La Visite

La Visite
Marie Boisson
Rouergue 2022

C’est une maison extraordinaire

Par Michel Driol

La famille Papillon va s’agrandir. Ses membres – père, mère et fillette, la narratrice –  doivent donc chercher une nouvelle maison. Monsieur Roger leur fait visiter la sienne, rue des Petits Pois. Etrange propriétaire qui les accueille avec des pirouettes, a préparé un en-cas dans la cuisine, s’endort dans la chambre à coucher et prend un bain parfumé, tandis que les visiteurs découvrent des pièces de plus en plus grandes et de plus en plus bizarres : une écurie, une salle de conférence, un théâtre…  Conquis, les Papillon ne peuvent que confirmer à M. Roger que sa maison est parfaite ! Et ce dernier les met à la porte, ravi de les entendre, et préparant déjà, au téléphone, la visite du lendemain…

Voilà un album aussi loufoque que réjouissant ! D’abord par son personnage principal, Monsieur Roger, étrange guide  dont le comportement, au cours de la visite, intrigue le lecteur, qui n’en percevra les motifs qu’à la fin, chute inattendue et cruelle pour la famille Papillon.  C’est le portrait d’un oisif, dilettante et décadent, qui n’a d’autre chose à faire pour se distraire que de faire visiter, jour après jour, sa maison. Ensuite par le graphisme et les illustrations, qui regorgent d’une foule de détails à observer finement : cafetières variées, objets décoratifs de tout style, plantes foisonnantes… Enfin par le texte, et, plus particulièrement, les propos tenus par Monsieur Roger, qui empruntent à l’agent immobilier son lexique emphatique qu’agrémentent quelques figures de style : zeugmas, comparaisons, jeux de mots…

La Visite a un petit côté surréaliste et parfois inquiétant qui tient autant du cabinet de curiosités que d’une esthétique de l’accumulation désordonnée qui procure le plaisir de la surprise et de l’inattendu

La petite boîte

La petite boîte
Yuichi Kasano, Diane Durocher (trad. du Japonais)
L’Ecole des Loisirs, 2021

La moufle, euh, non… la boîte

Par Christine Moulin

On ne compte plus les adaptations du conte slave La moufle. En voici une pour les tout-petits, de format carré, en carton résistant, qui met en scène non pas une moufle, mais un objet très riche, fantasmatiquement: une boîte!
L’histoire par accumulation est courte: peu d’animaux se présentent pour entrer dans la boîte et pour que cela aille plus vite, certains, tels les canards, viennent trois par trois. Ces animaux sont des classiques du répertoire de la maternelle: renard, élan, canards, donc, et ours. La situation est réduite à sa plus simple expression: on ne sait pas vraiment pourquoi tout le monde veut entrer dans la boîte, les conditions météorologiques ne semblant jouer aucun rôle, à la différence de ce qui se passe dans le conte originel. Pour le plaisir, sans doute?
Mais malgré ce dépouillement, cet album a de nombreux atouts: les animaux sont très mignons, avec leurs grands yeux malicieux, leur bouche souriante et leur expression très lisible. Le texte est varié: la narration est animée par des onomatopées et des dialogues enlevés.
Ce qui peut surprendre l’adulte qui connaît l’histoire, c’est la fin: la boîte n’explose pas, si bien que l’on peut chercher une nouvelle interprétation. Cela signifierait-il que l’on peut toujours accueillir autrui, même si les conditions matérielles ne semblent pas favorables? L’air réjoui des animaux, sur la dernière double page, laisse entendre que même serrés, on est bien, ensemble.

ABC bestiaires

ABC bestiaire
Janik Coat
Autrement Jeunesse, 2012

D’Antonin à Zadig

Par Christine Moulin

45239L’abécédaire est un genre ancien… Nous voilà loin, ici, des merveilles victoriennes, aux illustrations chargées. Tout est épure, à commencer par les pages de garde, qui montrent des dessins en noir et blanc, aux douces formes arrondies. La courbe, tel semble le parti pris de cet album, en effet, ainsi que les aplats de couleur, qui ne pourront que réjouir les yeux enfantins. Mais les parents et les plus grands pourront aussi apprécier la discrète originalité qui donne son prix à ce moderne imagier. La structure, accumulative, permet d’aboutir à une image foisonnante, une fois le « z » atteint. Mais surtout, ce qui est à la fois ludique et instructif (le mot est lâché…!), c’est que les mots écrits à chaque page n’indiquent pas le nom du nouvel animal représenté, mais lui associent un prénom. C’est ainsi que la baleine, semble-t-il, s’appelle Barbara. On s’imagine les jeux linguistiques qui peuvent alors naître spontanément: Didier le dindon, Florimond le flamand, Gaby la grenouille…  Pour vérifier si « l’on a juste », si l’on a bien identifié le nouvel animal, il faut se reporter à une liste, à la fin de l’ouvrage ou sur la quatrième de couverture, liste qui, en elle-même, est déjà jubilatoire, comme l’ensemble du livre, dont on peut présager qu’il sera longtemps et souvent feuilleté.

Voir aussi l’enthousiasme de nos amis de Ricochet.