En répétition

En répétition
Samuel Gallet
Editions théâtrales 24 – 2024

Looking for Lady Macbeth

Par Michel Driol

Une jeune metteuse en scène, Eva, souhaite monter Macbeth. Elle auditionne d’abord un certain nombre de jeunes comédiens. Puis, alors que la distribution n’est pas encore arrêtée, commencent et s’enchainent les répétitions, en particulier pour le rôle de Lady Macbeth. Pendant ce temps, la troupe se fait et se défait, au gré des discussions, des désirs de chacun, jusqu’à l’Opening Night de la cinquième partie.

Répondant à une commande de Paul Desveaux pour les apprenti.es de l’Eole Supérieure de Comédien.nes par alternance, Samuel Gallet propose un texte très contemporain qui aborde de très nombreuses questions liées au théâtre. Ce pourrait être un très beau texte à lire en option théâtre au lycée.

En effet, de quoi est-il question dans les discussions entre Eva et les comédien.nes, ou entre les comédien.nes? D’abord du rapport entre Shakespeare – et les classiques au sens large – et nous. Cette langue différente, incompréhensible pour certains, de quoi nous parle-t-elle ici ? D’ambition, de folie, de vengeance, de guerre, de trahison, de meurtres… à l’époque de la guerre à Gaza ou en Ukraine. Ensuite de la façon de traduire Shakespeare, et les personnages confrontent et discutent trois traductions contemporaines de la pièce. Mais enfin du théâtre, du métier de comédien.ne, de la passion et du désir de l’exercer. Fera-t-on encore du théâtre dans 10 ans, à l’heure du réchauffement climatique ? Pourquoi jouer aujourd’hui ? Il y a là de belles discussions autour de cet art, de ce métier vu par des jeunes. Qu’est-ce que mettre en scène, avoir le pouvoir, quand un acteur plus vieux vient sans cesse parasiter de ses conseils et connaissances les tentatives faites par Eva ?

Mais tout cela est pris dans une sorte de folie très shakespearienne. La mère d’Eva est morte – s’est-elle suicidée ? – en voulant aussi monter la pièce écossaise, et apparait sous forme de spectre à la fin. Dylan, l’assistant metteur en scène, qui rêve d’écrire, rencontre Shakespeare lui-même et parle avec lui de création théâtrale et d’écriture… Au sein de la jeune troupe, les jalousies montent et on s’épie, se surveille, comme dans Macbeth. Et que dire d’Eva qui pousse ses comédiennes à maudire leurs parents ou leurs enfants pour incarner Lady Macbeth. Quel est le pouvoir du langage sur le plateau ? Que faut-il avoir vécu pour jouer ?

On le voit, En répétition est bien plus qu’un Impromptu d’Asnières sur le travail de répétition. C’est une façon d’éclairer par la pratique de nombreuses enjeux du théâtre contemporain, dans une écriture qui sait fort bien allier les dialogues vifs et percutants et les monologues, autour de personnages bien dessinés.

Le Bourgeois gentilhomme

Le Bourgeois gentilhomme
Molière – Illustré par Nathalie Novi
Didier Jeunesse 2022

Théâtre illustré

Par Michel Driol

Parlons d’abord du texte. C’est le texte intégral du Bourgeois gentilhomme que cet album donne à lire, dans son découpage en actes et scènes, ses nombreuses didascalies. Il se clôt par le Ballet des nations. Quelques pages documentaires signées de Nathalie Somers, racontent l’histoire de l’écriture de la pièce, donnent un éclairage sur la comédie ballet, et évoquent les mises en scènes contemporaines de cette pièce. Mais l’intérêt de cet album est ailleurs, il est dans l’illustration de la célèbre pièce de théâtre par Nathalie Novi.

C’est un ouvrage qui évoque par certains côtés les « beaux » livres, ceux des distributions de prix : frontispice doré sur la page de titre, qu’on retrouve pour annoncer chacun des actes, phylactères indiquant les changements de scènes, tout donne une certaine solennité à l’ouvrage, comme celle peut-être qui accompagne la sortie au théâtre. Les illustrations de Nathalie Novi suivent plusieurs axes. D’abord celui des costumes des personnages, tantôt croqués seuls, à la manière d’une créatrice de costumes, tantôt saisis dans une interaction ou en plein dynamisme. Une dominante bleutée accompagne souvent ces images. Ensuite, en pleine page, très colorés, des plans très larges, évoquant la mise en scène du Bourgeois. Ainsi aux cintres pendent des tapis (d’Orient ?), tandis que sur d’autres tapis, au sol, M. Jourdain s’apprête à prendre sa leçon de danse. L’ensemble dessine un univers où la circularité de la piste de cirque semble omniprésente. Ailleurs, c’est un portrait féminin dessiné sur un rideau devant lequel se déroule la scène de dépit entre Covielle et Cléonte. On est au théâtre, et l’illustratrice ne manque pas une occasion de le rappeler, comme ces rideaux entre lesquels on aperçoit l’action, comme ces costumes d’Arlequin ou cet avatar de Monsieur Loyal. Enfin, en haut ou bas de pages, des frises qui nous font sortir : on est en pleine campagne, dans une pastorale bucolique, ou bien on apprend à faire la révérence, et, comme dans un dessin animé, on voit les différentes étapes, ailleurs, au milieu de rubans, on affronte un phi très grec. On laissera chacun découvrir cet univers très coloré qui forme comme un contrepoint au théâtre sous forme de papiers peints ou de tentures pleines de fleurs.

C’est aussi toute une ménagerie qui peuple ce plateau – ce livre – une vache, des moutons, une autruche, un dindon, un paon… parfois comme une façon de ridiculiser les personnages de la comédie lorsqu’ils viennent les côtoyer sur scène.

Une belle interprétation graphique de la comédie ballet de Molière, telle qu’on aimerait bien la voir au théâtre, avec des décors, des costumes, une scénographie signés Nathalie Novi !