Jacadi

Jacadi
Stéphane Servant / Emilie Sandoval
Didier Jeunesse 2022

La résistible ascension de Jacadi

Par Michel Driol

Parce qu’il a trouvé une couronne dans le bac à sable du jardin public, un enfant devient le roi Jacadi, jeu que tout le monde connait. Dans un premier temps, on joue avec des mots d’ordres simples, debout, assis, ou vous êtes beaux, forts, grands.  Puis le roi se fait construire un palais, donner les gouters, génère une guerre contre de nouveaux arrivants. Pour le désennuyer, il demande à ses sujets de chanter, les trouve nuls, les envoie tous en prison. Resté seul, il s’ennuie encore plus, et veut rejoindre les autres en prison. Mais on lui demande alors de retirer sa couronne, ce qu’il fait volontiers. On détruit tout. Mais lorsqu’un nouveau roi veut s’imposer, tous lui tournent le dos.

Ce n’est qu’un jeu d’enfants, mais c’est bien du pouvoir et de l’obéissance qu’il est question, dans cette comédie humaine où l’on peut déceler plusieurs phases. La prise du pouvoir d’abord, fortuite, conséquence d’une découverte, et l’acceptation par tous de ce qui n’est alors qu’un jeu de rôle bien innocent. Puis la folie du pouvoir, thème abondamment traité par la littérature, peut-être plus spécifiquement par le théâtre. Le nouveau roi fait petit à petit de ses camarades de jeu des sujets qui lui obéissent aveuglément, après les avoir flattés, leur désignant des ennemis à attaquer. Trois figures de gardes se dessinent alors, qui se font les relais des ordres du roi. Puis vient la résistance, avec les enfants qui refusent d’obéir en ne donnant pas leur gouter, ou ceux qui se mettent à chanter des chansons pour se moquer du roi. Le pouvoir dégénère alors en une phase de dictature, où toute parole est interdite, phase qui s’accompagne aussi de dénonciations et qui se termine avec l’emprisonnement de tous les enfants. L’abdication finale du roi marque le retour à la démocratie, les enfants ayant bien appris la leçon et décidant de ne plus recommencer. Cette fable très politique utilise les armes de la comédie : la fantaisie absurde, le grossissement et la caricature. Rien de lourd dans cet album, qui emprunte à la bande dessinée plusieurs de ses caractéristiques, peut-être aussi pour se rapprocher du théâtre. Pas de récit, mais du dialogue, vif et piquant. Que ce soit en double page ou en strips, les vignettes, qui respectent une unité de lieu et de temps, sont des scènes quotidiennes, qui montrent avec humour des figures expressives d’enfants saisis dans des attitudes pleines de vie. Et, bien sûr, une chute à la fois drôle et pleine de signification, laisse à chaque lecteur le soin de tirer par lui-même la « morale » de cette histoire à la fois intemporelle et si actuelle.

Un album plein de gaité, de vie et de joie qui montre comment un bac à sable est à l’image de notre vie politique.

Mon père est une saucisse

 Mon père est une saucisse
Agnès de Lestrade
Rouergue, Dacodac, 2013

 

Deviens ce que tu es…

 Par Caroline Scandale

 

Le père de Séraphine s’ennuie profondément dans sa vie d’expert comptable. Décidé à changer de voie professionnelle, il annonce à sa famille interloquée qu’il veut devenir comédien. S’en suivent de vives réactions et de l’incompréhension mais au final tout le monde soutient ce papa et mari hors norme et fantasque… Il débute tout de même sa carrière d’acteur en incarnant une saucisse Knacki!

Ce petit roman sur l’accomplissement de soi délivre une belle image de la famille et de la relation père-fille. De surcroît, Il montre en filigrane la difficulté à sortir du système surtout par temps de crise… L’antithèse du titre reflète parfaitement l’image que la société ou la famille se fait d’un homme non carriériste qui préfère s’accoutrer en chipolata pour une publicité plutôt que de brasser les chiffres dans son cabinet de comptable.

 Un roman nietzschéen dès 7 ans!