A un poil près

A un poil près
Stéphane Botti
Calicot 2022

Ce changement-là…

Par Michel Driol

Le narrateur, élève de 5ème, s’aperçoit qu’il a un premier poil pubien qui pousse. Fasciné, il passe ses journées à le toucher, l’entourer autour de son doigt. Cette nouveauté à la fois le fascine et l’inquiète. Garçon solitaire, il n’a pas d’ami à qui en parler. Il voudrait bien que ses parents ne le sachent pas. Jusqu’au jour où sa mère dit qu’il a un long poil…

Voilà un court roman qui aborde la question des transformations du corps masculin lors de la puberté. Thème peu encore abordé en littérature jeunesse. Le héros est un garçon ordinaire, dans lequel nombre de lecteurs se reconnaitront sans doute. S’il connait les termes crus pour parler du sexe masculin, il répugne à les employer. Il semble fils unique dans une famille très classe moyenne : la mère est comptable à domicile, et le père président bénévole d’un club de natation. Il connait les problèmes des ados de son âge, aime qu’on le laisse tranquille, répond parfois par monosyllabes, et goute peu les efforts. Bref, il a bien un poil dans la main ! C’est sur cette méprise finale que se clot avec esprit le roman, plein d’humour dans sa façon d’aborder la difficile communication entre parents et ados sur la question de la sexualité et des métamorphoses du corps.

Un roman plein original, plein de finesse, pour aborder la question de la puberté masculine.

Soutif

Soutif
Susie Morgenstern – Illustrations de Catel Muller
Gallimard Jeunesse 2021

Puberté, amitié, liberté

Par Michel Driol

Lorsque la poitrine de Pauline, qui a 13 ans, se met à grossir, elle se voit contrainte d’aller s’acheter un soutien-gorge. Toute seule et bien embarrassée. Toute à sa gêne et à  confusion d’avoir à choisir des vêtements si intimes, elle les met dans son sac. C’est son premier vol. Le vigile l’accuse. Finalement, elle s’en tire avec l’obligation d’aider Pénélope, la nièce de ce dernier, pendant quelques semaines. Pénélope est une punkette bien différente de Pauline, mais, entre les deux, une surprenante rencontre a lieu, faite de découverte de l’autre. Et c’est le début d’une merveilleuse amitié !

On retrouve dans ce court roman tout ce qui fait le charme et l’originalité de l’écriture de Susie Morgenstern : une façon de parler des problèmes et des préoccupations des ados, la vie familiale, l’école, la puberté, la découverte de l’amour, sans complexe, mais avec un ton plein enjoué d’humour et de fantaisie.  Pauline, la narratrice, est embarrassée au moment de passer à l’âge adulte, livrée quelque peu à elle-même dans une famille aisée où les deux parents sont avocats. Elle livre ses petits secrets et ses préoccupations dans une langue pleine de vivacité. Elle va se retrouver confrontée à l’altérité, face à Pénélope et à sa mère, et saura leur redonner le gout de vivre (et là on retrouve l’incorrigible optimisme de l’autrice, qui fait qu’on l’apprécie !). C’est par là que le roman échappe à la dimension purement individuelle et psychologique, pour mettre l’accent sur les différences sociales qui font que chacun risque d’être enfermé dans une catégorie, mais qu’il n’est pas de déterminisme si l’on rencontre les bons soutiens. L’important est d’accepter l’autre dans ses différences, et, de fait, de se transformer autant qu’il se transforme. Pas de moralisme donc, mais une envie de vivre et de gouter à la vie dans ce qu’elle a de meilleur. Le roman est illustré par Carel Muller avec des petites scènes de genre en noir et blanc dans lesquelles les personnages sourient le plus souvent, façon de montrer que le bonheur est à portée de main.

Un roman plein de dynamisme, une héroïne du quotidien, et une belle et improbable histoire d’amitié. Avec, en prime, une histoire du sous-vêtement féminin, depuis l’antiquité !