La Grève
Murielle Szac
Calicot 2024
15 jours en février…
Par Michel Driol
Les Editions Calicot rééditent ce roman, paru en 2008 au Seuil, roman qui n’a rien perdu ni de son actualité (hélas), ni de sa force (heureusement). Mélodie a 13 ans, et est élevée par sa mère avec ses nombreux frères et sœurs, dans une ville du Nord de la France. Le père, ancien syndicaliste, ne les voit que rarement. Par hasard, Mélodie découvre un porte document contenant un plan social visant l’usine textile où travaille sa mère, seule et dernière usine de la ville. C’est la grève, l’occupation de l’usine, la découverte pour elle d’une nouvelle forme de relations sociales, de solidarités. On tente, sans succès, de relancer la fabrication… avant que la violence ne monte et que l’usine ne ferme.
Voilà un roman à la fois plein de tendresse et de justesse sur la classe ouvrière. Tendresse pour ces personnages, pour la façon de les construire, de les présenter, sans aucune caricature. Des joies simples, désormais souvenirs, comme cette journée au bord de la mer. Une façon de s’occuper des enfants, entre voisines. Mais aussi les sentiments complexes de Mélodie à l’égard de sa mère, simple ouvrière, qui ne lui achète pas les vêtements « à la mode »… Justesse dans ce qui est dit et montré des valeurs de solidarité, de partage, d’entraide, et ce sens de la dignité qui a été, et est encore, souhaitons-le, celui de la classe ouvrière. Justesse aussi dans les rapports humains, dans les multiples détails réalistes liés à la vie dans l’usine occupée, ou dans la cité, quartier périphérique d’une grande ville. Justesse aussi dans la désaffection à l’égard des syndicats et dans la violence des rapports de production actuels, et ce qu’ils ont comme effets négatifs sur les individus.
Le résultat est un roman poignant qui dresse un tableau sans concession de notre société, où la télévision locale n’attend que des clichés quand une journaliste indépendante tente de faire le portrait du patron voyou, mais qui montre aussi comment une adolescente découvre le vrai visage de sa mère dans une usine où ce sont surtout des femmes qui travaillent. Roman féministe donc, roman dont on n’attend en le lisant aucun happy end, malheureusement, mais roman qui est là comme pour porter témoignage de formes de vie, d’organisation d’une classe dont certains voudraient nous faire croire aujourd’hui qu’elle n’existe plus.
Un roman plein de l’humanité de son autrice, à lire en pensant à toutes les luttes sociales, fussent-elles perdues, à lire aussi pour ne pas porter de jugement trop hâtif sur les destinées individuelles.