Emily et tout un tas de choses

 

Emily et tout un tas de choses

Piret Raud,
Traduit (estonien) par Olek Sekki
Rouergue, 2015

La plus importante des choses

par François Quet

EmilyImaginez quelque chose. Depuis toujours, vous avez une existence bien rangée. Vous consacrez chaque instant de votre vie à l’accumulation sans fin de possessions. Et puis, un jour vous découvrez qu’il vous manque la chose la plus importante qui soit. Votre recherche ne fait que s’accélérer, devenir plus fébrile, jusqu’à ce que vous découvriez que la chose la plus importante qui soit, c’est vous-même. Que feriez-vous une fois que vous vous seriez ainsi retrouvé(e) ?

C’est un petit conte, à première lecture très énigmatique, que propose l’auteure estonienne Piret Raud, l’histoire d’un poisson qui s’appelait Emily, une petite histoire tout à fait absurde : un poisson qui se réveille à 6 heures précises, qui se brosse les dents avec ponctualité et qui recueille les objets perdus au fond des mers. Qu’on ne songe pas à une fable écolo ! Piret Raud embarque — si l’on peut dire — son lecteur dans une aventure sous-marine plutôt loufoque où l’humour conduit peu à peu à la philosophie et à la sagesse. Emily trouve des haltères ou une pipe ( « des choses excellentes pour la santé et des choses mauvaises pour la santé »), un lustre, un palmier, une glace avec deux boules, etc. Tous ces objets, que le trait naïf de l’illustratrice représente à peu de frais sur une page blanche, avec une rare touche de vert et une bidimensionnalité revendiquée, s’accumulent autour d’Emily jusqu’au jour où un message dans une bouteille l’entraine à la recherche de la chose la plus importante et qui s’est malheureusement perdue elle-même.

La métaphore devient dès lors un peu plus transparente : rien n’est très important, aucune possession en tous cas. Emily se débarrassera bientôt de tous ses biens : désormais elle se contentera de regarder. « Et ça c’était une chose merveilleuse ». Un crayon, du papier et un regard sur le monde, c’est bien suffisant pour l’héroïne dont le visage et les yeux s’arrondissent enfin de plaisir.