Nick et Véra
Peter Sís
Traduit (anglais, USA), par Christian Demilly
Grasset jeunesse, 2022
Celui qui a « fait ce qu’il fallait faire » : héros ordinaire ?
Par Anne-Marie Mercier
Comme toujours chez Peter Sís, la beauté des images accompagne sans lourdeur un propos intéressant et grave : ici il s’agit d’une histoire peu connue, celle d’un héros resté longtemps dans l’ombre : on découvre l’enfance heureuse de Nicky (Nicholas Winton), jeune homme insouciant, sportif et passionné d’escrime. Adulte, devenu banquier, un voyage à Prague, en 1938, lui fait comprendre une partie de l’étendue de la catastrophe à venir et la menace que fait peser l’Allemagne hitlérienne sur les juifs de la ville : il décide d’aider une organisation qui se charge de mettre des enfants à l’abri en les envoyant dans d’autres pays européens. Il s’agit de prendre leur nom, une photo, et de trouver pour eux une famille d’accueil (pour lui ce sera en Angleterre, où il vit), des papiers, un billet de train… Six-cent-soixante-neuf enfants sont ainsi sauvés. Les cent cinquante qui n’ont pas pu prendre le dernier train, bloqué par la déclaration de guerre, sont tous morts, à l’exception de deux. Véra fait partie des enfants pris en charge par le premier convoi organisé par Nicky.
Suit la vie de Nick, soldat pendant la guerre, puis menant une vie discrète dans les années qui suivent, ne disant rien de cet épisode, jusqu’au jour où la télévision britannique organise une rencontre surprise avec des membres du groupe de ces enfants rescapés. On voit une également partie de la vie de Véra, des bribes de ce qu’elle-même raconte dans le récit de son enfance qu’elle a fait publier en 1989.
On ne peut pas raconter des images, surtout celles de Sis : labyrinthes, nuages, lignes de fuite, ciels gris chargés d’avions gris, traits parfois enfantins proches du grotesque pour masquer l’horreur, couleurs suaves ou ternes, chaque double page est un poème : enfances perdues, pays dévastés, espoirs, retrouvailles, modestie, tout y est.