Le processus
Catherine Verlaguet
Editions du Rouergue, 2021
Deux pilules dans ma main
Par Christine Moulin
Des livres qui ont un thème « sociétal » comme il est de bon ton de dire maintenant, on peut tout craindre. Un roman qui traite de l’avortement d’une adolescente de 15 ans peut donc susciter a priori la méfiance. Mais il faut le dire, le titre est déjà un bon point: pourquoi Le processus? Le format est un autre atout: court, le récit démarre sec et reste efficace, centré sur l’essentiel. Centré sur l’essentiel qui n’est pas forcément ce qu’on croit: bien sûr, le choix que doit faire l’héroïne, Claire, est au cœur de l’histoire. Mais pas seulement: tout ce qui est attaché à cette décision et la rend complexe, effrayante, tout ce qui en fait une forme d’initiation, a sa place dans ces quelques pages, sans pour autant donner l’impression de fourre-tout ou de superficialité: la découverte de la force du désir, la spécificité des amours adolescentes, les difficultés de communication dans un couple quand le corps de l’une est en jeu, sans que l’autre puisse réellement la comprendre, la déception devant la lâcheté de celui qu’on croyait aimer, la nécessité de se défendre contre les adultes qui se veulent trop protecteurs et qui ne sont pas toujours à la hauteur, l’obligation de grandir plus vite qu’on ne voudrait. L’efficacité est encore renforcée par le parti pris d’insérer les dialogues comme des répliques de théâtre, qui claquent, évitant les incises lentes et convenues. Enfin, bien sûr, c’est la personnalité de Claire qui fait de la lecture de ce bref roman un moment dont on se souvient: intelligente, sensible, elle se cherche, souffre, résiste, trouve sa voie et affirme sa liberté. Sans mièvrerie, sans que rien ne paraisse caricatural, elle propose une vision attachante et encourageante des jeunes filles d’aujourd’hui.