Le Fantôme des Cévennes

Le Fantôme des Cévennes
Isabelle Renaud
Thierry Magnier 2024

Le rôdeur sur le toit

Par Michel Driol

Gaby et sa petite sœur Avril vont passer une semaine dans les Cévennes chez leur tante Colette et son épouse Francesca. Colette a souffert d’un cancer, et Gaby a un peu d’appréhension à l’idée de retrouver sa tante. Les propriétaires de leur mas sont des Parisiens peu sympathiques, mais, pas loin, il y a le gite d’étape Le Namasté, où habite Elsa, une petite fille ben dégourdie, ainsi qu’un jeune Suisse, Léonard,  à la recherche des tombes de ses ancêtres Huguenots. Mais quand la nuit on entend de drôles de bruits sur le toit, on se demande si ce n’est pas le fantôme de l’ancien propriétaire qui viendrait rôder. Les enfants mènent l’enquête…

On retrouve tous les ingrédients d’une bonne histoire de fantôme, dans un décor de montagne : une maison isolée, des bruits nocturnes, des objets qui se déplacent, la légende locale du draket que raconte Elsa, et des silhouettes blanches que l’on aperçoit en pleine nuit… Toutefois l’épouvante est ici mise à distance par l’humour dans une narration vive et dynamique prise en charge par Gaby, à la première personne. La chute de ce récit d’aventure, bien sûr, est d’une grande rationalité, montrant qu’il n’y avait rien de surnaturel derrière tout cela, que les enfants se sont laissé tromper par une série de faits et de situations que personne n’aurait devinés. Beaucoup de bruit pour rien ! Le récit s’inscrit au mieux dans les Cévennes protestantes, avec les tombes dans les propriétés, avec le souvenir des Camisards encore vivace, et la quête du passé  conduite par Léonard qui a conservé le livre d’heures de son ancêtre. Les personnages ne manquent pas d’intérêt : les propriétaires parisiens, avec leurs zones d’ombre et leurs secrets, les parents d’Elsa, gérants du gite, mais surtout la famille de Gaby. D’abord un couple homosexuel de deux femmes amoureuses et se souciant l’une de l’autre, l’une luttant contre sa maladie avec l’aide de l’autre, qui veille sur elle. Mais c’est surtout le personnage de Gaby dont on voit l’évolution entre le début et la fin. Il grandit, en apprenant à vaincre sa peur de la mort (il n’est pas allé à l’enterrement de sa grand-mère) et en comprenant comment la vie se perpétue, de génération en génération, et comment il peut cultiver le souvenir de celles et ceux qui l’ont précédé. Il comprend aussi comment il peut donner de la vigueur à sa tante malade, une force spirituelle liée à la nature.

Un récit d’épouvante, plein de drôlerie et de personnages attachants dans des situations dramatiques , qui est aussi un beau roman d’initiation.

 

Possession

Possession
Moka
Ecole des Loisirs Medium + 2022

Maison hantée ?

Par Michel Driol

Lorsque Malo, qui a environ 10 ans, revient chez lui après avoir passé deux mois dans une maison de repos, à la suite d’un épouvantable drame familial, il a du mal à renouer le contact avec ses parents et sa sœur ainé. Tous semblent sombrer de plus en plus dans la folie. Malo, quant à lui, est persuadé que la maison lui en veut : bruits inquiétant, formes bizarres, déplacements d’objets. Il s’en confie à une camarade d’école, Al, dont la sœur, aidée d’un curieux historien local, va mener l’enquête…

Comme tout bon roman fantastique ou d’épouvante, celui-ci s’ancre d’abord dans le réel. Les premiers chapitres, avec une forte dimension psychologique, nous plongent dans l’état d’esprit de Malo, dans le souvenir oublié d’une terrible tragédie dont personne, dans la famille, n’est sorti indemne. Ces premières pages ne présentent pas seulement les personnages. Elles contribuent à créer une impression oppressante, inquiétante, qui ne se dément pas. Tous les personnages de la famille, à l’exception de la grand-mère qui disparait vite du roman, semblent atteints par une folie insidieuse, celle du rangement pour la mère, phobie des réseaux et de la télévision pour le père. A cette famille anxiogène s’opposent d’autres personnages, en contrepoint bienvenu. Al, la petite copine, pleine de fantaisie et de désirs de métiers futurs, qui n’a pas la langue dans sa poche, Sa sœur, qui va petit à petit tomber amoureuse du jeune historien. Personnages pleins de vie, de légèreté, qui enquêtent sur le passé, sur le nom étrange de la rue où habite Malo, Rue de la Roue d’Abandon… La force du roman est de nous faire basculer petit à petit dans un récit d’épouvante, en semant des petits indices qui, d’abord, n’ont l’air de rien, mais en nous emmenant ensuite dans un univers de maison diabolique à laquelle il parvient à nous faire croire en maitrisant la montée de la peur, la montée du drame, la montée de la tension, la montée de la folie jusqu’à un climax terrifiant dans la plus pure tradition du genre.  Si le ressort dramatique est bien la peur – à la fois celle qu’éprouvent les personnages, celle qu’éprouve aussi le lecteur, en filigrane c’est aussi des dangers qui assaillent les enfants qu’il est question. Dangers qui rôdent depuis le moyen âge, comme une sorte de malédiction et qui rendent précieux les personnages comme la grand-mère protectrice et aimante, ou le couple d’amoureux qui se prennent de compassion pour Malo.

Un roman d’épouvante à lire d’une traite, avec des dialogues souvent savoureux qui équilibrent une atmosphère aussi terrifiante que possible !

Les Elèves de l’ombre

Les Elèves de l’ombre
Anaïs Vachez
Casterman 2020

Prof maléfique

Par Michel Driol

Jade entre en cinquième, la boule au ventre, car elle n’a pas vraiment d’ami au collège. Mais le pire est qu’elle a un nouvel enseignant de français, M. Erbenet, qui plus est son professeur principal , un homme inquiétant, sévère, qui pour un rien colle les élèves. Et après les heures de colle, ces derniers sont métamorphosés, deviennent à la fois vides et élèves modèles. Qui est-il vraiment ? A l’aide d’Adry, Jade mène l’enquête…

Les lecteurs ados aiment à avoir peur, et on se souvient du succès de certaines collections. Ce roman, de la collection Hanté, chez Casterman, reprend un certain nombre de caractéristiques du roman d’épouvante pour ados : un milieu familier, le collège, un personnage inquiétant qui semble doté de pouvoirs surnaturels, une transformation progressive des personnages, une héroïne qui risque à son tour d’être transformée mais finalement permettra de rétablir l’ordre et d’éliminer le mal. La narration est conduite avec efficacité, narration à la troisième personne qui établit une distance entre le narrateur et ses personnages. On a donc affaire à un bon « page turner », qui confronte une adolescente au mal, incarné ici par un des tenants de l’autorité morale, un professeur, adolescente que l’épreuve fera grandir tant dans ses rapports avec sa mère qu’avec les autres.

Une histoire juste assez cruelle pour mettre à distance ses propres terreurs sans en être traumatisé.