryse Vuillermet

quand la révolte gronde.jpgAnne Lecap nous fait revivre le printemps 36 à travers les yeux d’Emilie, jeune Ardéchoise venue travailler dans les grandes usines du Teil. Emilie y découvre le travail harassant des ateliers d’emballage, la camaraderie, la vulgarité et la brutalité des chefs d’ateliers et des patrons. Elle vit l’espoir formidable soulevé par les accords de Matignon, qui instaurent deux semaines de congé payé par an et la semaine de 48 heures. Elle participe à la grève de son usine pour les faire appliquer.

Le personnage d’Emilie devient vite attachant car elle est combattive, son père lui a enseigné la boxe et tout en étant jeune et effrayée, elle affronte ses peurs. Une intrigue liée à son oncle disparu à la guerre de 14 et réapparu sous les traits d’un homme de main de l’extrême droite et une tentative de meurtre durcissent et complexifient le tableau un peu idyllique de la classe ouvrière.

J’ai trouvé le début un peu manichéen mais je me suis vite laissée prendre au charme et au naturel du récit. L’immense espoir de progrès, la liberté de ces premiers congés payés nous touchent. Et je pense que c’est une façon vivante et incarnée de rappeler aux jeunes ce passé si proche mais dont la dureté parait si lointaine.

 

Ultraviolet

Ultraviolet
Nancy Huston
Thierry Magnier, 2011

Grandir en 1930 au Canada quand on a treize ans 

par Sophie Genin

9782844209047.gif« Les larmes me montent aux yeux et je les chasse, il faut qu’elles aillent dans les mots, que leur eau salée devienne encre sur la page au lieu d’aller se perdre dans mon cou en traçant des rigoles à travers la poussière. » (p. 10)
Lucy Larson vit au Canada. Nous sommes en 1936 et la chaleur ainsi que la famine pèsent sur l’héroïne, fille du pasteur d’une petite ville perdue dans la campagne appauvrie. La narratrice entame son journal intime le mercredi 29 juillet, peu avant l’arrivée d’un jeune médecin à qui elle devra ses premiers émois adolescents. Le docteur Beauchemin n’a plus le droit d’exercer, c’est pourquoi il accepte l’hospitalité des Larson. Lorsque s’éclaircira le mystère de sa déchéance sociale, le récit prendra fin, après une crise existentielle de Lucy qui aura, en quelques mois, grandi et accédé à la liberté de penser et à la maturité d’un futur écrivain.
Nancy Huston n’est pas loin de cette jeune fille, dans l’évocation de l’écriture salvatrice, même si l’aspect historique en toile de fond ne permet pas d’envisager l’auto-fiction. Le ton, très réaliste, rappelle celui d’une certaine Anne Frank, c’est dire à quel point on croit au personnage de Lucy, auquel on s’attache, surtout lorsqu’elle se libère des contraintes familiales et sociales qui pèsent très fortement sur elle, jeune fille de treize dans les années 30 au Canada.