Le berger et l’assassin

Le berger et l’assassin
Henri Meunier, Régis Lejonc (ill.)
Little Urban, 2021

Bella ciao

Par Christine Moulin

L’objet, d’impressionnantes dimensions (29 cm x 36 cm), provoque l’admiration immédiate: c’est un livre (magnifiquement) illustré, plus qu’un album au sens strict car il n’y a pas d’interactions entre les pleines pages qui déroulent de splendides paysages de montagne (situés en Haute-Savoie) et le texte, qui pourrait se lire et se comprendre sans les images.
Ce texte propose un récit (au passé simple, ce qui devient rare, de nos jours): est-ce une nouvelle? Sans doute.
Le démarrage est foudroyant. Dès le premier paragraphe, une simple incise accroche le lecteur: « Je ne suis pas ton ami, grogna l’assassin. » On comprend assez vite qu’il va s’agir de la confrontation entre un berger, « l’homme du milieu », comme il se définit lui-même et un homme qui fuit des milices fascistes (italiennes, comme l’indique l’allusion aux chemises grises). Le berger recueille « l’assassin », soigne ses blessures, lui fournit une grotte comme abri en attendant de pouvoir, au début de l’automne, lui faire franchir la montagne dont il dit pourtant: « Qui que tu sois, la montagne est plus dangereuse que toi. » Après avoir subi une attaque des milices, qui tabassent le berger mais ne trouvent pas l’assassin, les deux hommes se mettent en route pour passer « de l’autre côté ». On suit leurs efforts.

La fin est éblouissante et s’élève vers une réflexion humaniste et philosophique saisissante. Elle est à l’image du récit dans son ensemble, fait de non-dits d’autant plus terribles et émouvants qu’ils sont à l’unisson des personnages, taiseux, pudiques, dignes et sublimes, complexes aussi. Ce qui n’empêche pas que les dialogues soient émaillés des belles réflexions philosophiques du sage berger: « Nous allons, tous liés en cordée. De petits pas à petits pas, de vertige en vertige, l’humanité se tient dans l’ascension comme dans la chute. » Un album quasi hugolien.

L’Arbre et l’enfant

L’Arbre et l’enfant
Jean-Luc Coudray et Régis Lejonc
Editions de l’édune 2010

Petit ou grand ?

Par Anne-Marie Mercier

L’Arbre et l’enfant.jpgQue vaut-il mieux ? être petit ? être grand ? Tout dépend de ce qu’on veut atteindre, dirait l’Alice de Carroll. Ici, c’est un arbre qui répond à l’enfant, et il est lui aussi fort sage, conduisant la fillette à la conclusion « il est donc bien d’être à la fois petite et grande… – je suis déjà petite…  – Alors il ne te reste plus qu’à grandir, dit l’arbre »…
Entretemps auront été déclinés les avantages et les inconvénients de l’un et de l’autre. Les illustrations de Lejonc réussissent le tour de force d’être à la fois simples et fouillées et combinent formes stylisées et détails. Elles proposent des changements d’échelle très lisibles, des situations connues (la marchande de glaces, le sapin de Noël…), des écarts amusants. La composition de l’album montre un retour à la situation (à l’image) de départ, par un mouvement circulaire – celui par lequel la sagesse est venue à la fillette questionneuse, et au lecteur ?