Le Château des étoiles, t. IV : Un français sur Mars

Le Château des étoiles, t. IV : Un français sur Mars
Alex Alice
Rue de Sèvres, 2018

Plus fort que Thomas Pesquet !

Par Anne-Marie Mercier

Le quatrième volume des aventures de Séraphin est tout aussi riche en événements que le premier (La conquête de l’espace) et les suivants : on retrouve le combat des Français et des Prussiens autour de l’éther, cette substance qui permet à la matière de voler, la quête du professeur Dulac, père de Séraphin, qui a été enlevé, et la poursuite de Louis II de Bavière, disparu en suivant son rêve aérien dans les volumes précédents.

La planète Mars est belle sous les crayons d’Alex Alice, il y pleut et ses canaux aériens sont autant de passages liquides sur lesquels filer à travers des paysages chaotiques. Mars est aussi un lieu d’illusions où un horrible monstre peut prendre les traits d’une princesse, et vice-versa, où l’on donne à ceux que l’on rencontre le visage de ce que l’on craint ou de ce que l’on cherche, où la télépathie est tantôt une chance, tantôt un piège.
Tout cela fait que les variations graphiques y sont plus riches encore, avec davantage d’ampleur que dans les tomes précédents : les paysages et l’architecture de Mars se déploient dans de grandes cases, des pleines pages, des incrustations, toute une gamme de formes pour décrire à la fois l’immense et le détail.
Poésie, action, politique de la conquête spatiale et de la recherche scientifique, aventures, tout cela est magnifiquement servi par un univers graphique subtil, riche et cohérent où les incroyables machines volantes font rêver. On pense à Philippe Druillet et à Jean-Claude Mézières (Valérian) aussi bien qu’à Hayao Miyazaki ou à Jules Verne.

On en trouve un joli décryptage sur le site de la Fnac.

 

 

 

 

 

 

Toute la vie

Toute la vie 
Jérôme Bourgine
Sarbacane (« exprim’ »), 2012

 Est ce que c’est une vie, cette vie qu’on vit ?

Par Anne-Marie Mercier

toutelavieD’abord il y a Michel, 13 ans , timoré, auto-centré et geignard, en manque d’amour, obèse, puis atteint d’un cancer. Ensuite il y a Isabelle, sa mère, abandonnée par les pères de ses deux enfants, aigrie, perpétuellement désagréable, incapable d’exprimer et même d’accepter des sentiments, enfin il y a Daniel, leur voisin velléitaire et sensible qui a raté sa vie dans les grandes largeurs. Et puis… il y a Hannah, présence lumineuse et fantastique change tout, tant au niveau des personnages que du roman.

Hannah est une télépathe surdouée de 12 ans qui prend à bras le corps les souffrances de sa famille et tente d’utiliser Daniel pour alléger celles-ci. Quand Daniel se prête au jeu, cela donne de très jolies scènes. Si  les relations entre Isabelle et lui sont torrides mais brèves, celles qu’il noue avec Michel sont délicates et exigeantes pour l’un comme pour l’autre, comme initier à la spéléo celui qui ne peut dormir sans lumière, construire une cabane dans un arbre, ou accompagner quelqu’un jusqu’au bout – et même au-delà – quand on a systématiquement abandonné tout et tout le monde toute sa vie.

« Toute la vie ». Pourquoi ce titre ? Est-ce parce que chacun des personnages agit comme il a agi toute sa vie et est sommé au moment de la maladie de Michel de rompre avec ce comportement ? Daniel apprendra le sens de la responsabilité, Isabelle acceptera l’amour de son fils et découvrira son amour pour lui, Michel se comportera avec courage et altruisme. Pourtant, ce n’est pas un conte de fées : les personnages demeurent avec leurs faiblesses mais vont jusqu’au bout d’eux mêmes pour dépasser celles-ci avant qu’il ne soit trop tard.

L’autre sens de ce titre tire le roman vers le fantastique : si les choses sont ainsi « toute la vie », eh bien il reste « toute la mort ». La voix de Michel commentant les événements depuis sa mort et les faisant se dérouler comme un film qu’on visionne, semble dire que la mort n’est pas une fin. Cela signifie-t-il un retour de convictions revivalistes, ou qu’il faut travailler à se perfectionner jusqu’à la fin ? Idée new age ou morale stoïcienne ?

La collection « exprim’ » de Sarbacane décidemment ne se prive de rien en se privant de la référence à la loi de 1949, et c’est tant mieux.