Royale Panique à Versailles

Royale Panique à Versailles
Claire Le Meil
Sarbacane, 2020 (avec le soutien des Jeunes Amis de Versailles)

Versailles sous toutes ses coutures

Par Anne-Marie Mercier

Il fallait bien un format exceptionnel pour montrer cette poursuite dans les pièces d’un immense château, jusqu’à ses jardins et sa ménagerie. Dans cet album à l’italienne, étroit et très allongé, le cacatoès échappé de la ménagerie traverse les pages, entrant par la gauche, sortant par la droite et semant la panique : il répète partout les propos entendus dans la chambre de la reine, peu flatteurs pour son mari, le roi Louis XIV : dans le salon de la paix, dans la Galerie des glaces (où il fait tomber le peintre Le Brun de son échelle), dans la chambre du roi. A partir de là, la chasse se poursuit sur les deux doubles pages en scènes uniques, où l’on voit le roi, la reine et ses suivantes poursuivre le volatile dans un château en vue d’ensemble et en coupe, ou à travers les salons, le jardin, etc. jusqu’à la ménagerie où le cacatoès trouve en La Fontaine un avocat efficace pour se faire pardonner.
les illustrations, crayonnées sur fond blanc et rehaussées de tons pastel tantôt roses et tantôt bleus sont d’une grande efficacité narrative, des touches de noir ou de bronze et le bleu pâle et le jaune d’or du cacatoès soulignant les détails. Elles sont aussi, tout en restant très schématiques, fidèles à l’architecture des lieux : Claire Le Meil connait bien le château. Enfin, l’idée d’utiliser un personnage d’oiseau permet aussi de montrer aussi des vues aériennes.
Mais pourquoi cette date du 18 mai 1682 ? Louis XIV, sa famille et sa cour se sont installés dans le château le 6 mai de cette même année, donc une douzaine de jours plus tôt. Mystère…
Feuilleter sur le site de l’éditeur.

 

Les Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, vol. 4

Les Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, vol. 4 : L’amazone de mademoiselle
Anne-Sophie Silvestre
Flammarion, 2013

Amour de l’Histoire – l’amour impossible des princes et princesses

Par Anne-Marie Mercier

Potimaron4L’amazone de mademoiselleRevoilà la charmante Eulalie, son lapin et son cheval. Mais cette concession faite aux plus jeunes lecteurs n’empêche pas l’héroïne de grandir, et ses soucis avec elle. Eulalie est en danger, se bat, se cache, Eulalie est amoureuse en secret. Autour d’elle, ses amis ne sont qu’innocence et fraîcheur. Le futur Régent, Philippe d’Orléans, est jeune et vertueux, l’abbé Dubois est un conseiller avisé, et le Dauphin n’est pas encore confit en dévotion… joli temps de l’enfance – ou de la fiction.

Mais toutes ces aventures, menées à un rythme soutenu mais sans précipitation, se déroulent dans un cadre historique qui n’est pas un pur prétexte comme c’est souvent le cas dans le roman historique pour les jeunes : Eulalie est au service de Marie Louise d’Orléans,  fille de Monsieur, le frère du roi. Marie Louise aime son cousin Louis, le Dauphin. Las ! tous deux sont destinés à faire des mariages politiques et le roman retrace leurs espoirs, échecs, et le sort peu enviable des princesses sous l’ancien régime, ventres à vendre et à échanger. De quoi faire méditer les adolescentes et adolescents qui rêveraient de grandeur…

51Dm8Sc912L._SY445_Le très beau roman de Chantal Thomas paru cette année également, L’Echange des princesses, évoque un autre échange franco-espagnol calamiteux, et d’autres jeunes cœurs brisés, la coïncidence est intéressante. On se demande comment Anne-Sophie Silvestre arrivera à se tirer de la suite, fort sombre, et peu adaptée au jeune public : mariée à 17 ans à Charles II d’Espagne, prince aimant mais disgracieux et taré, la pauvre Marie Louise connaîtra bien des malheurs. Mais dans la fiction Eulalie veille : saura-t-elle alléger les chagrins de l’infortunée princesse et échapper à ses propres ennemis ? La suite, parue récemment, nous le dira !

Les Lumières du théâtre ou les Colombes en BD?

Les Lumières du théâtre : Corneille, Racine, Molière et les autres
Anne-Marie Desplat-Duc
Flammarion jeunesse, 2012

Les Colombes du roi soleil. Le Secret de Louise (en BD)
Roger Seiter (scenario) et Mayalen Goust (images),

 théâtre éteint, BD lumineuse

Par Anne-Marie Mercier

leslumieresdutheatrePur produit scolaire, texte sans souffle, dialogues plats, situations artificielles, ce livre censé accompagner la lecture des classiques et la faire aimer risque d’avoir l’effet contraire. Et ce n’est pas lui qui convaincra les professeurs de collège peu intéressés par la littérature de jeunesse qu’elle peut être « littéraire ». Relisons plutôt le Molière publié par L’école des loisirs ou Louison et le secret de Monsieur Molière de M. C. Helgerson (Castor poche, 2001).

On peut aussi aller vers la bancolombesBD2de dessinée des Colombes du roi soleil, le titre le plus célèbre de cette auteure. Mis en images par Roger Seiter (scenario) et Mayalen Goust (images), le récit du Secret de Louise prend un charme qu’il n’avait pas dans sa version première. La mièvrerie du texte est masquée ici par le style épuré d’une ligne claire qui sait se couvrir d’ombre de façon subtile et dramatiser les points de vue. Restent les dialogues et l’intrigue, bien convenus: les amateurs s’y retrouveront.
Les Colombes du roi soleil ont leur site, tout en rose et parme… un club, des jeux, des infos sur la cour de Louis XIV, on se croirait dans le journal Gala de l’époque.

Pour un point de vue critique, voir Les représentations du XVIIe siècle dans la littérature pour la jeunesse contemporaine : patrimoine, symbolique, imaginaire, dirigé par Marie Pérouse et Edwige Keller (Papers on French Seventeeth century littérature, vol XXXIX, n° 77 (2012)).

Les Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, 3

Les Folles Aventures d’Eulalie de Potimaron, t. 3 : secrets et présages
Anne-Sophie Silvestre

Flammarion, 2012

Capes, épées et un soupçon de falbalas

Par Anne-Marie Mercier

Si le deuxième tome manquait un peu de rythme, le troisième a retrouvé de l’allant et de la verve : amours aventures, mystères, amitiés et trahisons, déguisements et masculinisation, rien ne manque à ce volume. Mieux encore, les personnages ont de l’épaisseur, contrairement à ce que l’on voit dans de nombreux romans historiques : Eulalie est bien vivante, et on s’intéresse à Monsieur, le frère du roi Louis XIV, souvent injustement considéré, et surtout à son fils, le jeune Philippe d’Orléans, futur régent.

Les moeurs du temps, et notamment ce qui annonce l’ « affaire des  poisons », sont remarquablement bien rendues et l’auteur évite avec aisance les clichés et ridicules enchainés par ses devancières sur cette histoire.

Pour une fois qu’on a un récit pour de jeunes lecteurs qui allie humour, allant, suspens et vérité historique, on ne va pas s’arrêter en si bon chemin, j’espère ? et que ce tome 3 ne soit pas le dernier  (le 4 vient de paraître) est une heureuse nouvelle.