Quand je serai un animal

Quand je serai un animal
Aurélia Alcaïs
Seuil jeunesse, 2014

Décidément, les métamorphoses…

 Par Christine Moulin

quand je serai animalDécidément, les métamorphoses ont le vent en poupe! En voici de fort belles, présentées par le truchement de dessins à la plume, en noir et blanc, rehaussés de discrètes touches de couleur: comme le titre l’indique, toutes les variantes de la transformation animale sont explorées (le chien ne laisse dépasser que la tête d’une dame très « comme il faut », le lion l’emporte sur l’humain qui n’apparaît plus que dans la crinière et dans… une montre, incongrue à son poignet de Roi des Animaux, la chouette sert de monture hybride, le koala de doudou géant, la Biche est entièrement biche sauf qu’elle porte tous les attributs d’une coquette, etc.). Tour à tour légèrement inquiétantes, drôles, attendrissantes, les illustrations sont étayées par un texte répétitif tout aussi séducteur, qui déroule les fantasmes enfantins, indiquant encore une fois, s’il en était besoin, que la métamorphose, tout en nous permettant d’oublier les limites de la nature humaine, nous guide, parfois par des détours, vers le chemin de l’âge adulte (« quand je serai animal » rappelle le plus traditionnel « quand je serai grand »). L’enfant rêve ainsi, grâce à ce beau livre,  à tout ce qui lui sera possible… plus tard, quand son corps se sera transformé, quand sa fragilité se sera faite force, quand ses peurs se seront évanouies (« je n’aurai plus peur du loup; je serai si sage et si calme que je m’impressionnerai moi-même »), quand certains mystères se seront éclaircis (« j’irai dormir discrètement dans le lit de mes parents »), quand il pourra transgresser les règles qui lui pèsent (« je ne mangerai plus que de la viande, sans couverts et sans serviettes »). Parfois, au détour d’une page, surgit une gaminerie, fantaisiste et poétique: « Quand je serai Âne, j’irai voir mon cousin lapin et on parlera oreilles ». La chute, quant à elle, ramène doucement le lecteur vers une réalité d’autant mieux acceptée qu’elle a été merveilleusement chahutée le temps d’une lecture.