Le grand inventaire des petits plaisirs de Luchien

Le grand inventaire des petits plaisirs de Luchien
Frédéric Stehr
L’école des loisirs (Pastel), 2022

Luchien le bienheureux…

Par Michel Driol

Luchien est un tout petit chien, si léger que parfois il s’envole… Ses plaisirs sont bien ceux de tous les enfants : sauter dans les flaques, prendre un bain avec beaucoup de mousse, lécher le bol où a été préparé le gâteau au chocolat, les histoires qui font peur, les amis, les saisons, et surtout le câlin du soir…

Voici un album qui célèbre l’hédonisme ou l’épicurisme, à hauteur d’enfant. Certes, Luchien n’est pas bien grand, mais il est plein de joie de vive, festif, gourmand, sociable et attaché à vivre tous les instants, toutes les circonstances. Il n’est que de le voir écrire son prénom ou dessiner partout, de le trouver de page en page tantôt contemplatif, tantôt exubérant… Humain, quoi !  L’album célèbre ces petits moments de la vie qui peuvent sembler insignifiants, ordinaires, banals, mais qui sont si agréables. Il le fait avec humour en proposant des événements de la vie de tous les jours (le gâteau d’anniversaire dont on souffle les bougies, par exemple) avec un petit décalage ou une petite exagération. Non sans humour, l’image prend parfois le contrepied du texte. Multipliant sur chaque page les situations, l’album montre un personnage hyper actif (même lorsqu’il fait la sieste… dans des positions improbables) et sympathique, un enfant qui croque la vie à pleines dents, semble curieux de tout, et surtout tout aimer… avec une préférence pour les pâtes, bien sûr ! Il n’est que de voir l’illustration de la couverture pour avoir l’image de la parfaite béatitude…

En ces temps particulièrement moroses, voilà un livre plaisir, dont on ressort avec un grand sourire aux lèvres, car, au fond, il reste toujours une part d’enfance chez tous les adultes. Mais ce qui est sûr, c’est que de nombreux enfants se reconnaitront dans Luchien !

Les Bottes à splatchhh et autres mini délices inquiétants

Les Bottes à splatchhh et autres mini délices inquiétants
Annie Agopian- Albertine
A pas de loups 2020

Instants d’enfance

Par Michel Driol

26 textes, comme autant d’instants pris sur le vif, pour dire les plaisirs de l’enfance. Cela va des bonbons sans fin aux ballons gonflés à l’hélium, de la corde à sauter à l’histoire du soir. Cela passe par des jeux, Chat !, des objets, les bougies d’anniversaire que l’on souffle, des questions sur l’invention de la purée. Cela passe aussi par un imaginaire qui va du requin sur le trottoir aux rôles qu’on joue, sorcière, empereur ou grand chef. 26 textes poétiques pour évoquer ces caractéristiques minuscules de l’enfance, vécues avec intensité, et saisies ici, figées comme sur une photographie pour ne pas les oublier.

Le recueil s’inscrit dans un panorama littéraire ou l’on trouve Philippe Delerm (C’est bien) ou Elizabeth Brami (Les petits riens…). Mais il se caractérise par une écriture variée, à l’image des moments qu’il évoque. Recours au dialogue. Phrases dont les verbes sont à l’infinitif. Phrases réduites à un seul mot.  Refrains.  Recours à l’oralité. Grands paragraphes structurés. Et, à chaque fois, une énonciation en « on », qui permet d’inclure tous les lecteurs dans une communauté enfantine qui cherche à se singulariser et à se distinguer du monde des adultes, avec, pourtant, le sentiment de grandir qui revient comme un leitmotiv. Grandir, c’est une aventure faite de pas minuscules, de peurs vaincues, d’interdits transgressés (comme la flaque dehors du premier texte), de projections indéterminées dans le futur, symbolisées par les trois points en suspension du texte qui clôt le recueil.

Avec sensibilité et délicatesse, les illustrations d’Albertine, très colorées, disent les jeux et les espiègleries de l’enfance.

Un recueil épicurien plein de poésie pour ne pas passer à côté des sensations de l’instant.

Un thé à l’eau de parapluie

Un thé à l’eau de parapluie
Karen Hottois – Illustrations de Chloé Malard
Seuil Jeunesse 2020

Pour entrer doucement dans l’automne

Par Michel Driol

Quand arrive l’automne, Elmo adore faire du thé à l’eau de parapluie. Il fait aussi cuire des  bichons au citron et invite ses chats en peluche pour le gouter. Mais ces derniers voudraient de la soupe de petits poissons.  Elmo invite alors ses voisins, et leur explique que l’eau de parapluie s’est remplie de toutes les saveurs et bonnes choses de l’été. Et chacun de retrouver la mer, les sauterelles, les papillons, et même les petits poissons. Suit une partie de jeu dans les flaques d’eau avant de se retrouver autour d’ un bon feu.

Non sans poésie, Ce thé à l’eau de parapluie évoque le temps qui passe, la succession des saisons qui apportent chacune leur lumière, leur tonalité, leurs activités et leurs plaisirs. Si Elmo a le cœur serré à la première page, cette nostalgie s’en va, chassée par d’autres plaisirs et bonheurs simples, à cueillir dans le temps présent. Car l’album, plus riche et complexe qu’il n’y parait, donne une leçon de vie qui n’est pas sans évoquer Frédéric de Lio Lionni, dans la façon de parler de l’été au cœur de l’hiver, pour ne pas en oublier les sensations, ou bien sûr Hulul et son thé aux larmes. Plaisir du jeu,  plaisir de profiter ensemble du temps présent, plaisir aussi de l’amitié qui n’ose pas se dire, mais qui se vit.

Les illustrations de Chloé Malard font passer de la grisaille aux lumières chaudes de l’automne, tout en évoquant les couleurs de l’été. Autant de petites vignettes qui dessinent un univers confortable à l’intérieur, joyeux et plein de vie à l’extérieur.

Un album pudique pour dire aux enfants les bonheurs simples du quotidien.

Hyper bien

Hyper bien
Fred Fivaz
Editions du Rouergue, 2018

Eloge de la dispersion

Par Anne-Marie Mercier

Charles est dans son transat, et tout à coup une envie le prend : aller faire du canoë. Charles est à la rivière et, tiens, il a envie d’une glace, tant pis pour la canoë. Charles est arrivé devant la glacier, mais il décide tout à coup de construire une cabane… etc, jusqu’au dernier désir, ce lui de faire une sieste, qui le ramène au point de départ. Ronde des désirs, liste des choses agréables à faire, fantaisie des images qui montrent le personnage – silhouette rouge étrange – passer devant des bribes de décors et des objets qui lui ressemblent. C’est hyper surprenant, et séduisant.