La Vie en rose de Wil

La Vie en rose de Wil
Susin Nielsen
Helium 2021

Toronto- Paris : premier amour

Par Michel Driol

Wil(bur) vit avec ses deux mères, les Mapas. Son seul ami : Sal(omon), juif échappé à la Shoah… C’est dire son âge ! Au collège, il est le souffre-douleur de Tyler – et de quelques autres – depuis que ce dernier a lu à tout le monde le texte de Wil, écrit lors de son entrée au collège, et destiné à être enfermé dans la « capsule temporelle » jusqu’à la fin des études. Lorsque le chef de la fanfare du collège organise un échange avec un établissement français, il accepte de recevoir Charlie… et découvre que c’est une fille, dont il tombe amoureux au premier regard ! Va-t-elle lui préférer Tyler, sportif, entreprenant, alors que lui est timide et empâté ? Et comment payer le voyage à Paris ?

 Autrice célèbre et reconnue au Canada, Susin Tyler propose ici un roman qui conjugue la problématique du harcèlement scolaire avec celle du premier amour qui va permettre au héros de se révéler à lui-même, de prendre confiance en lui et de s’opposer aux autres. C’est qu’il n’a rien pour lui, Wil : adoré et protégé par ses deux mères, il est resté dans leur cocon jusqu’au collège, et, dès la rentrée, il se retrouve harcelé à cause de l’indiscrétion de Tyler et du hasard. Pas très sportif, dans un milieu très modeste (l’une des mères vivote de petits boulots comme chauffeur Uber, l’autre va de petit rôle en petit rôle), il apprécie son voisin, bien plus âgé que lui, et un chien  qui n’a rien d’un chien de race. On apprécie la conduite du récit, à la première personne, qui révèle les doutes et les sentiments du héros, mais aussi le regard sur la société canadienne, ouverte et tolérante à l’égard des couples homosexuels (les deux amis les plus proches de Wil sont homosexuels), mais aussi dans laquelle l’argent est roi (Wil se fait exploiter par le patron de la boulangerie où il travaille). On apprécie aussi le rôle de la poésie : chaque chapitre s’ouvre par un petit poème écrit par Wil qui révèle ainsi ses talents secrets.

Avec un titre qui sonne comme un clin d’œil à Edith Piaf, voici un hymne à l’amour plein de délicatesse et montrant à quel point le respect est une dimension essentielle dans les rapports humains.

 

Gamine

Gamine
Emmanuelle Rey
Didier Jeunesse 2022

Amour toxique

Par Michel Driol

Elle a 16 ans, il en a 32… La rencontre entre Judith et Colin, dans une boite de nuit marseillaise, débouche sur le premier grand amour pour elle.  Elle va le voir à Paris, puis en Normandie, à Tristeville, découvre qu’il a un fils. Petit à petit, la relation entre eux devient de plus en plus déséquilibrée et toxique : manipulations, chantage affectif, Colin a de plus en plus d’emprise sur Judith, qui se détache peu à peu des siens, de ses amies…

Gamines est un roman écrit à la première personne, qui décrit, avec une précision quasi clinique, les mécanismes par lesquels un homme plus âgé manipule une jeune fille qui tombe sous son emprise. Elle ne perçoit pas l’absurde de la situation, se retrouve sous le charme (au sens fort) de Colin qui empoisonne son existence, la surveille, veut tout savoir d’elle. Autant Judith apparait comme naïve et sincère, autant Colin est un personnage séduisant certes, mais habile manipulateur par la seule force de sa parole. Avec beaucoup de réalisme, la narratrice révèle comment elle a pu passer quelques années de sa vie à endurer une relation aussi malsaine que toxique pour elle. On n’est jamais dans le pathos, toujours dans la description, dans l’évocation des sentiments, de l’amour, de la passion, de la mauvaise conscience, des efforts vains pour s’en sortir, du malaise et du mal-être. Il faudra un vrai électrochoc, qu’on ne révélera pas ici, pour que Judith, avec l’aide de sa meilleure amie et de son frère, parvienne à en briser définitivement ce cercle vicieux.

Le récit est suffisamment clair et explicite pour être une mise en garde contre ces phénomènes qui semblent, hélas, de plus en plus fréquents. Mais l’autrice juge bon de clore avec la rencontre avec un psy et quelques pages qui, tout en restant dans le récit, apportent une analyse plus distanciée des mécanismes pervers à l’œuvre dans ce genre de relation sur lesquels elle met des mots.

Un roman fort qui présente une héroïne fragile, touchante, émouvante  afin de prévenir les ados contre les dangers que représentent les pervers narcissiques. Un roman qu’on pourra rapprocher de celui de Gwladys Constant Passionnément, à ma folie.

L’été de tous les possibles

 L’été de tous les possibles
Jennifer Niven, (trad.  Vanessa Rubio-Barreau)
Gallimard jeunesse, 2021

 

Chagrins et premier amour

 Maryse Vuillermet

 

 

 

Après avoir adoré Tous nos jours parfaits,  http://www.lietje.fr/2016/03/22/tous-nos-jours-parfaits/     j’attendais beaucoup de ce roman. Or, j’avoue que j’ai eu du mal à me laisser prendre par cette histoire d’adolescente dévastée par le divorce de ses parents. Et j’ai eu du mal aussi avec « l’ambiance très américaine » : fin des années au lycée, cérémonies de remise de diplômes en grande pompe, discours de la meilleure élève, parents drôles, gentils, universitaires qui disent toutes les cinq minutes à leurs enfants « je t’aime » et meilleure amie depuis l’enfance qui dit aussi toutes les cinq minutes « je t’aime ».

Bref, il m’a fallu du temps pour entrer dans l’histoire. Une fois sur l’ile où la narratrice passe ses vacances avec sa mère et rencontre le beau Mia, le récit retrouve un peu d’intérêt grâce à la présence d’une nature sauvage,(les tortues viennent pondre sur la plage, on croise des serpents et des alligators), et à l’histoire des habitants, les ancêtres de Claudine sur lesquels sa mère fait des recherches.

Mais bon, un léger ennui a régné sur ma lecture, désolée.