Battlestar botanica

Battlestar botanica
H. Lenoir
Sarbacane (Exprim’), 2023

Space opera vitaminé pour jeunes lecteurs

Par Anne-Marie Mercier

Quel beau roman !
De l’espace (on saute d’une galaxie à l’autre en quelques secondes) et pourtant on reste en huis-clos (on vit à bord d’un vaisseau spatial, le Loquace, avec son équipage sans presque en sortir),
De l’humour et de la gravité,
De l’amour et de la méfiance,
Une intrigue qui avance tout en revenant à son point de départ,
Des mères manipulatrices, ce qui ne les empêche pas (peut-être) d’être aimantes,
De belles amitiés improbables et des jeux innocents.
Des contrebandiers de l’espace et des gardiens de l’ordre,
Des aliens gentils, des insectes géants, des chats…
Le livre commence avec une certaine simplicité : les personnages sont présentés avec leur portrait en pied, la liste des éléments marquants de leur vie, leur famille et leurs relations, leurs compétences, pour s’achever avec un pourcentage indiquant leur discrétion et leur efficacité. En somme, ils sont fichés et on devine vite qu’ils sont dans une situation aussi précaire que le Han Solo de Star Wars (film auquel renvoie le titre) aux commandes du vieux Faucon Millenium, accompagné de son fidèle Chewbacca, la solitude en moins.
La capitaine du vaisseau spatial a embarqué comme pilote sa fille de 17 ans, Kani : dans ce monde, seuls les jeunes sont capables d’entrer en symbiose avec le vaisseau (la symbiose ressemble à celle que l’on voit dans Astréa, paru la même année chez le même éditeur et destiné à des lecteurs plus âgés) et ils sont exploités et embrigadés pour cela. Avec eux naviguent une guide à l’apparence d’un grand oiseau de sexe féminin (genre dominant chez eux), un soldat braillard de 49 ans, un mécanicien appartenant à une espèce gigantesque d’insectes aux pouvoirs étonnants, espèce qui a décimé les terriens des siècles auparavant, son assistant mécanicien, gentil garçon de 19 ans, malentendant, qui casse parfois ses appareils auditifs, ce qui oblige tout l’équipage à utiliser la langue des signes, un biologiste humain calme, âgé de 44 ans, un assistant biologiste issu de la même espèce que la guide mais plus petit et surtout plus jeune, manipulé à distance par sa mère qui l’a chargé d’espionner l’équipage… À cette équipe s’ajoute une très jeune humaine qui a fui sa planète pour échapper à un enrôlement forcé dans un projet de reproduction de jeunes pilotes.
Ils ont une mission cruciale pour la survie des humains et de leurs alliés et devront pour la remplir lutter contre de féroces concurrents, pratiquer l’espionnage dans une Académie de formation de pilotes au cœur d’un empire raciste et spéciste, combattre jusqu’à la mort contre des flottes ennemies supérieures en nombre et en armes… assistés par leur chat Dagobert (eh oui, comme le chien du Club des cinq), maitre de tout de tous.
Les personnages sont attachants, même les plus étranges. Les relations entre les membres de l’équipage (sans oublier le chat) sont  riches malgré les différences et les difficultés de cohabitation ou de compréhension. De nombreux non-dits les irriguent, notamment entre les membres d’une même famille ou d’une même espèce. Admiration, tendresse, agacement, amour, haine… les sentiments à l’égard des uns et des autres fluctuent sans que jamais la trahison ne les abime. Enfin, le choix de raconter à travers des points de vue différents dans chaque chapitre donne à la narration beaucoup de relief, surtout lorsque le porteur du point de vue est un peu différent de l’humanité courante : le monde vécu par un sourd, par un oiseau, par être appartenant à une espèce dominée par les femmes, etc. apparait comme bien différent de l’ordinaire, et cela culmine lorsque c’est le regard du chat qui nous emmène. Le roman est drôle, toujours surprenant, attachant. H. Lenoir a fait paraitre chez le même éditeur Félicratie, un volume décrivant dans le même monde les batailles des siècles précédents ; il semble être lui aussi un petit bijou.
À ne pas manquer !

Londinium, t. 2 : Sous les ailes de l’aigle

Londinium, t. 2 : Sous les ailes de l’aigle
Agnès Mathieu Daudé
L’école des loisirs, medium +, 2022

Arsène Lapin, espion de la reine

Par Anne-Marie Mercier

Londinium est un régal. Son héros, un lapin nommé Arsène (Arsène lapin, donc, ha, ha !), porte monocle et montre de gousset : on aura reconnu un hommage appuyé à Alice de Lewis Carroll, avec le héros de Maurice Leblanc, voila un drôle de mélange. Il n’aime rien tant que fumer un bonne pipe de lucernum dans la tranquillité du foyer confortable, c’est donc un genre de Hobbit aussi.
Le monde de Londinium est un univers où cohabitent plus ou moins bien humains et animaux, avec de nombreux détails sur la géographie de la ville, les habitudes humaines reprises ou on par certains animaux, les lois et la façon de les faire appliquer par tous, etc. C’est une belle utopie imparfaite sur un avenir ans lequel l’espace serait partagé entre les espèces.
Comme Frodon, voilà Arsène embarqué malgré lui dans une aventure effrayante et inconfortable : il doit se rendre en Allemagne pour comprendre ce que manigancent Hitler et le prince héritier anglais. Enquêtant sur le sort des animaux en Allemagne, il découvre le sort des juifs et l’ampleur de la catastrophe future sans vraiment la comprendre. Il offre sur la période un regard naïf tout à fait intéressant. Il rencontre même des figures qu’on n’aurait pas imaginées voir dans un livre pour la jeunesse, celles d’Abby Warburg, avec sa fameuse bibliothèque et de son frère.
C’est drôle, sauf lorsque ça ne peut pas l’être. Le voyage d’Arsène est ancré dans la géographies des villes européennes (Londres, Berlin, Hambourg), plein de rebondissements et d’énigmes. Bonne nouvelle : le tome trois arrive bientôt !