Si le singe fait des singeries

Si le singe fait des singeries
Simone Mota – Elise Carpentier
Six citrons acides  2023

Animaleries…

Par Michel Driol

C’est à un drôle de mariage que les illustrations nous font assister, celui du coq et de la poule. On suit de page en page le cortège des animaux, jusqu’à la salle des fêtes où se tient la réception, où l’on boit, où l’on danse avant la photo finale.

Mais c’est à un autre mariage que le texte nous convoque, celui entre un nom d’animal et le même nom, augmenté du suffixe –rie.  Tout commence par l’inducteur du titre, si le singe fait des singeries, puis on part dans la création verbale la plus rigoureuse et la plus pure l’éléphant fait des éléphanteries et l’hippopotame des hippopotameries… Parfois, on croise, comme par hasard, des noms qui existent vraiment poissonnerie, coquetterie, chèvrerie… Parfois c’est le règne de l’à-peu-près, le phoque fait des moqueries, oups ! des phoqueries.

Voilà donc un cortège d’animaux, un bestiaire loufoque et inventif, créatif et joyeux. Il s’agit bien ici de jouer avec  la langue, en reprenant une structure de dérivation en -rie, génératrice de substantifs, bien établie en français, pour, à la façon des enfants qui explorent leur langue en créant des néologismes, proposer de nouveaux mots dont on cherchera un sens possible peut-être sur l’illustration. Cette dernière renforce les mots existants (la coquetterie du coq), donne des pistes pour zèbrerie (avec  ce zèbre peintre de rayures) ou hippopotamerie (avec cette façon qu’a l’hippopotame de manger des petites fleurs pour en expulser des grosses). C’est à une fête de la langue que nous sommes conviés, une fête qui repose sur l’attendu et l’effet de surprise, mais surtout sur le plaisir de la rime qui est ici un mariage entre des mots réels et des mots inventés. Il n’est que de lire, comme un étonnant inventaire à la Prévert, la liste des mots en rie prononcée par l’oiseau dans une des dernières pages, qui se clôt par « courgettes au riz ».

Il ne suffit pas de dire que la langue et l’orthographe sont des choses sérieuses… on peut être sérieux sans être ennuyeux, et mettre à distance la langue par le jeu, le rire, n’est-ce pas le meilleur moyen de la faire sienne ? Maitriser la langue, c’est savoir la prendre comme un superbe terrain de jeu, être capable de jouer avec les normes et de s’en affranchir. Tel est le parti pris par les éditions Six citrons acides dans leurs publications. On ne saurait que leur en savoir gré !

Des Pensées sans compter: philosophie en papillottes

Des Pensées sans compter
Frank Prévot, illustrations de Martin Jarrie

Editions l’édune (papillottes), 2011

éclats de philosophie

par Anne-Marie Mercier

Des pensées sans compter.jpgLes « pensées » de Franck Prévot ont ceci de commun avec celles de Pascal qu’elles sont fragmentaires, apparemment décousues, pleines de sagesse. Mais elles sont radicalement différentes dans la mesure où le jeu sur le langage prime. Jeux poétiques, calembours, mots d’enfant, rêveries sur les saisons, les humeurs, les émois :

– On sait que la chaleur vient du soleil. Mais le froid ? D’où vient-il, le froid d’hiver ?

– Plus tard, les minuscules deviennent-elles des majuscules?

– Prendre du recul m’aide à avancer.

– Etre et voir l’été.

– Ceux qui jonglent avec les idées devraient se souvenir que le jongleur se saisit de tout mais ne retient jamais rien.

Humour de papillotes? c’est de saison ! Mais dans son plus bel air, celui qui fait philosopher légèrement malgré l’engourdissement. Chaque phrase est un voyage. C’est un merveilleux petit livre pour ceux qui aiment lever le nez à chaque page pour sourire, penser et rêver. Les illustrations de Martin Jarrie sont parfaitement adaptées au projet du livre jouant avec une géométrie folle et mélangeant les formes.