Je suis qui je suis

Je suis qui je suis
Catherine Grive

Rouergue, 2016

Contre-performance

Par Matthieu Freyheit

« Ecrire, c’est libérer l’androgyne qui existe en tout être », écrivait Béatrice Didier dans Ecrire-femme. C’est le pari fait ces dernières années par un certain nombre d’auteures, parmi lesquelles Catherine Grive, Anne Percin (L’Âge d’ange), Jean-Noël Sciarini (Le Garçon bientôt oublié), et bien d’autres.

Raph’, dit-on, est un garçon manqué, la performativité du langage produisant le sentiment d’une définition de soi par le ratage. Avec l’adolescence survient un changement essentiel de conjonction pour un nouvel âge de la coordination : au « garçon et fille » de l’enfance succède le « garçon ou fille » qui prépare à l’âge adulte. Il y a du deuil dans l’adolescence, et du chagrin : celui que vit Raph’ cet été-là, à ne rien vouloir, rien attendre, n’être rien dans l’indéfinition que lui opposent les autres dès lors que le genre se tait. Mais derrière le blouson de jean, le corps, lui, trahit le sexe, pour un autre échec contre soi.

Catherine Grive fait sobre, tout en restituant de la complexité : celle qu’il y a à être sous le regard des autres, et celle qu’il y a à être sous son propre regard. Celle qu’il y a, surtout, à vouloir produire de la vie quand la vie elle-même n’en fait qu’à sa tête, et malgré nous. Jusqu’à confronter l’injonction identitaire à la tautologie qui la fera taire, comme pour contrecarrer la performativité : je suis qui je suis. Où l’affirmation est toujours une question.

 

Mademoiselle Zazie ne veut pas être hôtesse de l’air

Mademoiselle Zazie ne veut pas être hôtesse de l’air
Thierry Lenain, Delphine Durand
Nathan (premiers romans), 2014

Mademoiselle Zazie – sauvetage impossible
D’après un scenario original de Nicolas Digard
Nathan (un héros Zouzous), 2014

Zazie et sa contrefaçon

Par Anne-Marie Mercier

zazie hotesseOn connait et on aime mademoiselle Zazie, l’héroïne impertinente de Thierry Lenain et Delphine Durand, la retrouver déclinée en série est un plaisir. Ici, on est face à une séquence gentiment caricaturale, une préparation de visite d’écrivain dans la classe de Max et Zazie. Tyrannie de l’institutrice, arrière-pensées des enfants, ronchonnements, on devine que Thierry Lenain joue avec des situations qu’il a pu rencontrer. Le renversement final, plein d’humour, reprend la thématique de l’égalité des sexes. Parfait. C’est aussi un vrai « petit roman », comme le titre de la collection l’indique, avec des personnages bien typés, des clins d’oeil, de l’intertextualité, une chute…

En revanche, qzazie sauvetageuand on arrive au produit dérivé, issu de la série animée, on est déçu, et même indigné : on y présente les garçons comme des débiles violents et Max lui-même est un être à la virilité menacée qu’il faut protéger par des mises en scènes truquées. A quelles filles (car visiblement cet album leur est exclusivement réservé) veut-on s’adresser ici ? Des répliques de sit-com qui prennent des airs supérieurs pour évoquer la fragilité des hommes et les mensonges qu’il faut leur présenter? Et pour quel projet : il n’est pas question d’égalité fille-garçon mais de manipulation de l’un par l’autre. Enfin, les images n’ont pas d’autre rôle que de commenter le texte, rien à voir avec la drôlerie de celles de Delphine Durand. Vive le (vrai) livre !