J’attends maman

J’attends maman
Izumi Motoshita – Chiaki Okada
Nobi nobi ! 2016

Quand tous les autres enfants sont partis…

Par Michel Driol

nobinobi-maman_couvertureCe soir-là, Kana est la dernière à attendre sa maman à la fin de l’école. Elle parle avec Nounours  de ce que peut faire sa maman: problème de train, poussé par un hippopotame et d’autres animaux costauds,  achat d’un gâteau énorme, qui l’oblige à marcher très lentement,  puis achat de très nombreux ballons qui l’entrainent dans les airs. Enfin elle arrive ! Et Kana de raconter sa journée. Tout se termine autour de l’achat d’un gâteau et d’un ballon, tandis que Nounours est sagement rangé dans une caisse.

Voilà un album plein de tendresse qui évoque la façon dont l’imagination se conjugue avec l’appréhension. Tous les enfants qui ont vécu cette situation ont connu ce pincement au cœur, cette crainte d’avoir été oublié dont rend compte avec finesse cette « histoire minuscule », vue à hauteur d’enfant. Une fois la situation posée, tout est traité sous la forme d’un dialogue entre Kana et Nounours, un Nounours réconfortant, qui  rassure à chaque fois la petite fille. Nous sommes dans le monde de Kana, entre craintes et espoirs.

Les illustrations – couleurs pastel pleines de douceur – montrent le décor et les sentiments des personnages. Sourire bienveillant de la maitresse et de la dame de service contrastant avec la bouche crispée et les yeux inquiets de Kana. A noter aussi l’expressivité du découpage en images de la séquence finale, celle des retrouvailles, qui fait alterner, de façon très cinématographique, plans d’ensemble et gros plans.

Un bel album japonais qui s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux parents en évoquant le plaisir des retours d’école.

 

 

Un Pommier dans le ventre

Un Pommier dans le ventre
Gérard Dubois

Grasset jeunesse, 2014

Au secours, un pépin !

Par Anne-Marie Mercier

Un Pommier dans le ventreCet album soigné, venu d’outre atlantique (publié au Canada par la Courte échelle) semble avoir aussi traversé le temps : images d’école primaire des années 40 ou 50, graphisme et séquençage imitant des techniques d’illustration anciennes, et angoisses enfantines : qu’arrive-t-il si j’avale un pépin de pomme ? si un verger si met à pousser ?

Pas de réponse totalement rassurante, mais l’idée que l’automne et la maturation des pommes sont loin, si l’on est au printemps !

Le Garçon au cœur plein d’amour

Le Garçon au cœur plein d’amour
François David et Stasys Eidrigevicius

Motus, 2010

Vertiges (de l’amour ?)

Par Anne-Marie Mercier

legarçonaucoeur.gifLes images, impressionnantes, sont rendues plus impressionnantes encore par le grand format de cet album. Les pages de droite, face au texte, sont toutes occupées par des visages fantastiques qui représentent au pied de la lettre ce que dit le texte sur l’état du pauvre garçon dont on raconte l’histoire : son cœur est si grand qu’il aime trop, se perd dans ce qu’il contemple à tel point que son visage finit par prendre la forme de tout ce qu’il voit.

Successivement, son visage se transforme en celui d’une marionnette, d’un âne, d’un chat, d’un objet, d’une bouche… jusqu’à atteindre une monstruosité qui inquiète tant les autres (et le lecteur) qu’il est renvoyé à sa solitude, puis à lui-même, pour finir pourtant par se retrouver et s’aimer lui-même.

Cette fable philosophique évoque un état de dépersonnalisation angoissante mais ne tombe jamais dans le traité de psychologie. Le procédé évoque un autre album grand format auquel il semble répondre, La Fille sans cœur, dans lequel les états psychologiques étaient représentés de façon très différente mais tout aussi percutante. Les superbes pastels, très colorés, proposent des images saisissantes qui font partager au lecteur le malaise et l’étonnement du garçon. Les cœurs trop sensibles pourraient s’y brûler, espérons que ce serait pour mieux se retrouver, à l’image du personnage qui doit toucher le fond pour renaître à lui-même.