Nox, t. 2 (ailleurs)

Nox, t. 2 (ailleurs)
Yves Grevet
Syros, 2013

Les héros qui puent : les Misérables version SF

Par Anne-Marie Mercier

nox2 La nouvelle série d’Yves Grevet (auteur de l’excellent Méto) a bien des qualités : elle propose un monde original, dans lequel les basses classes vivent dans la « Nox », un brouillard de pollution qui ne peut se dissiper, et qui en meurent, tandis que les privilégiés habitent dans les hauteurs où l’on peut voir du ciel bleu, de la nature ; ils captent aussi à leur profit toutes les ressources médicales qui pourraient sauver les malades d’en bas.

Le premier volume (voir la chronique de lietje) faisait se rencontrer une jeune fille du haut et un jeune homme du bas, ce qui pouvait laisser présager les banalités habituelles de rencontres des cœurs malgré les différences. Mais non, la situation s’embrouille, la violence gagne comme les compromissions, des deux côtés. On retrouve le jeune héros assassin malgré lui, prisonnier, père, en fuite, la jeune fille est de son côté coincée par de nombreux conflits de loyauté… devient traître à tous et surtout à elle même ; comment tout cela va-t-il finir ? Le récit est enlevé, rythmé, les personnages sont attachants, qu’ils soient principaux ou secondaires.

L’autre mérite du récit est de proposer des héros (ceux du monde de la Nox) qui « puent » atrocement, qui sont affligés de maladies affreuses, dont les vêtements sont en lambeaux, toutes sortes d’images qui inspirent d’ordinaire le dégoût et qui sont élevées au rang de souffrances infligées par le système dominant. Captation des ressources, système de surveillance policière, catastrophes écologiques, tout cela y est discuté. C’est de la SF, certes, et cela fait réfléchir, c’est donc de la bonne SF. Ces nouveaux misérables ont de l’allure et nous parlent d’aujourd’hui ou de demain.