La Maison sur la dune
Niels Thorez – Odile Santi
Editions courtes et longues 2023
Ce qui nous lie
Par Michel Driol
Comme toutes les années, Lou – la narratrice – et ses parents rejoignent la maison sur la dune. Mais, cette année, c’est après le décès de celle qui l’occupait, la grand-mère de Lou. La fillette observe sa mère triste qui erre sur les dunes, dans la forêt, sur la plage. Elle joue un peu avec son père, sans enthousiasme, regarde de vieilles photos de sa mère enfant avec sa propre mère. Lou se décide alors à accompagner sa mère, refaire le geste qu’elle a vu sur les photos pour ôter le sable des bottes… avec la promesse de revenir l’année suivante.
Superbement illustré de tableaux en pleine page par Odile Santi, Niels Thorez propose ici un album tout en retenue et en douceur sur le temps du deuil. Tout ici y semble à la fois réaliste et symbolique. Le lieu, un lieu frontière entre la terre et la mer, la dune, qui grandit, grandit, grain de sable après grain de sable, comme l’inverse du sable qui s’écoule dans le sablier. Lou fait l’expérience de la découverte que tout est à la fois semblable et différent : les mêmes objets, les mêmes odeurs, mais l’absence de la grand-mère change tout. Au « comme toujours » récurrent du texte s’oppose le récit des premiers jours, dans lesquels la fillette, silencieuse, observe sa mère – jours qui semblent s’étirer tandis que l’illustration montre soit un décor sans personne, soit des personnages disjoints avec des échelles de plan bien différentes les isolant chacun dans leur monde. La vie revient à partir de la découverte des photos, magnifiquement montrées en noir et blanc. A partir de là, les illustrations présentent la mère et la fille unies, voire sous le regard protecteur de la grand-mère dans un cadre au-dessus d’elles. Au-delà d’être un album sur le deuil, sur la mort, c’est avant tout un album sur la transmission : transmission d’une maison, transmission de gestes, passage d’une génération à une autre dans une sorte de complicité, d’intimité féminine gardienne de secrets ou de rites à préserver.
Cet album prend le parti de la lenteur. Lenteur du rythme qui isole de courts fragments de texte – donc de récit – sur des pages qui se donnent à contempler, pages sur lesquelles on voit souvent un personnage contempler la mer, voire la mer seule. L’album sait magnifier l’instant qui passe, et comme le figer, pour toujours, pour l’éternité.
Un album plein de tendresse, sans aucun pathos, qui raconte avec sobriété une histoire simple, pour aborder des questions profondes : ce que c’est que faire famille, ce que c’est que transmettre ou hériter, ce que c’est de perdre un être cher, ce qui lie les générations.