Londinium, t. 2 : Sous les ailes de l’aigle

Londinium, t. 2 : Sous les ailes de l’aigle
Agnès Mathieu Daudé
L’école des loisirs, medium +, 2022

Arsène Lapin, espion de la reine

Par Anne-Marie Mercier

Londinium est un régal. Son héros, un lapin nommé Arsène (Arsène lapin, donc, ha, ha !), porte monocle et montre de gousset : on aura reconnu un hommage appuyé à Alice de Lewis Carroll, avec le héros de Maurice Leblanc, voila un drôle de mélange. Il n’aime rien tant que fumer un bonne pipe de lucernum dans la tranquillité du foyer confortable, c’est donc un genre de Hobbit aussi.
Le monde de Londinium est un univers où cohabitent plus ou moins bien humains et animaux, avec de nombreux détails sur la géographie de la ville, les habitudes humaines reprises ou on par certains animaux, les lois et la façon de les faire appliquer par tous, etc. C’est une belle utopie imparfaite sur un avenir ans lequel l’espace serait partagé entre les espèces.
Comme Frodon, voilà Arsène embarqué malgré lui dans une aventure effrayante et inconfortable : il doit se rendre en Allemagne pour comprendre ce que manigancent Hitler et le prince héritier anglais. Enquêtant sur le sort des animaux en Allemagne, il découvre le sort des juifs et l’ampleur de la catastrophe future sans vraiment la comprendre. Il offre sur la période un regard naïf tout à fait intéressant. Il rencontre même des figures qu’on n’aurait pas imaginées voir dans un livre pour la jeunesse, celles d’Abby Warburg, avec sa fameuse bibliothèque et de son frère.
C’est drôle, sauf lorsque ça ne peut pas l’être. Le voyage d’Arsène est ancré dans la géographies des villes européennes (Londres, Berlin, Hambourg), plein de rebondissements et d’énigmes. Bonne nouvelle : le tome trois arrive bientôt !

J’ai fui l’Allemagne nazie. Journal d’Ilse, 1938-1939

J’ai fui l’Allemagne nazie. Journal d’Ilse, 1938-1939
Yaël Hassan
Gallimard (« Folio junior », « Mon histoire »), 2015

Sissi, Journal d’Élisabeth, future impératrice d’Autriche, 1853-1855
Catherine de Lasa
Gallimard (« Folio junior », « Mon histoire »), 2015

Grande Histoire et petits histoires d’adolescentes 

Par Anne-Marie Mercier

La collection « mon histoire » de folio junior se refait une jeunesse (notons que les nouvelles maquettes n’apparaissent pas encore dans le catalogue sur le site de cet éditeur :

Ces deux rééditions montrent en partie les deux voies que suit cette collection. Le principe général est de raconter la grande histoire à travers la petite, grâce au témoignage d’un personnage enfant ou adolescent (j’avais beaucoup apprécié l’histoire de l’apprenti de Gutenberg). Parfois le personnage (féminin, ce qui donne un point de vue de coulisse) est proche des sphères du pouvoir, dans d’autres cas (on y trouve davantage de garçons) il est en situation précaire et lutte pour sa survie. Catherine de Lasa (voir chronique suivante) s’est fait une spécialité de la première, Isabelle Duquesnoy également pour certaines de ses œuvres. Yaël Hassan explore plutôt la deuxième voie.

Le Journal d’Ilse est un beau roman, intéressant (une histoire ahurissante et peu connue, celle du bateau Le Saint-Louis qui transportait des juifs allemands vers Cuba entre 1938 et 1939, destination qu’il s n’atteindront pas. Mais le récit commence bien avant, lors de la « Nuit de cristaljournal ilse ». L’auteure prend donc soin de justifier la tenue de cet écrit particulier : Ilse écrit pour conjurer la peur qui s’est installée dans sa famille. Elle donne à son récit un rythme irrégulier, ponctué de temps forts, de moments d’abattement, de retour sur soi, ou de long silences dont on apprend un peu plus tard la raison. Les émotions d’Isle, ses espoirs et ses déceptions, ses rencontres qui développent des histoires qui auraient pu être d’amour en d’autres temps ou d’amitiés trahies ou fidèles permettent d’incarner bellement le récit historique et faire saisir de l’intérieur ce qu’on peut éprouver quand notre communauté est mis au ban de l’humanité.