Les Choses à se dire

Les Choses à se dire
Pei-Chun Shih, Amélie Carprentier
Hongfei, 2022

Ce que vivent les roses…

Par Anne-Marie Mercier

Dans un jardin, chacun vaque à ses occupations : une abeille butine de fleur en fleur, un escargot passe de feuille en feuille, jusqu’au soir où il rencontre une fleur, si belle qu’il veut la maintenir éveillée pour pouvoir lui parler.

La fleur elle, regrette le départ de l’abeille, à qui elle avait encore tant à dire. Elle se réjouit de l’arrivée de l’escargot, mais il est tard et elle a tant à dire… Elle perd ses pétales un à un, tandis que l’escargot la rassure : « il est temps encore »… et il promet de recueillir ses mots pour les transmettre à l’abeille.
Ce joli récit nostalgique qui évoque le départ de ceux à qui on n’a pas assez parlé, que l’on n’a pas assez écouté, évoque l’écoute et la transmission. La dédicace à une grand-mère y prend tout son sens. Les abeilles et les escargots montrent deux façons de se mouvoir dans la vie et d’aborder les autres, quant à la fleur elle est la sédentaire qui attend… et contemple les belles abeilles tourbillonnantes.
Mais les images restent gaies, colorées, en gros plan sur les personnages et ceux-ci ont une bonne figure toute ronde et souriante, évacuant toute tristesse.

Mon oiseau

Mon oiseau
Christian Demilly, Marlène Astrié
Grasset, 2014

Fragments d’une sagesse à longue détente

Par Dominique Perrin

9782246787112FS« Mon oiseau c’est mon oiseau / mais il n’est pas vraiment à moi. / Il n’est à personne, il est à lui. » Après une première double-page aux résonances moins immédiatement philosophiques (quoique… le texte suivant y apparaît : « Mon oiseau est doux, et quand / il vient picorer dans ma main, / il ne me pique pas », en regard d’une longue branche d’arbre porteuse d’un petit volatile noir au bec aussi contondant qu’éclatant), le timbre de ce très beau premier album se trouve et s’offre sans afféterie pseudo-enfantine.
Il s’agit, à touches patientes de tourne en tourne de page, du portrait d’une relation de confiance, d’estime et de tendresse entre un jeune oiseau et un tout aussi jeune humain. Les textes peuvent être isolés comme autant d’aphorismes ; l’image évoque, par des procédés d’aujourd’hui, la précision empathique d’un Albrecht Dürer peignant le monde végétal.
On est porté à laisser parler ici le texte plutôt qu’à gloser sa portée bienfaisante et polyphonique : « Parfois mon oiseau est triste / mais ce n’est jamais pour longtemps, / parce qu’il sait que ça me rendrait triste, / et ça, mon oiseau n’aime pas. // Mon oiseau est joyeux, la plupart du temps ; / il n’est pas joyeux pour un rien, non. / Il est joyeux parce qu’il existe (et un peu / parce que j’existe, aussi). »