Une Vie de rêve

Une Vie de rêve
Ruth Quayle, Victoria Sandoy

Gallimard Jeunesse, août 2025

L’argent ne fait pas le bonheur

Par Lidia Filippini

Petit Pêcheur est un ours heureux. Tous les matins, il pêche quelques heures, ramenant juste assez de poissons pour sa famille et ses amis. L’après-midi, il joue ou s’offre une sieste bien méritée avant de déguster le produit de sa pêche avec ceux qu’il aime.
Mais un jour, Petit Pêcheur rencontre un ours très riche qui l’invite à monter sur son yacht. « Tu n’as rien compris ! », lui explique le milliardaire. « Il faut travailler plus, pour pêcher plus ! Tu pourras alors acheter un plus gros bateau, puis ta propre usine. » Petit Pêcheur ne comprend pas bien pourquoi. « C’est pourtant simple ! Quand tu seras très riche, tu pourras tout revendre et enfin te reposer et profiter de la vie ! »
Ruth Quayle et Victoria Sandoy proposent ici une fable moderne destinée aux plus jeunes. Dès la première page, le ton est donné : « Voici une vieille histoire. Mais ne t’en fais pas, elle n’est pas trop longue. Et il y a des images. » L’illustration pose les jalons d’un univers doux et coloré où la nature se déploie. Le lecteur découvre Petit Pêcheur à travers son reflet dans l’eau du lac. Assis dans sa barque, il sourit, serein. Le village de l’ours évoque celui de Oui-Oui : toutes sortes d’animaux anthropomorphes s’y côtoient, chacun salue son voisin et partage avec les autres ce qu’il possède. Les couleurs chaudes, le jaune, le rouge, dominent. Puis tout à coup, Petit Pêcheur rencontre l’homme très riche et un bleu froid envahit les pages. Bill, le milliardaire (le lecteur adulte est tenté de faire le lien avec un autre Bill américain bien connu) explique à Petit Pêcheur ce qu’il devrait faire pour devenir riche. On quitte alors le monde utopique de l’ours pour un univers triste dans lequel le personnage évolue seul en quête de profit. Sa famille le regarde s’éloigner, on le voit de dos. Sur la double page suivante, il porte un costume et ressemble de plus en plus à Bill jusqu’à se confondre avec lui quand il apparaît à la barre d’un yacht. Mais, heureusement, Petit Pêcheur ne se laisse pas convaincre. Saluant de la main l’homme d’affaires, il retourne dans sa barque. Une double page montre alors, Bill et son yacht, à gauche, nimbés de bleu tandis que Petit Pêcheur, à droite, se dirige vers sa maison dans un paysage jaune, chaud et accueillant où sa famille l’attend.
On l’aura compris, cet album évoque avec simplicité des sujets essentiels – et pas toujours faciles à aborder avec de jeunes enfants habitués à vivre dans une société basée sur le profit et la consommation. Qu’est-ce que le bonheur ? La richesse rend-elle heureux ? Quelles valeurs choisir pour mener une vie de rêve ? Bref, voilà un livre qui permet de comprendre que décroissance ne rime pas forcément avec austérité, et un tel message ne peut que faire du bien !

 

 

 

 

 

 

 

 

Mots-clés : album LJ,

Trois leçons du grand sage Osho Babanesh

Trois leçons du grand sage Osho Babanesh
Davide Cali – Lionel Tarchala
Les éditions des Éléphants  2024

L’argent, la guerre, la mort

Par Michel Driol

On fait d’abord la connaissance d’Osho Babanesh, au travers de trois réponses pleines de bon sens et non dénuées d’humour à des questions qu’un public nombreux vient lui poser. Pius arrivent, sous forme de trois fables, de trois histoires, ses réponses à trois questions philosophiques. L’argent fait-il le bonheur ? Et le sage de raconter comment un homme très riche, après s’être entouré de collections variées, après les avoir revendues, prend conscience de la seule chose qui lui manque, un ami. Pourquoi fait-on la guerre ? C’est l’histoire de deux royaumes et d’un roi envieux, qui fait la guerre pour prendre ce qui fait la réputation du royaume voisin, sans pour autant en profiter. Enfin la mort vous fait-elle peur ? Un homme qui a l’angoisse de mourir, va s’isoler dans une forêt, où il se croit en sécurité, et où il meurt.

Voilà trois histoires qui prennent le détour de la fiction pour questionner sur la vie, dans lesquelles une forme de sagesse un peu naïve se conjugue avec une forte dose d’humour, dans la lignée des contes philosophiques. L’album ne prétend pas donner des leçons : il laisse chacun répondre, à sa façon, à ces questions qui renvoient à des thématiques importantes pour notre société : l’argent et la quête du toujours plus, la guerre et l’envie d’avoir ce que possède l’autre, et, plus intime, la peur de la mort. C’est par la caricature que procède l’album : chacun des protagonistes est dans l’excès, son défaut ou son trait de caractère est grossi jusqu’à devenir absurde. La comédie, la caricature sont bien des moyens de faire prendre conscience du monde qui nous entourent, et nous invitent, en contrepoint, à vivre dans un monde de la mesure : belle définition de la philosophie ! C’est par une pirouette finale que se clôt l’album, dans laquelle le narrateur affirme n’avoir jamais compris le sens de ces histoires. Cette quête de sens, au lecteur de la conduire, s’il le souhaite. Reste le plaisir fondamental de raconter et d’écouter des histoires.

Les illustrations de Lionel Tarchala, pleines de détails, pleines d’humour, accompagnent parfaitement le texte en montrant un monde cocasse où règne l’absurde des comportements humains.

Faut-il un gourou dans la vie ? Faut-il penser par soi-même ? Avec sa barbe à la Freaks brothers et son air de baba cool, Osho Babanesh est aussi un digne fils de Nasr Eddin Hodja dans l’humour, la dérision,  et le gai savoir !

Pas à vendre !
Isabelle Rossignol

L’école des loisirs (théâtre), 2012

Ravisseur d’enfants *

Par Anne-Marie Mercier

Cette courte pasavendrepièce en cinq scènes et cinq personnages est un bel exemple de ce que peut le théâtre pour la jeunesse et des voies qu’il emprunte.

Une fille de 11 ans, Iris, suit une femme, Viviana, qui l’attire avec de l’argent et des promesses de château et d’or pour l’abandonner dans une rue sombre d’un quartier pauvre de la ville. Ce schéma réaliste et un peu glauque est déplacé par une suite qui montre Iris prête à vendre ce qu’elle a pour retourner chez elle : sa peur, ses jambes, sa voix… Si l’on songe à une version plus cruelle encore de la petite sirène, et sans prince aucun, cette impression s’éloigne avec l’épisode suivant où Iris, momentanément sauvée par un personnage « simple », retombe dans la même erreur que celle qui l’a perdue, son incapacité à dire non.

Viviana la fée ou la sorcière est l’image de la tentation, Albert le sauveur est un pédagogue, et Iris, l’éternelle enfant à la fois désobéissante et soumise, est l’image d’un jeune spectateur qui passe de l’effroi à la réflexion puis au rire soulagé. L’importance de savoir dire « Non » pour sauver l’intégrité de sa personne est ici bien démontrée, sans qu’il soit besoin de loup ni de sorcière.

* un clin d’oeil à l’ouvrage de Maurice Yendt publié sous ce titre sur le théâtre pour la jeunesse.

http://www.letheatre-narbonne.com/cpjp/01-02/bio/mauriceyendt.html

Livre sélectionné par le Ministère de l’Education nationale