Cendrillon ou la Belle au soulier d’or

Cendrillon ou la Belle au soulier d’or
Jean-Jacques Fdida, Delphine Jacquot (ill.)
Didier Jeunesse, 2013

Un conte que l’on croit connaître…

Par Christine Moulin

L’enchantement commence dès le prologue, trop long à reproduire ici, mais magique, autant que l’épilogue qui lui fait écho… Il se poursuit quand on découvre les splendides illustrations de Delphine Jacquot, dont le réalisme onirique provoque l’émotion et parle au cœur. L’enchantement perdure quand résonne la voix du conteur, à l’écriture précise, évocatrice, qui semble venue de très loin et pourtant nous parle à l’oreille: « Un homme vivait en grand bonheur avec son épouse ». Quelle belle variation sur les incipits qui évoquent le bonheur pour mieux le faire cesser! L’histoire, on la connaît mais la voici superbement renouvelée.
Les mots en sont à la fois familiers et étranges: « Quand Cendrillon allait au pré, la mauvaise lui donnait juste un doigt de bouillon froid, trois grains d’orge, un croustillon de pain et la maudissait: « Tiens, étrangle-toi avec » ». Les assonances, sans être pesantes, bercent le lecteur d’un chant envoûtant: « Cendrillon a remercié et a couru frotter les cornes de la vachette en rêvant de pains dorés et de bolées de lait ».
Les variantes réveillent l’intérêt. Ainsi, l’aide pour les tâches impossibles imposées à Cendrillon par sa belle-mère est fournie à Cendrillon par sa mère, dont la voix monte « de dessous la sépulture », et par une vache, la roussette aux cornes dorées, que condamne bientôt la méchanceté de la marâtre et de sa fille. « Cendouillon » sera également aidée, plus classiquement, par des « serins et passereaux », mais aussi par un arbre, qui saura l’enrober « d’une parure de fée », pour lui permettre d’aller non pas au bal, mais à la messe, et ce par trois fois, comme le réclame la loi des contes. Les robes de Cendrillon, comme celles de Peau d’Âne, sont autant d’hymnes à la nature et aux éléments car en la première, « se paysageaient montagnes, prairies et vallées, avec mille animaux venant y gambader », la deuxième « semblait d’océan, rivages et poissons frétillants ». Quant à la troisième, « on ne savait si elle était faite de linges ou de nuées, tout en courants d’air, volutes azurées, et mirages de ciel où des oiseaux de paradis venaient virevolter ». Le soulier n’est pas oublié! Afin de le passer au pied de Cendrillon, le conteur opte pour un moyen radical et terrible de se débarrasser de la marâtre et de sa fille, qui finissent ébouillantées, pendant que Cendrillon tend au prince une noisette dont tous deux cassent la coque et mangent l’amande…

Ainsi renouvelé, le conte parle de deuil, de consolation, de résilience:  pour renaître, il faut savoir faire confiance en la puissance du temps qui passe ( » Le temps passa alors comme un jour sans pain, Puis survinrent les termes du destin ») et des forces de vie.

Dans la même collectionLa Barbe Bleue ou conte de l’oiseau d’ourdi, Le Petit Chaperon Rouge ou la petite fille aux habits de fer blanc, La Belle au bois dormant ou songe de la vive ensommeillée.

 

Red Queen

Red Queen
Victoria Aveyard
Le Masque (MsK), 2015

Super Cendrillon, ou la mort de la littérature

Par Anne-Marie Mercier

Pour écrire red queence récit de fantasy, l’auteur, dont c’est le premier roman, a bénéficié de nombreux conseils, si l’on en croit la page de remerciements, fort longue, qui le clôt. Le résultat laisse perplexe : des dialogues creux ou niais, des vraisemblances acrobatiques (même dans ce genre il en faut un minimum) et de nombreuses redites rendent sa lecture fastidieuse, et le personnage principal, une adolescente plus « ado » que nature et pourtant investie d’une mission cruciale ne donne pas envie de la suivre tant la narration qu’elle assume donne d’importance à son petit égo stupide, boursoufflé et autocentré.

Mais on se souvient que dans d’autres séries (celle d’Allie Condie par exemple) on avait cru comprendre que c’était un procédé qui permettait de montrer l’aliénation du début pour mettre en valeur l’épanouissement intellectuel et moral du personnage. Alors, on va un peu plus loin ; on fait comme les lecteurs pressés, une fois la patience épuisée, on saute des pages pour voir où ça mène… Et on se félicite d’avoir pu aller au bout de l’entreprise, voici pourquoi:

En résumé : on se situe dans un monde post-cataclysmique : l’humanité est divisée en deux catégories, celle des « Rouges » (qui ressemblent à l’humanité ordinaire), misérables, soumis à la conscription dans une guerre sans fin avec l’état voisin et exploités avec férocité par l’autre groupe, celui des « Argents » au sang… argent qui vivent dans le luxe et ont, selon leur famille, divers pouvoirs (invisibilité, télépathie, maîtrise de l’eau, du feu, de l’air…) qui les rendent quasi invincibles. Ce côté binaire est souvent exploité en dystopie, il est mis en évidence par le ressassement de la narratrice qui à longueur de page explique combien et pourquoi elle hait ces dominateurs – on devine assez vite que cette haine a une importance pour le récit. La narratrice, rouge, est sans talent particulier ni aptitude pour un travail quelconque, elle vole pour aider sa famille et ne se fait jamais prendre tant elle est astucieuse et agile, soit – on se demande à quoi servent les super pouvoirs de la police.

Elle se trouve par une suite de hasards (providentiels) serveuse au château justement lors de la fête du choix des épouses pour les deux princes. Par accident, elle dévoile qu’elle possède un pouvoir qu’elle ignorait (elle maîtrise l’électricité, ce qui est autrement moderne que de manipuler l’un des quatre éléments) et est immédiatement fiancée au plus jeune des princes. Vu le titre, on ne peut que s’inquiéter pour la survie de son aîné, ou pour la fidélité de sa mie, et on a raison sur les deux tableaux : cette jeune fille dont on nous dit qu’elle est tout à fait quelconque est convoitée par trois jeunes hommes (deux princes et un argent, ami d’enfance : un de plus que dans Twilight, tout de même !) tous bien déterminés, et elle est intéressée par chacun sans que cela soit dit nettement. Donc intrigue sentimentale éculée, personnage type de roman à l’eau de rose, passons, le concentré – pour ne pas dire la surenchère – en lui-même est intéressant.

Le côté original du roman tient dans ses décors, pas très originaux, mais mouvants, à l’image de ceux d’un jeu vidéo semé d’embûches ou d’un parcours d’obstacle comme ceux qui ont été popularisés par les films sur Indiana Jones. Il tient aussi à son action, même si le lecteur habitué aux ficelles les voit assez vite : la pauvre Cendrillon, non seulement doit porter des robes de princesse et suivre des cours de maintien (las !) mais elle affronte un monde cruel où tous les coups sont permis, et où faire souffrir autrui est un délice : les sœurs de Cendrillon sont cent, et elles sont dans le palais. Les multiples scènes de combat mettant en jeu les pouvoirs des Argents et la petite débutante qui doit apprendre à contrôler le sien (autre topos) feraient de belles scènes pour un film à effets spéciaux, avec non plus quatre mais une douzaine de types de « fantastiques » des studios Marvel.

On finit par comprendre qu’on cherchait de la littérature, ou du moins du roman, des personnages, des enjeux, là où il y a avant tout un scenario de film ou de jeu vidéo, pas mal au demeurant : mais alors, pourquoi gâcher tant de papier ?

 

Cendrillon : le petit théâtre d’ombres

Cendrillon : le petit théâtre d’ombres
Charles Perrault, Juliette Binet
Gallimard jeunesse (Giboulées), 2011

 Théâtre de (lampe de ) poche

Par Anne-Marie Mercier

 Boîte de jeu, livre d’activité, castelet… il y a de tout à l’intérieur de ce livre de la collection « théâtre d’ombres » : on y propose un castelet de dimensions réduites, des décors en plastique rigide transparent, des figurines de même matière pour les personnages (humains et animaux), avec même quelque gros plans hardis (une figurine entière pour le pied de Cendrillon). Une lampe de poche à dynamo est fournie : fini le cauchemar de la recherche des piles…

Un petit livre propose le conte dans le texte de Perrault, illustré d’images dans le même style (mais en couleurs pastels) et accompagné de conseils pour le jeu dramatique, seul ou en groupe, tout à fait bien venus (comprendre l’histoire avant tout, essayer de ressentir l’émotion des personnages). Pour ceux qui n’arriveraient pas à improviser, des idées de mise en scène et de « jeu d’acteurs » et un texte théâtral très court sont proposés.

Enfin, tout cela est quasiment parfait. Seul reproche : le style du texte du mode d’emploi est un peu trop relâché.

Dans la même collection on retrouvera le Petit Poucet, le Chat botté, le Petit Chaperon rouge, Ali Baba, la Belle au bois dormant et les personnages des fables.

 

Cendrillon et l’oiseau de feu

Cendrillon et l’oiseau de feu
La luciole masquée, Joël Cimarron

Karibencyla, 2011

méli-mélo

par Anne-Marie Mercier

Cendrillon ,oiseau de feu,  La luciole masquée, Joël Cimarron,  Karibencyla, Anne-Marie MercierInstallées à Perpignan, les éditions Karibencyla se sont fait une spécialité des contes et notamment des « contes mélangés ». Après Barbe-Bleue et Compè lapin, la Belle et Ganesh, Petit Poucet et le Minotaure,… vient de paraître l’histoire de Cendrillon et l’oiseau de feu, qui mélange folklore français et folklore russe de façon harmonieuse.

Cela n’appporte pas grand-chose à Cendrillon, et lui ôte même une part de magie puisque la fée marraine est remplacée par l’oiseau de feu. Mais cela a l’avantage d’introduire le conte russe, peu connu en France et de manifester la plasticité des contes,  souvent greffés les uns sur les autres. Le texte est écrit dans une belle langue et les images offrent un mélange de classicisme et de modernité relativement réussi.