Murdo, une enquête timbrée

Murdo, une enquête timbrée
Alex Cousseau, Eva Offredo
Seuil jeunesse, 2023

Folle correspondance

Par Anne-Marie Mercier

Murdo le yéti est proche des pandas King et Kong dont on peut lire les aventures dans les récits du même auteur publiés au Rouergue. Il partage avec eux le même souci, celui de la communication : courrier, téléphone, comment faire pour avoir des nouvelles de ses amis, les inviter, les informer, se faire d’autres amis, quand on est un Yéti, vivant (?) dans l’Himalaya ou un Panda des forêts ? Le « désert postal est un problème. D’abord il y manque des boites aux lettres. Une ruche fera l’affaire. Il manque encore plus un facteur pour envoyer comme pour recevoir les lettres, à moins de confier le courrier au vent comme le fait Murdo au début?

Miracle… enfin des lettres arrivent, des lettres partent, Il en écrit de nombreuses et en reçoit presque autant; les recoupements entre les personnages (ses amis sont nombreux: araignée, libellule, grenouille, lézard, escargots, etc.) sont vertigineux. Mais qui est le facteur ? Les efforts de Murdo pour le démasquer sont longtemps vains. Le récit devient enquête, comme le dit le titre, avec des indices farfelus, des planques de nuit, de fausses pistes, des textes troués (les escargots avaient faim), etc. Ces détournements des codes du polar sont réjouissants.
L’album est pourtant avant tout poétique car Murdo persiste à écrire au hasard à tous ceux à qui il a quelque chose à dire : au fantôme de Miam, sa grand-mère, à la lune, à l’écho, au vent, au soleil, à l’ici, au tout de suite, à la nuit… Ces lettres sont belles et nous invitent à écrire nous aussi à ceux qu’on aime, humains ou non, atteignables ou non.
Les illustrations d’Eva Offredo, cocasses et bizarres,  invitent à la fantaisie la plus débridée, à travers des figures plus ou moins géométriques, des paysages théoriques, des formes schématiques, en trichromie sur des fonds rayés, pointillés, ou unis.

Va et vient

Va et vient
Gerda Dendooven
Rouergue, 2020

Correspondances croisées

Par Anne-Marie Mercier

C’est un bonheur de retrouver Gerda Dendooven, que l’on avait découvert grâce aux éditions Être, avec Ma maman à nous (2003) et Où est maman ?, réécriture drolatique du Petit Chaperon rouge (2006). Dans cet album on retrouve aussi son style sobre et des personnages colorés qui s’agitent sur un fond blanc dans un décor à peine esquissé.
Elle propose une lecture double : dans un premier temps, on voit un homme qui peine à écrire une lettre (sans doute d’amour), puis sort la poster.  La lettre s’envole et elle est rattrapée par divers personnages (policière, touriste, père Noël, cow boy, oiseau, chien…), jusqu’à son arrivée dans une maison où une femme écrit une lettre, qui sera prise par un oiseau et portée jusqu’à une maison où un homme écrit, puis va poster sa lettre sans voir l’oiseau à la fenêtre… On doit donc lire l’album à l’envers en observant cette fois la lettre rose qui vole de page en page, au-dessus du parcours de la jaune.
C’est ingénieux, drôle, dynamique, surprenant, avec l’énergie électrique de l’amour.