Le Monde des Dragons
S.A. Caldwell
Traduction (anglais) par Jean-François Cornu
Gallimard Jeunesse, 2010
Une envoûtante supercherie
par Christine Moulin
L’ouvrage est magnifique : les illustrations, très « réalistes », aux couleurs flamboyantes, aux angles de vue impressionnants, attirent dès l’abord. On s’attendrait presque à sentir vibrer une aile entre les pages…
Mais le texte n’est pas en reste. L’introduction donne le ton : « Ils sont le mugissement du vent, la lueur dans le ciel, le bruissement de la forêt. Ils sont le miroitement sous le soleil du désert, le frémissement à la surface des eaux calmes, la fureur de l’œil du cyclone ». Enumération quasi hugolienne.
Les amateurs de vrais-faux documentaires (à la manière de La fabuleuse découverte des îles du Dragon, de Kate Scarborough, par exemple ou de Lettres des îles Girafine, d’Albert Lemant) ne seront pas déçus : on a le droit à l’étude des habitats, des différentes espèces, des sens, des serres du dragon, etc. Le style sait se faire délicieusement didactique : « Observez la canine féroce du Dragon des cimes aux dents-sabres », l’explication rigoureuse, le style scientifique (« on pense que », « des traces de phosphore incandescent ont en effet été décelées », …)
Mais rien de trop « austère » : c’est ainsi qu’on apprend que le dragon « possèderait un sixième sens, non encore expliqué, qui lui permet entre autres choses de dénicher de l’or et des pierres précieuses cachés au regard ». Et nous sont racontées certaines légendes…
La dernière page recèle une savoureuse note humoristique qui prolonge l’impression d’avoir véritablement lu un documentaire très « authentique » sur de fabuleuses créatures.

Un chengyu est une formule de quatre mots, une expression proverbiale porteuse de sagesse. Dans cet album, nous avons le droit à deux histoires, deux fables, qui illustrent deux chengyu, sur le thème des dragons. L’un, « Duc Ye aime le dragon », nous parle de l’opposition entre l’image que nous nous faisons de quelque chose et ce qu’elle est vraiment; l’autre, « peindre la pupille sur l’oeil du dragon », nous parle de la puissance de l’art, du risque que doivent savoir prendre les génies; les deux réfléchissant aux rapports entre le réel et sa représentation.