Le Secret d’ Orbae (Le voyage de Cornelius, Le Voyage de Ziyara)
François Place
Casterman, 2011
Coffre à trésors
par Anne-Marie Mercier
La nouvelle œuvre de François Place, Le Secret d’Orbae, n’est pas un livre, c’est bien plus que cela : elle propose une nouvelle forme. C’est un coffret noir d’apparence mystérieuse dans lequel on trouve deux romans illustrés accompagnés par une carte de l’univers associé aux textes, et par des images illustrant certains de leurs épisodes, placées dans un portfolio cartonné et fermé par un lien. L’objet en lui-même est très beau.
Le contenu est lui aussi d’une grande qualité. L’ensemble renvoie à l’univers bien connu de l’Atlas imaginaire de François Place., auquel les deux héros des deux romans appartiennent : Cornelius, l’homme du Nord, et Ziyara de Gandaa.
Le voyage de Cornelius imite les anciens récits de voyages ; le narrateur est un marchand et ses aventures sont reliées à sa quête d’un objet précieux – ici une étoffe, la « toile à nuage ». Plus que marchand, le protagoniste est un rêveur qui court après un idéal, recherche le défi et que l’amour même ne suffit pas à contenter. La « toile à nuage » s’avère proche de l’« étoffe dont sont faits les rêves » chère à William Shakespeare.
La quête de Cornelius lui fait sillonner le monde pour le plus grand bonheur du lecteur, qui retrouve les belles inventions de l’Atlas des géographes d’Orbae. De nombreuses rencontres, des dangers, des découvertes de civilisations étranges, tout cela rend le récit poétique et passionnant. Dans son périple il rencontre Ziyara ; il en tombe amoureux, mais la quitte cependant pour continuer sa quête.
Le deuxième roman, Le Voyage de Ziyara, présente donc l’histoire de cette dernière, de sa naissance à sa nomination comme Grand Amiral, de sa gloire à son bannissement, de la rencontre avec Cornelius à sa recherche, au terme de sa disparition. Si les aventures de Cornelius sont essentiellement terrestres, celles de Ziyara sont essentiellement maritimes.
Ce roman est sans doute un peu moins réussi que celui de Cornelius et son intrigue plus décousue, pour deux raisons : le personnage principal en est moins complexe, et son moteur est la fuite, davantage que la quête. Néanmoins, lire la même histoire racontée selon deux points de vue est très appréciable : l’un est masculin et l’autre féminin, l’un est terrestre et commercial, l’autre maritime et guerrier. Je conseille fortement de commencer par le voyage de Cornelius, cette première approche donnant à la seconde une ossature qui lui manque sans cela.
Les illustrations sont dans le style bien connu de François Place, tel qu’il s’est révélé dans l’Atlas : souvent proches de la miniature, d’une extrême précision avec des tonalités de coloris variées et toujours significatives, que ce soit sur un mode réaliste ou symbolique. Voir ces dessins en grand format dans les planches proposées par le portfolio est un plaisir nouveau. S’ils illustrent les épisodes des deux romans, ils donnent bien plus à voir encore. La lecture procède par va-et-vient entre les romans et les images, cartes ou illustrations : nouveau mode de parcours pour un nouvel objet, libre et foisonnant.