Double 6

Double 6
Emmanuel Trédez
Didier Jeunesse 2019

Le roman d’un tricheur

Par Michel Driol

Hadrien, élève de 4ème, a disparu. Qui est-il vraiment ? Frimeur un jour, timide le lendemain, auteur de haïkus un jour, bagarreur le lendemain, amoureux  de Midori un jour, indifférent le lendemain.  Deux policiers mènent l’enquête, interrogent les élèves de sa classe, et plus l’enquête avance, plus le personnage semble double. Pourquoi cache-t-il l’existence de son frère ? Bien sûr, on aura compris qu’il s’agit d’une question de gémellité et d’une sombre machination bien au point montée par les deux frères…

Le roman suit l’enquête de la police, et chaque chapitre livre un regard nouveau sur Hadrien, porté par un de ses camarades. C’est l’occasion aussi  de faire le portrait de ces adolescents. On retiendra en particulier Midori, qui fait des listes, et se questionne sur l’amour. Car, au-delà de l’enquête, le roman aborde quelques problématiques liées à l’adolescence : la question de la mort des parents, la crainte de l’échec scolaire et les façons de tricher pour l’éviter, les premiers émois amoureux, la difficulté à se trouver et à être soi, la malchance qui semble accompagner certains dès leur enfance, le mensonge dans lequel on s’enferme. La question du double, présente dès le titre comme une clé de lecture, incarnée par le couple que forment les jumeaux, traverse tout le roman : qu’est-ce que la perfection du double six, coup de dé sur lequel Hadrien engage sa vie ? Le couple est-il une figure de la perfection dans la complémentarité ? Le roman, écrit dans une langue simple, fait la part belle aux dialogues, mais aussi aux écrits des deux personnages principaux : les haïkus d’Hadrien, les listes de Midori se répondent, échos de la poésie orientale et de Shei Shonagon…

Un roman choral, presque polyphonique, agréable à lire qui dresse des portraits d’adolescents d’aujourd’hui.

L’Une danse, l’autre pas

L’Une danse, l’autre pas
Geneviève Casterman
Ecole des loisirs (Pastel), 2011

 Poésie et humanité réunies

par Sophie Genin

9782211203012.gifLe titre poétique -référence au film d’Agnès Varda, L’Une chante, l’autre pas, traitant du droit des femmes et du féminisme à travers le destin très différent de deux amies – donne le ton de cette fable philosophique délicate.
Rose et Line, oiselles jumelles partagent tout dans la prime enfance mais sont fondamentalement différentes.
Le trait des dessins représente avec pudeur et émotion des oiseaux blancs aux pattes jaunes et au bec orange, les détails les humanisant pour rendre l’histoire accessible à tous. L’identification est immédiate car, grâce à la gémellité, chacun peut s’identifier à l’une ou l’autre soeur : l’une est « bougeon » et rêve de parcourir le monde, l’autre, plus sédentaire, a un tempérament d’artiste et recueillera les oisillons tombés du nid.
Toutes deux auront besoin de se détacher l’une de l’autre, de s’émanciper, afin de mieux se retrouver. La fin reste ouverte, chacun pouvant interpréter le destin des soeurs. Une des lectures, dans la lignée de Auprès de mon arbre de Brassens, pourrait être la renaissance de celle partie puis revenue, celle partie chercher ailleurs ce qu’elle retrouve chez elle, avec ses racines…