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Philippe Dorin
l’école des loisirs (théâtre), 2012
Marionnettes du futur
par Anne-Marie Mercier
Voilà que le théâtre, et encore mieux, le théâtre de marionnettes, s’empare de la science-fiction. Le fait est assez rare pour que l’entreprise soit belle en elle-même. Mais, mieux encore, ce recueil est un régal d’originalité et d’humour.
Ces saynètes courtes, (présentées en 2010 au théâtre jeune public de Strasbourg) présentent des personnages du futur (numéros, clones, personnages virtuels,…) mais aussi Têtedelard et Boutdechou, un Mozart qui se souvient d’avoir été Mozart, et quelques humains égarés : les manipulateurs. Les dialogues jouent sur l’absurde, sur les mots, sur le langage ordinaire et les langages spéciaux. L’ensemble est très drôle, plein de fantaisie et parfois de philosophie.

Dans cette adaptation théâtrale du roman éponyme, Karine Serres met en scène Ludovic, un enfant différent qui se fait souvent insulter par ses camarades de classe. Un jour ils le traitent de « mongol ». Le dictionnaire lui apprend qu’il s’agit d’un peuple d’Asie, et il n’a alors de cesse de trouver des informations sur ces hommes dont il découvre la culture. Il en apprend les expressions, la géographie, et rêve sur leurs noms de lieux. En s’identifiant à ces guerriers, et en tentant maladroitement d’en adopter les coutumes, il se singularise et génère l’incompréhension autour de lui. Seul le spectateur perçoit la logique de ses nouveaux comportements, ce qui fait ressortir l’inadaptation des réponses de l’entourage. Cependant Ludovic acquiert progressivement de l’assurance et parvient à tenir tête à ses persécuteurs. Les échanges sont nerveux et très percutants, mimétiques de la montée de la force intérieure du héros, dont nous partageons les conquêtes par le point de vue interne qui prend souvent la forme de monologues décoiffants où l’humour est souvent présent ainsi que la poésie. Une œuvre attachante, pleine d’humanité, qui sait toucher tout spectateur, quel que soit son âge. La découverte de l’altérité se fait avec une très grande justesse psychologique, sans misérabilisme, délivrant un message résolument optimiste.
Parler de la mort aux jeunes spectateurs avec le langage théâtral est un choix courageux. Dans une pièce intitulée « Même pas mort ! », l’auteur se risque à aborder une thématique qui engage beaucoup, quand on sait combien les adultes restent souvent sans voix devant les interrogations des enfants à ce sujet.