Adia Kelbara à l’académie des chamans

Adia Kelbara à l’académie des chamans
Isi Hendrix
Traduit (anglais, USA) par Rosalind Elland-Goldsmith
Seuil, 2024

Parcours laborieux

Par Anne-Marie Mercier

Comme c’est souvent le cas, cette série qui évoque les aventures d’un/e apprenti/e sorcier/e passe par bien des clichés. La jeune héroïne est orpheline. Elle est élevée par un oncle et une tante peu compréhensifs qui l’exploitent et l’empêchent de choisir son propre destin. Elle finit par leur échapper, moitié par ruse, moitié par rage, déployant des pouvoirs destructeurs qu’elle ne se connaissait pas et qui l’effraient. Elle se croit alors maudite, habitée par des pouvoirs monstrueux. Partie en apprentissage comme cuisinière à l’école des sorciers, elle cherche quelqu’un qui pourra la guérir.
Les traits d’originalité commencent là : les scènes en cuisines sont intéressantes, l’école est un organisme vivant qui souffre ; elle cache bien des secrets, notamment une bibliothèque où personne ne va (sauf Adia) ; les apprentis chamans ne sont que des enfants de la haute société sans aucun talent ; enfin, le jeune empereur qui va venir visiter l’école est parait-il possédé par un démon ancien que l’on croyait vaincu définitivement. Un sort, à la manière de celui de Cassandre, fait que toute personne qui le dénoncera ne sera jamais crue et déchainera la violence de tous, y compris de ses proches.
Adia souffre du mépris des élèves et se réfugie dans la bibliothèque où, un jour, elle surprend une conversation qui lui révèle le secret de l’empereur. Elle est peu après renvoyée de l’école et c’est dans sa fuite honteuse qu’elle retrouve la déesse venue combattre le vrai démon, une jeune fille qui deviendra son amie, un soldat maladroit qui voudrait bien l’être, etc.
Il y a de l’imagination, un univers cohérent et de belles trouvailles mais c’est malheureusement écrit de façon très lourde. De plus, tout est explicité et l’on a l’impression de lire avec une voix off qui nous explique en continu qui pense quoi et quand et pourquoi. Le récit, malgré toutes ses péripéties se traine et l’on a hâte de voir tous les pouvoirs d’Adia se révéler enfin à cette héroïne décidément un peu simplette pour tourner définitivement la page (mais, il y aura deux autres volumes pour les amateurs).

Les Elèves de l’ombre

Les Elèves de l’ombre
Anaïs Vachez
Casterman 2020

Prof maléfique

Par Michel Driol

Jade entre en cinquième, la boule au ventre, car elle n’a pas vraiment d’ami au collège. Mais le pire est qu’elle a un nouvel enseignant de français, M. Erbenet, qui plus est son professeur principal , un homme inquiétant, sévère, qui pour un rien colle les élèves. Et après les heures de colle, ces derniers sont métamorphosés, deviennent à la fois vides et élèves modèles. Qui est-il vraiment ? A l’aide d’Adry, Jade mène l’enquête…

Les lecteurs ados aiment à avoir peur, et on se souvient du succès de certaines collections. Ce roman, de la collection Hanté, chez Casterman, reprend un certain nombre de caractéristiques du roman d’épouvante pour ados : un milieu familier, le collège, un personnage inquiétant qui semble doté de pouvoirs surnaturels, une transformation progressive des personnages, une héroïne qui risque à son tour d’être transformée mais finalement permettra de rétablir l’ordre et d’éliminer le mal. La narration est conduite avec efficacité, narration à la troisième personne qui établit une distance entre le narrateur et ses personnages. On a donc affaire à un bon « page turner », qui confronte une adolescente au mal, incarné ici par un des tenants de l’autorité morale, un professeur, adolescente que l’épreuve fera grandir tant dans ses rapports avec sa mère qu’avec les autres.

Une histoire juste assez cruelle pour mettre à distance ses propres terreurs sans en être traumatisé.

Crevette

Crevette
Elodie Shanta
La Pastèque, 2019

A l’école des sorciers/ de la vie

Par Anne-Marie Mercier

Une petite fille nommée Crevette est orpheline et pleure tout le temps : elle est seule dans sa petite maison des bois, malgré le fait que sa mère défunte lui parle depuis l’urne où sont placées ses cendres, et en plus on l’a refusée à l’examen d’entrée à l’école de sorcellerie, alors qu’elle voulait être sorcière comme sa mère.
Heureusement, elle est recueillie par des voisins un peu bizarres : Gamelle qui ressemble à un chat gris, Joseph le diablotin rouge, Mistigriffe le chat (un vrai, mais qui a été mordu par un vampire et a des petites ailes sur le dos). Gamelle l’aide à préparer son examen et à planter les graines de plantes à potions, Joseph est un peu moins présent (il travaille à l’extérieur – curieux comme ces êtres, mâles, non humains, ont des comportements genrés. Elle finit par intégrer l’école, viennent les cours (assez drôles), la rencontre de l’amie et de l’ami…
L’histoire est découpée en courts épisodes, ce qui donne à ce livre assez épais (114 pages, très aérées) beaucoup de lisibilité. Les dessins sont esquissés à gros traits et très simplement mis en couleurs, ce qui donne à l’ensemble une allure enfantine et maladroite (la dernière page laisse penser que c’est Crevette l’auteure).
L’ensemble est charmant et parfois un peu acide, souvent drôle : les cours de runes et de potions sont cocasses. Il propose une vision de toute sorte d’initiations à travers l’épreuve de la solitude et des différents stades du deuil, des examens qu’on réussit ou pas, de la jalousie, de l’amour, de la perte, mais aussi les pouvoirs de l’amitié et de l’entraide, et la nécessité de la confiance et du dialogue.

De l’autre côté du ciel

De l’autre côté du ciel
Evelyne Brisou-Pellen
Gallimard (folio junior), 2002, 2016

Roman des origines

Par Anne-Marie Mercier

de-lautre-co%cc%82te-du-cielOn trouve dans ce roman de nombreux éclairages sur les hypothèses que l’on peut forger sur la naissance de la civilisation et sur ce que l’on sait de l’histoire des premiers hommes. Tout cela est entrelacé avec ce que l’on sait de tribus dites « primitives », pour décrire à la fois les mœurs de la tribu des deux héros, l’un fils de chef, l’autre fils de sorcier, partis en quête loin de chez eux, et celles de ceux qu’ils rencontrent dans leur voyage : les idées religieuses, le statut divers des femmes, les techniques pour s’orienter, faire du feu et le maintenir, cuire les aliments…, comme les débuts supposées de l’agriculture et de l’élevage, la naissance de la pensée scientifique…

Que la quête soit un échec et que celui-ci soit parfaitement assumé par le héros est une des originalités de ce très beau livre, bien mené, passionnant, aux personnages attachants.