Noir grand

Noir grand
Sébastien Joanniez, Daniela Tieni
Rouergue, 2012

« Et j’ai pas la peau, pas la patte blanches. »

Par Dominique Perrin

Entre journal intime et satire amère-désopilante, noir grand (sans majuscule dans le texte) transporte le lecteur dans le quotidien d’un enfant adopté vivant dans un petit village de France. Les voies de ce récit à la première personne, d’une énergie douce et incisive et d’une poésie somptueuse, ne sont pas celles d’un (pseudo) réalisme du juste milieu, ni de la minutie vériste ; ce sont celles du lyrisme aigu consubstantiel à la jeunesse, de sa propension à extraire sens et aventure de l’expérience même du désespoir. Nécessaires, rigoureuses et aériennes, les illustrations de Daniela Tieni sont partout au diapason de ce chef-d’œuvre de concision, d’une générosité tous azimuts qui emporte l’admiration.

 

La vie cachée des poupées

La vie cachée des poupées
Gisèle Bienne
L’école des loisirs (Médium), 2012

Petits larcins et thérapie

Par Anne-Marie Mercier

Dans ce très joli roman, porté par la poésie des poupées mises au rebut et par la voix de l’héroïne, légère d’abord puis qui s’affole, on voit naître et se développer une pulsion étrange.

Dans un premier temps, on découvre une enfant qui « adopte » des poupées mal aimées. D’abord une, puis une autre… Chipées au passage dans des lieux où elles semblent être abandonnées puis prises de façons plus problématiques. Elle les cache dans le grenier, s’inquiète de ce que pourront dire les autres devant ses mensonges et ses vols : ses parents, ses amies…

Dans un deuxième temps, on s’interroge, comme elle, sur la logique de ces « emprunts » : chaque poupée est différente, et pourtant toutes ont un point commun. Celui-ci conduit à la découverte d’un secret…

Maki Catta

Maki Catta
Laurence Coulombier
, Modeste Madoré
Océan jeunesse, 2011

Par Caroline Scandale

Comment adopter ses parents?

Maki Catta est un bel objet littéraire, distingué l’année dernière par le jury du salon insulaire d’Ouessant dans la catégorie jeunesse. L’ouvrage aborde habilement l‘adoption à travers les yeux de l’enfant adopté et de ses parents adoptifs. Il pose la question suivante: comment adopter ses nouveaux parents sans oublier, ni renier, ses parents génétiques? Transposer l’histoire dans le monde animal permet au jeune lecteur de s’identifier au petit lémurien tout en restant à distance de sa souffrance. De surcroit l’image ludique des singes est un astucieux moyen d’intéresser les enfants. La métaphore du feu est utilisée pour aborder la mort, la souffrance, la résurrection symbolique, l’apaisement par le flot d’amour…

L’histoire se passe sur l’île de Madagascar, au cœur de forêts luxuriantes, au milieu des primates. L’album débute par la mort tragique des parents de Maki Catta, dans un terrible incendie. Elle se poursuit par la fuite du petit singe poussé par ces derniers à courir et sauver sa peau sans jamais se retourner. Ce sacrifice ultime montre dans un premier temps l’amour infini des parents lémuriens pour leur petit. Puis dans un second temps on assiste à son adoption par un couple stérile, dans une nouvelle tribu de singes, les Sifakas. Avec une pudeur toute poétique l’auteure nous invite à partager l’émotion de la rencontre parents adoptifs/enfant et  la souffrance silencieuse de l’orphelin: « Ils l’avaient regardé. Ils s’étaient regardés. Ils l’avaient aimé, tout de suite, inconditionnellement. Maki Catta avait trouvé une seconde famille […] bien décidée à déverser sur lui des flots d’amour à étouffer les incendies de toutes les forets. Mais certains feux en apparence éteints nourrissent des braises qui n’en finissent pas de brûler… » Puis vient le temps des questionnements, des doutes, du sentiment de trahison vis à vis de ses défunts parents. Maki a-t-il le droit d’être à nouveau heureux? Toujours aussi subtilement l’album pose une autre question primordiale, celle d’aimer à nouveau, au risque de perdre encore une fois ce que l’on a de plus cher… Ou pas.

La prise de conscience de Maki Catta sur laquelle se termine l’album est une belle conclusion. On assiste à sa seconde naissance, celle du cœur. Portant fièrement ses origines il ressemble désormais, aussi, à ses nouveaux parents… « Il se reconnaissait en eux. Ils étaient son devenir. »

Pour résumer, Maki Catta est un album indispensable pour aborder le sujet de l’adoption à travers le double point de vue, adoptant/adopté. Ses illustrations colorées et foisonnantes rappellent sans cesse au lecteur que l’histoire se déroule au cœur de forêts malgaches à la biodiversité impressionnante.