Titan noir

Titan Noir
Florence Aubry
Rouergue, 2018

Cet été, n’allez pas dans un parc océanographique

Par Maryse Vuillermet

Elfie trouve un job d’été dans un parc océanographique. Très vite, on lui propose une formation puis un job de dresseuse d’orque, elle en est fière et heureuse, on lui confie l’orque Titan noir, et elle croit qu’ils sont amis tant la relation entre elle et l’animal lui semble forte. Elle pense aussi que dans ce parc, les animaux sont bien soignés et heureux.
Mais peu à peu la réalité, très noire apparait, les animaux sont affamés et maltraités, utilisés pour la reproduction et l’argent, les dresseurs sont peu formés, le turn over est important.
Un autre récit en parallèle du premier, écrit sur papier noir et mené par un mystérieux personnage qui semble si proche de Titan qu’il peut ressentir ses émotions et nous les communiquer, nous amène à découvrir peu à peu le passé de Titan noir, l’histoire de ce qu’il a vécu et fait depuis sa capture et c’est à glacer le sang.
Vous ne pourrez plus jamais aller dans un parc animalier après cette lecture et c’est tant mieux, et vous comprendrez le dernier arrêté de Ségolène Royal avant de quitter son ministère qui fut d’interdire la reproduction des grands cétacés en captivité.
Ce roman est inspiré de l’histoire vraie de l’orque tueuse Tilikum et aborde un thème qui alerte de plus en plus, la souffrance animale, leur caractère sociable, leur intelligence de groupe, leur relation avec l’homme, et cela sans aller jusqu’aux positions extrêmes des spé- cistes.

Je suis un hikikomori

Je suis un hikikomori
Florence Aubry
Mijade (zone J), 2010

La Chute, vue d’enfance

Par Anne-Marie Mercier

Ce petit roman  évoque moins le fait de société évoqué par son titre (hikikomori  désigne les jeunes gens qui au Japon s’enferment dans leur chambre pendant des mois voire des années) qu’une situation poignante et pourtant  banale dans laquelle beaucoup d’adolescents se retrouveront. Le narrateur est un jeune garçon qui vit seul avec sa mère. Il est au début du récit enfermé dans sa chambre depuis plusieurs semaines, seul avec son ordinateur.  Il ne sort pas. Personne n’entre, la nourriture est déposée devant sa porte. Le récit de ce temps de retrait volontaire du monde est alterné par celui des événements parfois minimes qui ont amené cette situation, depuis son arrivé en ville au début de l’année scolaire, avec des évocations de sa vie d’avant, avec des copains, le chant des grenouilles, une vie heureuse jusque là.

Le point de départ est ordinaire : la solitude de celui qui arrive dans un nouveau lieux, de nouveaux groupes, les tentatives pour être remarqué, se faire des amis ; les amis, le point central est là : pourquoi certains en ont-ils et d’autres pas ? est-ce l’apparence, la voix, l’attitude, ou autre chose de plus mystérieux ? Enfin, c’est le sentiment de honte qui domine : la honte absolue, non pas celle d’un innocent accusé, ou d’un être dont on se moque, mais celle du traître, du lâche, de celui qui a perdu la face devant ses pairs  et qui a surtout perdu l’estime de soi. La fin du récit ouvre cependant vers un espoir de retour à la vie et à l’amour pour autrui à travers la fascination pour la légèreté et l’innocence d’une toute petite fille.

Il est rare  en littérature de jeunesse, domaine  où les héros doivent être des images acceptables pour le lecteur, d’entrer dans la peau d’un  narrateur placé dans une situation aussi désespéré par sa propre faute. Il est également rare de voir combien une mauvaise plaisanterie (on songe à Kundera, brièvement) peut provoquer de désastres : pour qui veut paraître  spirituel, la frontière entre le bon mot et la faute de goût ou l’erreur  fatale est souvent mince. La conjonction de deux thèmes très importants pour les ados et ceux qui le sont restés (les « jeunes adultes »), l’envie d’être populaire et la maladresse des propos et des situations fait de ce texte une belle exploration des difficultés de la relation aux autres.