Petit parleur

Petit parleur
Fabien Arca
Editions espace 34 – Théâtre Jeunesse 2024

Premier jour d’école

Par Michel Driol

Il va à l’école, pour la première fois, avec sa maman, et ce petit parleur dit ses émotions, ses joies, ses peines tout au long de cette journée exceptionnelle, en 23 courtes séquences qui sont autant de monologues, ou de soliloques intérieurs. Fabien Arca raconte les temps forts de cette journée mémorable d’un enfant mutique, l’arrivée en classe, serrant fort la main de maman, puis la séparation, les cris et les bruits inhabituels, la récréation, la cantine, la sieste, et enfin les retrouvailles avec la mère.

C’est un texte d’une grande poésie, qui vient d’abord de la langue de cet enfant. Il écorche gentiment certains mots. Ainsi la récréation devient la récrémation, la table ronde devient la table monde, ouvrant ainsi à une autre vision du monde. Ainsi sa particulière et pittoresque façon de désigner les autres enfants, le-garçon-il-est-triste ou la fille-elle-parle-beaucoup, ou encore les autres adultes comme la dame-elle-donne-les-plats ou la dame-elle-aide-la-mitresse. Ce sont aussi se erreurs de syntaxe, comme A l’enfile mes chaussons, qui donnent accès à un autre usage du langage, poétique. Si tout est nouveau pour lui, la force du texte est de nous faire sentir à quel point cette première journée de classe, pleine de rituels inconnus, d’enfants et d’adultes inconnus, est la plongée dans un univers angoissant malgré la bienveillance d’adultes. Le Petit parleur est souvent aux bords des larmes,

Mon chagrin
De cailloux
Il fait plouf

Il exprime son mal être, sa difficulté à se montrer nu aux toilettes, et le pipi au lit durant la sieste devient la pluie de mon sommeil qu’elle a tout mouillé.

On le voit, les métaphores du texte ont une réelle force poétique et émotive, mais aussi créatrice de l’imaginaire de l’enfant muré dans son silence extérieur, mais qui a une riche vie intérieure faite d’émotions, de sentiments, de ressenti…

Si le texte joue sur l’émotion, il n’est en rien sombre. Cet éveil au monde a quelque chose de lumineux, presque comme une seconde naissance, parfois douloureuse, qui fait entrer dans un monde où le seul lien n’est plus celui de la maman, dont l’absence se fait cruellement sentir, mais celui de  tous les autres qu’il faudra apprendre à nommer, à connaitre. C’est là toute la polysémie du dernier verbe, partez, à la fois partez hors de l’école, mais aussi partez sur le riche chemin de la vie sociale.

Bien rangés à l’école

Bien rangés à l’école
Elo
Sarbacane, 2020

Range ta classe !

Le petit théâtre de l’école, c’est aussi bien la cour que le couloir, le dortoir, la cantine, la classe. Tous ces lieux sont représentés très colorés et très pleins : pleins d’enfants-patates aux nez pointus, de sexe indéterminé, de diverses couleurs (bleus, rouges, rose, vert…), très actifs et coopérants, quand ils ne sont pas rêveurs et contemplatifs, et plein de meubles, de décorations, d’objets de toutes sortes (aquarium, crayons, ciseaux et colle, papier hygiénique, gâteaux, chaussons..).

Toute cette animation sans parole se combine avec celle que propose le dispositif : un disque à faire tourner sur lequel apparaissent toutes sortes d’objets lorsqu’ils se trouvent face aux découpes de la page. Ainsi, il faut chercher où placer la chaussette qui se promène dans un endroit incongru, sortir les biscuits de la table où l’on dessine, découpe et colle, remettre le serpent dans le vivarium, attribuer à chacun son doudou, et ne pas mélanger les bottes et les bonnets…
Il y en a des choses à ranger, désigner, commenter ! Cet album est un support drôle pour nommer les choses, les apprivoiser… et peut-être apprendre à ranger en comprenant la logique de chaque classement. Malin !