Comment chasser les zombis de mon lit ?

Comment chasser les zombis de mon lit ?
Béatrice Fontanel – Loïc Froissart
Seuil Jeunesse 2021

Méfiez-vous des écrans !

Par Michel Driol

Le narrateur vit seul avec sa mère depuis le divorce de ses parents. Lorsqu’il récupère une télé pour la mettre dans sa chambre,  il y passe toutes ses soirées, devient accro aux jeux, aux émissions de télé-réalité et aux films. Par ailleurs, il adore les jeux vidéos… Jusqu’au jour où ses parents s’aperçoivent qu’il a décidé de passer une nuit avec un copain dans un club de jeux en ligne, et jusqu’au jour où une panne de courant lui permet de découvrir autre chose que les écrans.

Béatrice Fontanel propose ici un texte plein d’humour sur les dangers des écrans pour les jeunes enfants. L’humour vient pour partie du traitement du lexique : émissions et marques de produits alimentaires prennent des noms légèrement transformés, mais tellement plus évocateurs ! Il vient aussi de la position du narrateur, à la fois conscient de certaines choses (la dépression de sa mère, infirmière, depuis le divorce, ses rapports complexes à la nourriture), et complètement inconscient du danger que lui font courir les écrans et de ce qu’ils véhiculent. Tout est raconté à hauteur d’enfant, avec une certaine naïveté et des notations amusantes relatives aux rapports avec le collège, avec les camarades de classe et avec les adultes. Les illustrations, très colorées, ont aussi quelques traits naïfs et enfantins qui s’accordent parfaitement avec l’esprit du texte.

Sans moraliser, sans culpabiliser non plus les parents, ce petit roman aborde l’un des problèmes des enfants et jeunes ados d’aujourd’hui dans leurs rapports aux écrans, et propose des solutions. Reste à chacun à trouver le déclic pour les mettre en œuvre  en fonction de sa propre sensibilité pour aller sainement vers les autres.

Dans un brouillard de poche – portraits au fil des écrans

Dans un brouillard de poche – portraits au fil des écrans
Thomas Scotto. Illustrations Madeleine Pereira
Editions du Pourquoi Pas ? 2020

Du pouvoir des images, sans clichés

Par Michel Driol

Il y a la grand-mère complice de sa petite fille, et qui découvre tous les bienfaits d’un usage maitrisé de cet écran. Il y a cet ado, qui refuse de passer au tableau, parce qu’il y sera photographié, harcelé, jugé, évalué sur les réseaux sociaux pour sa couleur de peau ou ses cheveux. Il y a le souvenir de cette fillette de 13 ans, Omayra, que l’on a vue agoniser et mourir en direct, victime d’une coulée de boue en 1985. Il y a cette photo d’un baiser entre filles partagée sur les réseaux sociaux. Il y a ce petit groupe d’activistes qui éteignent les publicités lumineuses… Et il y en a bien d’autres encore…

Thomas Scotto évite les clichés faciles. Il ne juge pas ses personnages – sauf peut-être un président des Etats Unis non nommé qui dirige un si grand pays avec si peu de mots…. Par cette galerie de portraits, il questionne avec sensibilité notre monde et le rôle qu’y jouent les écrans qui, souvent, font écran entre nous. Il dresse, avec finesse, un constat tout en nuances sur cette omniprésence des images dont trop souvent nous sommes les victimes. Il montre à quel point elles touchent tous les milieux sociaux, tous les âges, tous les sexes. Mais son regard n’est pas un regard de condamnation absolue. Car, s’ils nous manipulent, nous aliènent, les écrans et leur technologie peuvent aussi nous relier. Il y a un bon usage des écrans, comme dans ce texte où un ado obligé de filmer sa famille filme en fait la rue, la nuit, et y capture l’image incongrue d’un renard.

Variété des âges, des personnages, des situations, mais aussi grande variété des textes : récits à la première personne le plus souvent, portraits en tu, dialogues, collage de paroles anonymes pour parler des fake news. On est en fait très proche d’un réalisme poétique qui, en peu de mots, évoque le monde, en laissant le lecteur comprendre les non-dits des situations, se construire et se représenter les personnages. Certains textes par leur écriture, par leur usage de la langue, auraient tout à fait leur place dans un recueil de poèmes. Les illustrations de Madeleine Pereira participent aussi de ce réalisme, de cet ancrage dans le réel, mais aussi, parfois, donnent à voir un autre monde plus poétique.

Un beau recueil de textes pour sensibiliser aux usages des écrans, des images, et conduire à mieux le maitriser.

 

Le plus beau jour de ma vie

Le plus beau jour de ma vie
Béatrice Ruffié Lacas – Zaü
Utopique 2016

Éteignez vos écrans…

par Michel Driol

Un soir, Louis demande à son père, à sa mère, à sa grande sœur quel était le plus beau jour de leur vie. Chacun lui répond rapidement, avant de replonger qui dans son émission de cuisine (le père), qui sur son ordinateur (la mère), qui sur son téléphone (la sœur).  Le soir, à table, pendant le repas silencieux,  Louis lâche que c’était le jour de la tempête. Étonnement général, jusqu’à ce que Louis évoque cette soirée, où toute la famille était réunie dans le salon. Alors, on décide de jouer tous ensemble, et d’éteindre les écrans.

Voilà un album sensible qui aborde le thème de la vie familiale détricotée par les écrans, le travail à la maison, l’omniprésence du téléphone. Chacun vit sa vie, dans son coin, dans sa bulle. La quête de Louis le conduit de pièce en pièce, d’univers en univers, jusqu’aux retrouvailles finales.  Le texte, d’une grande limpidité, fait la place belle aux dialogues, campant ainsi les personnages, leurs relations à eux-mêmes, confrontés à leur passé et à leur présent,  et aux autres. Les illustrations de Zaü, toutes en doubles pages, rendent bien ces univers particuliers, commençant par des plans moyens pour finir sur les gros plans de la famille réunie, dans un clair-obscur évocateur du bonheur d’être ensemble.

Un album à offrir en même temps qu’une tablette ou un téléphone portable…