La Fabuleuse bibliothèque de Marquizze la mouche

La Fabuleuse bibliothèque de Marquizze la mouche
Mélanie Deloy, Ronan Badel (ill.)
Gallimard jeunesse (Giboulées), 2025

Éloge de la lecture et des livres

Par Anne-Marie Mercier

Marquizze est une petite mouche née dans un château (enfin, dans l’écurie du château) et elle a sait lire ! Comment a-t-elle appris, on vous l’explique dans le livre, je ne vais pas tout révéler. Lisant par-dessus l’épaule des enfants qui fréquentent cette belle bibliothèque, elle découvre Jules Verne avec l’ainé, Roméo et Juliette, Les Quatre filles du docteur March, Notre-Dame de Paris… avec la seconde, et, avec la plus jeune, les contes et les fables, mais aussi Dracula et les livres d’Agatha Christie.
L’un des enfants n’aime ni les livres ni les mouches et fait de Marquizze sa cible préférée… Dans la bibliothèque, la vieille Rilke est à l’affut. C’est une araignée – quelle idée de lui donner un tel nom! Suspens granti!
Dans d’autres épisodes, les mouches s’associent à d’autres insectes pour fonder leur propre bibliothèque et créer leurs propres livres (en pattes de mouche, bien sûr !). C’est charmant et bien rythmé par les nombreuses péripéties et les illustration de Ronan Badel sont parfaites.

Belinda

Belinda
Eléa Dos Santos
HongFei, 2025

Balade en art

Par Anne-Marie Mercier

Plutôt que l’histoire de Belinda, chatte de Léon, il semble que ce soit celle de Léon, même si tout arrive par elle. Léon sort peu de chez lui. Il a peur de tout, peur aussi pour sa chatte adorée. Le jour où elle passe de l’autre côté de la fenêtre du salon, il doit la suivre pour, pense-t-il, la sauver.
L’autre côté de la fenêtre, c’est un peu comme l’autre côté du miroir chez Lewis Carroll : on est en plein imaginaire. Chaque double page montre Léon dans un nouveau paysage, toujours encadré par la fenêtre, tandis que Belinda, rentrée, vit une drôle de vie à l’intérieur de la maison, du salon à la chambre, en passant par la salle de bains, luttant contre toute sorte d’animaux qui veulent lui voler ses croquettes.
Léon, au contraire, la première terreur passée, se régale : il est dans un monde de beauté, dans le royaume de l’art. On découvre successivement dans l’encadrement des fenêtres Léon dans une vignette évoquant un tableau d’un artiste bien connu : Niki de Saint-Phalle, Caspar Friedrich (la mer de nuage), de Hokusai (l vague, bien sûr), de Magritte (l’oiseau nuage), de Monet (les nymphéas – « what else » ?), de Seurat (la Grande Jatte) et de Matisse (non pour un tableau mais pour une « manière »). Rien de très original. L’art semble se résumer à ses monuments. En revanche, le combat de Belinda contre les voleurs de croquettes est drôle et dynamique.
Les images montrant en même temps les deux réalités (si l’on peut dire) des deux personnages donnent un rythme à cette histoire qui n’en est pas vraiment une. À la stabilité de l’espace et au caractère orthogonal de sa représentation répondent les sinuosités des œuvres et le désordre engendré par les envahisseurs. Les retrouvailles font que tout finit bien. Les animaux étrangers sont partis et Léon se dit que Belinda et lui devraient vivre plus intensément… en imagination ?

Chamalloux

Chamalloux
Lee Gee-eun
Traduit (coréen) par Yeong-hee Lim
Les Fourmis rouges, 2025

Miam miam?

Par Anne-Marie Mercier

Les Chamalloux ont une allure de Chamallows. Ils sont un peu ronds, informes, blancs, petits aussi. Ils se ressemblent et portent tous comme seul vêtement un petit chapeau pointu, noir. Ils semblent asexués (on peut aussi penser à une ressemblance avec les gentils Gibis des Shadoks). Ils vivent paisibles dans un village de grandes maisons collectives et font tout collectivement : ils ramassent des gros fruits, plus gros qu’eux, qui ressemblent à des grenades et se nourrissent de leurs graines. Quand, un jour, apparait un monstre noir et poilu…
Informe, ce gros mou ressemble un peu aux Barbapapa (voir l’émission de France Culture sur les grands mous). Il répète toujours la même phrase incompréhensible (« Chamarodan Miaï Miaï ») en hurlant. L’un des Chamalloux croit entendre « Chamalloux miam miam ». Alors, les tentatives pour neutraliser le monstre se succèdent, en vain L’attacher (l’image évoque les Lilliputiens contre Gulliver,  plus efficaces que ces petits êtres), le bombarder, le brûler, rien ne marche et les illustrations montrent bien les images d’effroi qui envahissent les Chamalloux. Tout cela dure jusqu’au moment où l’un d’eux met en doute leurs certitudes : et si ce monstre voulait autre chose que les dévorer, pourquoi ne pas aller lui parler ?
Il y a très peu de texte, juste ce qu’il faut pour rendre les cris du monstre et les slogans lancés par les petits êtres, énumérant les raisons de craindre, les traits stéréotypés : poils noirs, griffes, taille… La simplicité des dessins et la légèreté des aquarelles sont accompagnées par une mise en page variée et parfois originale, les jets de rouge dans les moments de fureur tranchent à merveille, et le retour au calme est savoureux, donnant envie d’entrer dans ce paysage idyllique de simplicité. Le jeu avec le comique et l’effroi est parfait, et c’est un régal de se promener dans ces pages si simples mais toujours surprenantes qui font l’éloge de l’écoute et de l’empathie, contre les préjugés.
Il parait que tout cela repose sur un jeu de mot pour ceux qui parlent coréen…

La Famille Hollister, Aventures à Pine Lake

La Famille Hollister, Aventures à Pine Lake
Jerry West
Traduit (anglais, USA) par Mireille pierre, ill. de Marlène Merveilleux
Novel, 2025

Aventures blytonesques

Par Anne-Marie Mercier

Les Éditions Novel (filiale de Chattycat, maison spécialisée dans les Éditions bilingues de livres pour la jeunesse en langue anglaise, surtout américains, mais qui propose également des titres français faciles et populaires et des séries) publient des classiques de la littérature de jeunesse américaine. Ici, « classique » s’entend au sens de populaire : le bandeau qui barre la couverture annonce les aventures de la famille Hollister comme « la série adorée par 16 millions d’enfants » ; et celle-ci est, nous dit-on encore, « enfin disponible en France ».
Comment a-t-on pu vivre sans, me direz-vous (ou pas) ? Eh bien, on est quand même pas mal avec : cette série a l’allure confortable des séries anglaises des années 50, dans le genre des Club des cinq, ou d’Alice (Nancy Drew) publiée par le syndicat Stratemeyer (Tom Swift, The Bobbsey Twins, The Hardy Boys, Nancy Drew…). Contrairement à la plupart des autres séries, celle-ci a été écrite par un seul auteur, Andrew Svenson, dont l’identité n’a été révélée que quelques années après sa mort, en 1975. Cette série, initiée en 1953, a couru sur 33 titres. Il est aussi l’auteur d’autres séries sous d’autres pseudonymes, comme Hardy Boys (voir notre chronique) et, plus remarquable,  The Tollivers (sous le pseudonyme d’ Alan Stone, 1967 – la date est intéressante, en relation avec les lois sur les droits civiques), « l’une des premières séries écrites pour et sur des enfants afro américains » qui est cependant assez proche des thèmes et situations des Hollister, avec également une famille de cinq enfants.
Le monde de référence est bien celui d’« avant » : au temps où on ne se posait pas de question de genre, où on savait d’avance où était le bien et où le mal, où les adultes étaient bienveillants et les méchants rares et vite identifiés (enfin, vous avez compris, au temps où la littérature pour enfants dressait ce tableau). On ne se prend pas le chou et on admire ces beaux enfants Hollister aux joues roses, qu’on nomme les « joyeux Hollister » : « c’est comme ça qu’on nous appelle, dit l’un d’eux, parce qu’on est tout le temps heureux ».
Heureusement pour le lecteur (car les gens heureux n’ont pas d’histoire), ce bonheur lisse sera vite rompu et de bien des manières mais jamais gravement, l’optimisme et la débrouillardise étant inscrits dans les gènes de toute la famille. Ça commence par un déménagement, la disparition de la camionnette qui transportait les jouets préférés des enfants et la malle contenant les inventions du père, avec lesquelles il comptait bien gagner sa vie. Désespoir et inquiétude durent peu, remplacés par la nécessité de faire face et la découverte de la nouvelle maison, du nouveau magasin ouvert par les parents, et de leurs voisins. Pique-nique, canotage hasardeux, aventures, découverte de passages secrets dans la maison, enquête, découverte de la camionnette disparue et capture du voleur, tout s’enchaine tambour battant, le tout en 173 pages très aérées, avec de nombreuses illustration.
Et oui, ces cinq enfants Hollister (Jack 7 ans, Olive 6 ans, Peter, 12 ans, Anna 10 et enfin Rose la petite qui fait des bêtises) blonds aux yeux bleus sont bien joyeux, et leurs parents aussi. La nature est belle et préservée, les voisins sont aimables et solidaires, le père a l’esprit d’entreprise et sait attirer les gens dans sa boutique, tout va bien et ils seront prêts pour de nouvelles aventures.

L’Arpenteur

L’Arpenteur
Victor Hachmang
Traduit (anglais) par Basile Béguerie
Casterman, 2025

éboueur apocalyptique

Par Anne-Marie Mercier

La planète terre est devenue une poubelle, inondée et croulant sous les déchets toxiques. Le héros vient de la terre artificielle toute proche où se sont réfugiés les survivants de la dernière catastrophe. Il devait y larguer le contenu de son porteur-benne puis revenir et s’est échoué. On ne sait ce qui a causé l’accident et pourquoi ceux qui devaient le secourir l’abandonnent.
Le personnage, Géo, marche, navigue sur des canaux ou des étendues plus larges, explore des terres désolées, tantôt sous la pluie, tantôt  par une chaleur dévorante. Il traverse d’anciennes villes, des marécages, une forêt…
Le récit post-apocalyptique est porté par la poésie de Shakespeare : Géo a trouvé un livre illustré, La Tempête, dans les mains du cadavre du dernier visiteur de la planète. Les paroles de Prospero l’accompagnent dans un périple maudit. Ce récit de survivant est adressé au personnage, Géo, à travers un « tu » qui le rend encore plus étranger à lui-même. Quelques épisodes de remémoration de son enfance, de son accident ou des jours d’ennui qui ont précédé la chute de son engin offrent des échappées dans le récit de son Odyssée.
Les images, gros plans sur son visage torturé, ou plans d’ensemble sur le décor, sont souvent déstructurées, les cases déformées. On sent l’influence de Moebius, mais aussi sans doute de Druillet. Les couleurs agressent, mêlant noirceur et fluo jusqu’à un apaisement final dans le vert d’une nature presque accueillante et dans une solitude acceptée. La tempête s’est calmée et c’est sur une île que ce nouveau Robinson rencontre (réalité ou fantasme ?) son Vendredi, qu’il appelle Ariel, du nom du génie des airs dans La Tempête. Ce récit halluciné, sans direction propre, a une grande force dans ses images. Enfin, donner le rôle principal à un éboueur est peu commun, et le nommer, simplement à travers le titre, « l’arpenteur », tout cela lui donne un destin.

 

Les Enfants de Chatom

Les Enfants de Chatom
Thomas Lavachery
L’école des loisirs (medium), 2024

Melting pot

Par Anne-Marie Mercier

On dirait un roman américain de la belle époque… écrit par un Mark Twain qui se serait souvenu que les filles existent, et qui leur aurait donné de beaux rôles, actifs, généreux, courageux, sans pour autant en déposséder les garçons. Ça se passe à la campagne, dans un petit village où tout le monde se connait. Pas loin, il y a une grande forêt. Il y a aussi des ours (enfin un… et bien endormi, c’est l’hiver), des cabanes, un enfant perdu, des bucherons et des ivrognes, des fous, un charlatan, une institutrice valeureuse (comme dans La Nuit du Chasseur, film qui se passe, comme ce roman, au moment de la grande dépression). Il y a aussi un peu de magie car l’un des enfants a pour son malheur un pouvoir, mais il ne s’en sert guère et c’est davantage un démarreur d’intrigue qu’un fabricant de résolution.

Les enfants vivent leur vie, les adultes sont en arrière-plan, souvent un peu maladroits mais aimants (à part Le méchant de l’histoire). Ils interviennent quand il faut, et le font bien. Un simple d’esprit peut devenir un héros et peut même avoir une vraie vie et se marier avec une jolie femme intrépide. Les coqs chantent, on y est bien, portés par une narration bien menée dans le beau style de Thomas Lavachery qui manie les clichés avec humour.

 

Le Trésor au bout de la branche

Le Trésor au bout de la branche
Didier Lévy, Marie Mignot
Sarbacane, 2024

Monsieur le chaperon et madame la louve

Par Anne-Marie Mercier

Deux enfants s’en vont vont jouer au Chaperon rouge dans la forêt. Pas de panique, ce n’est pas encore une réécriture du conte mais une simple variation, qui joue systématiquement sur les questions de masculin et de féminin autour de ce conte.
Première entorse, là où chez Perrault l’univers était totalement féminin, ici, la mère est absente et le père est aux fourneaux. Deuxième entorse : la fille (qui est l’ainée) déclare qu’il n’y a pas de raison pour que son frère fasse le loup et pas elle. Un tirage au sort verra la sœur enfiler le costume de loup (allusion à Max et les maximonstres de Sendak ?) tandis que le frère aura le costume de la fillette en rouge. Ainsi les fameux archétypes sont totalement inversés. Par la suite, le « naturel » ou le stéréotype revenant au galop, le garçon se rebiffera et décidera que ce costume est celui du « grand chasseur rouge » armé d’une branche qui fera office de fusil. Il n’y aura cependant pas de chasse : le loup que la fille incarne est selon elle celui « qui protège la forêt et la nature tout entière », donc pas question de s’y attaquer ; le garçon, lassé de faire peur aux oiseaux, utilisera sa branche en suivant le conseil de sa sœur, à la façon d’un sourcier. Enfin, cette branche les conduira à la Grande Louve  qui d’après la sœur devait les départager. On ne sait pas bien d’où sort cette louve et comment la sœur connait son existence; son apparition détruit sans motif ni gain la petite logique du récit.
Les images, schématiques sur fond blanc sont expressives et évoquent parfois le conte d’origine à travers la représentation de la forêt et du chemin. La fin du récit ramène à la chaumière, celle du départ, nulle mère-grand à l’horizon (à moins que ce ne soit la Grande Louve, mais il manque la galette et personne n’est mangé, à part le pique-nique).

 

Les Larmes du tigre

Les Larmes du tigre
Agnès Domergue, Sande Thommen
Grasset jeunesse, 2024

« Tyger, tyger, burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry?  »
W. Blake *

Par Anne-Marie Mercier

« Quand j’étais petite, je vivais dans un pays qui s’appelait le royaume de Tigre. Une terre sauvage et chaude, à l’abri du reste du monde. Dans toute cette poussière Tigre était mon ami. J’étais son amie. Nous étions inséparables ».
La première double page fixe ainsi le cadre : c’est un moment d’enfance qui est à la fois un temps, un espace et une amitié. Tigre et l’enfant font tout ensemble, ils se promènent, se baignent, se reposent, tout cela dans une jungle en images ; la vie est faite de plaisirs et d’émotions partagées. Mais un jour, « ils » sont arrivés et ont arraché l’enfant à Tigre. La séparation est figurée dans une barque qui l’emporte, avec des personnages adultes inscrits en creux dans l’image, inexistants et trouant pourtant le bleu de l’eau. On retrouve l’enfant dans son « nouveau pays », incluse dans une file d’écoliers, portant une écharpe aux motifs tigrés, puis en adulte vêtue d’un même tissu,  exploratrice sur les traces de son ami.
Mais plus qu’une histoire d’enfant sauvage, c’est celle de la construction d’une amitié imaginaire : la petite fille semble vivre seule avec le tigre, aucun autre humain n’apparait. Seul le discours est un rappel de la réalité : « il y a les autres aussi », dit Tigre. L’enfant répond : « Toi et moi c’est tout ce qui compte ! ». A plusieurs reprises la narratrice affirme qu’elle ressemblait à Tigre. On peut renverser la phrase et dire que Tigre est une projection d’elle-même. Tigre lui révèle cependant que les larmes font une différence entre eux : les animaux ne pleurent pas. Ainsi, à plusieurs reprises, c’est l’ami imaginaire qui pose des limites à la fantaisie. Pour effacer toute séparation le désir de la narratrice sera de voir pleurer Tigre, de joie, en la revoyant. Ce sera réalisé dans son cœur… et dans l’image.
Simplicité du dessin, couleurs chatoyantes en beaux dégradés, animaux cachés un peu partout, une dominante de verts et de bleus, tout  donne aux images de cet album, où les doubles pages se déploient en grand format, une allure de paradis exotique du douanier Rousseau. Le tigre, souriant comme un chat, a l’allure d’une grosse peluche et illustre bien les ambivalences du désir d’ami imaginaire : un ami qui est comme nous, et qui peut aussi nous manger, mais qui ne le voudra pas.

* Traduction française et suite

 

Le Sang d’encre

Le Sang d’encre
Nena Labussière
Rouergue, 2024

Super Saga

Par Anne-Marie Mercier

Gros pavé (589 pages) ! Mais on ne s’en plaindra pas : quel beau et long voyage vers les royaumes des Terres-mêlées. Comme dans tout bon embarquement vers les géographies imaginaires, on trouve une carte de ces terres et de ces mers ; et comme l’intrigue est complexe et les personnages nombreux, on a même une liste des personnages, classés par ville d’appartenance. Cette répartition est importante : comme dans le royaume de Game of Thrones (Le Trône de fer) de R. R. Martin, le pouvoir détenu par un roi est disputé par des seigneurs locaux. L’un d’eux aurait même dû selon la coutume voir son héritier succéder au roi actuel, la loi ayant organisé une alternance, mais il semble être pacifique, grand ami du roi et accepter que l’autre famille monopolise le pouvoir, tout le monde se demande pourquoi (on le saura au milieu de ce tome). Quant à sa fille et à sa femme, ce sont encore d’autres histoires. Quant au troisième, il brigue le trône sans y avoir aucune légitimité et s’en passe bien, comme d’autres formalités selon lui inutiles, et mine le royaume sournoisement malgré la surveillance de la sœur du roi, redoutable cheffe de guerre. Le roi est vieux et triste. Sa mère était un monstre de cruauté. La reine est morte mystérieusement.
Comme dans la série citée, chaque ville a sa culture et son climat ; les terres qui les séparent forment autant de paysages divers, forêts sauvages, plaines désertiques, rivages. Le récit commence au moment où une curieuse épidémie décime la population et menace la vie du prince héritier : la peau se dessèche en écailles qui laissent couler un sang noir d’encre. On fait appel à Olga, une jeune guérisseuse, une enfant trouvée élevée par une vieille soigneuse. Elle-même prend pour assistant un ménestrel fantasque passionné par les légendes anciennes et les récits qui concernent les fées, les redoutables Fata qui semblent ne pas avoir totalement disparu… Olga soigne gratuitement le peuple, s’allie avec le personnel des cuisines, libère les prisonniers et les embauche dans son infirmerie. Pendant ce temps la femme du riche Sénéchal intrigue ; elle a des pouvoirs mais c’est Olga qu’on accusera de sorcellerie…
Au fil des chapitres, l’horizon s’assombrit et les forces du Mal grandissent… Il y a de quoi se faire un « sang d’encre ». Enlèvements par des brigands, attaques de pirates sur les mers, assassinats en série, histoires d’amour trahies, complots, révélations… Rien ne manque pour procurer des rebondissements multiples et un suspense permanent qui n’empêche pas des détours plus rêveurs, parfois poétiques. Ainsi, la tour dans laquelle se trouve la bibliothèque et sa réserve des livres interdits devient, comme dans Le Nom de la Rose, le pôle de toutes les questions et de quelques réponses, et le bibliothécaire archiviste joue un drôle de jeu. On explore les langues des anciens mondes, les plantes mystérieuses ou communes, on savoure les mots rares ou oubliés.
Les personnages, variés, de tous âges et de toutes conditions, sont attachants. Ils sont souvent surprenants, mêlant forces et faiblesses, vices et vertus (pour certains). Ils portent un regard contrasté sur les institutions de leur temps. Le Moyen-âge rêvé par cette série est certes un pur décor mais il a tout ce qu’il faut pour que le récit se tienne tout en empruntant autant aux contes qu’à la tragédie shakespearienne ou à la fantasy moderne. Après Le Royaume de Pierre d’Angle, en 2019, petite merveille, les Éditions du Rouergue proposent une autre série reprenant de vieux thèmes de façon originale, tout à fait passionnante.
A suivre !