Pirate des Garages-vides

Pirate des Garages-vides, rapport
Corinne Lovera-Vitali

Thierry Magnier, 2009

C’est ça la réalité poussins

par Christine Moulin

PiratedesGaragesvides.gif« Mais pour avoir toujours la même pensée il faudrait pas que je  pense parce ce que je pense me fait toujours changer de pensée », « Ma mère a pleuré plus que d’habitude. Ça cumulait plus que d’habitude. Son travail, mon père, mon œil, mon cuir plus chevelu, le miroir de star, Noël, il y a pas assez de virgules, et juste après je partais de là-bas pour venir ici à Maïsville respirer le bon air de sous le cul des poules ». C’est par là qu’il faut commencer : le roman de Corinne Lovera Vitali (qui depuis, a écrit Kid), c’est d’abord une écriture, truculente, touchante, proche du flux intérieur, mais en même temps précise, percutante. Si on osait les comparaisons excessives, ce serait presque du Céline. Déjà, dans C’est Giorgio (Editions du Rouergue, 2008, prix Rhône-Alpes jeunesse), l’auteur bouleversait la syntaxe pour des effets de grande émotion : « Pourtant j’aime trop quand quelqu’un m’accompagne. Mais quelqu’un est souvent occupé et quelqu’un d’autre n’est pas là. Ou alors c’est mon chien qui a fini d’être là et il n’y a pas d’autre mon  chien ».

Cette émotion, on la retrouve dans Pirate des garages vides, destiné, cette fois, aux adolescents. Le roman, sous-titré Rapport, est constitué, de fait, du rapport qu’un jeune délinquant rédige à la demande du juge et de sa psy : il a été envoyé, loin de son milieu («C’est quand je suis né que mon père a commencé à aller en taule »), dans une ferme qui appartient à une amie de sa mère et où il doit, en guise de travail d’utilité même pas vraiment publique, s’occuper des poules. Au début, il les déteste. A la fin, il s’occupe avec d’infinies précautions des poussins. Cette lente guérison d’un gamin cabossé, qui a basculé dans le vol par amour, ou plutôt par manque d’un amour constant et enveloppant, passe par l’écriture, qui lui permet de dénouer petit à petit les traumatismes anciens, mais aussi par la tendresse de la vie : « Il y a quand même pas le feu à devoir tout dire du vieux passé quand les poussins sont tout neufs et présents ». Il rencontre aussi des êtres solides et généreux, dont une prof de français, Alexandra, qui accepte, entre autres, sa lecture plus que personnelle du Petit Poucet.

Ce roman, vite lu, sans être facile, permet de comprendre de l’intérieur comment une enfance peut se détraquer et pourtant mener à une renaissance.

Animalamour

Animalamour
Corinne Lovera Vitali et Mathis
Thierry Magnier 2010

Animots-valises pour esacapades linguistiques

par Dominique Perrin

Ce petit album offre des retrouvailles avec l’étrange plaisir des mots-valises. Tous sont dédiés à des couples d’animaux : « Baleinorme et taupetite » pour commencer, puis – prélevés par nous au fil d’une sorte de progression en complexité grammaticale –, « Hyennemmie et Ratonlaveureusement » et « Marmôttoidlà et Castordonner tout le terrier », et pour finir « Ouistitimoré plus froid aux yeux quand Eléphantôme revient ». On voit (contrairement à ce que suggère la présentation éditoriale en ligne, mais ce n’est justement pas un défaut), que ce n’est pas prioritairement de connaissance éthologique qu’il s’agit : l’art de l’enchâssement verbal est exploré dans sa logique propre, pour la plaisante confusion mentale du lecteur. Si le dessin de Mathis se caractérise par une bonhomie illustrative au premier abord limpide, on n’accède pas aisément, semble-t-il, au fin mot des élaborations phono-morphologiques de Corinne Lovera Vitali : c’est un juste équilibre entre texte et image pour le lecteur, qui se voit en tous cas mis en situation de réveiller ses méninges à chaque nouvelle double-page.