Madame Livingstone

Madame Livingstone
Barly Baruti,  Christophe Cassiau-Haurie (Ill.)
Glénat, 2014

Par Edwige Planchin

Madame LivingstoneA peine entré dans le livre, nous comprenons que nous nous immergeons dans un univers complexe, construit, riche et profond. Pendant la première guerre mondiale, un aviateur belge, Gaston Mercier, est chargé de couler, sur le lac Tanganyika, un cuirassé allemand. On lui assigne pour cela un guide énigmatique : un métis en kilt surnommé « Madame Livingstone ». Outre l’intérêt historique (l’exportation jusqu’en Afrique de cette guerre), la rencontre de ces deux hommes dans un conflit qui n’est pas le leur suggère des questionnements philosophiques sur l’identité, l’appartenance à une patrie, la perception de l’autre… On apprécie particulièrement la personnalité fine, intelligente et assumée dans sa singularité du métis, rompant ainsi avec l’image du « noir » dans la BD. Ainsi que l’évolution psychologique de Mercier. Un travail énorme et particulièrement réussi qui provoque avec force du dégoût pour la guerre et l’envie de rencontrer l’autre au-delà de toute forme d’appartenance à un groupe.

L’étonnante disparition de mon cousin Salim

L’Etonnante Disparition de mon cousin Salim
Siobhan Dowd
Traduit (anglais) par Catherine Gibert
Gallimard jeunesse (folio junior), 2012

Autiste détective

Par Anne-Marie Mercier

Publié pour la première fois en français en 2009, ce roman fait penser très fortement au Bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon, publié en 2004, qui a connu un grand succès et a été beaucoup exploité par les enseignants et tous ceux qui cherchaient à développer la compréhension et la tolérance vis-à-vis des enfants handicapés (voir un article sur ce livre paru dans Repères)

Dans les deux cas il s’agit d’une enquête policière menée par un jeune autiste. Si le héros de Haddon, Christopher, atteint du syndrome d’Asperger, était à sa façon un génie, celui de Siobhan Dowd est plus intégré. Il a une sœur, deux parents, va au collège (et y est malheureux). Mais, comme Christopher, il a des manies (la météo), des gestes incontrôlés, des difficultés à comprendre les émotions des autres et à les partager. L’intrigue policière est ici plus développée, autour d’un événement plus dramatique, une disparition d’adolescent. L’évocation de l’angoisse de la famille et de l’appareil policier et médiatique qui se met en place crée de vrais moments d’angoisse. Le texte, bien traduit, rend bien les raisonnements de Ted et ses difficultés de langage et d’adaptation. Le duo qu’il forme avec sa sœur est parfois comique et crée des pauses qui allègent le récit.

C’est une belle façon de faire entrer les jeunes lecteurs dans une pensée différente. Le désir de Ted d’avoir des amis autres que ses parents et son éducateur est émouvant et fait comprendre, au-delà du  problème de l’autisme, le drame des adolescents en mal de communication.

Siobhan Dowd est décédée prématurément mais est présente dans l’actualité littéraire par la parution d’un très beau livre de Patrick Ness, Quelques minutes après minuit, sur une idée de roman qu’elle n’a pas pu achever (voir notre chronique parue le mois denier).