dossier océan

Dossier océan
Claudine  Aubrun
Rouergue 2014  Coll. Doado noir

   Les secrets  encombrants

Par Maryse Vuillermet

 couv-dossier_ocean-198x300 Brune, adolescente de seize ans, dessine, la plage, les dunes, les paysages de la côte basque. Et pour cela, elle photographie longuement les lieux. Or, ce jour-là, elle a peut-être photographié ce qu’il ne fallait pas.  En effet, à l’endroit où elle se trouvait, un crime a été commis. Il ne manquait plus que cela dans une vie déjà marquée par  bien des malheurs: elle vient de perdre brutalement sa mère qui l’élevait seule. Traumatisée,  désespérée, elle a perdu aussi la parole et a été recueillie par son oncle et sa tante. Mais au lycée, on se moque d’elle, elle est agressive et, jugée asociale, elle risque le renvoi.

Ses photos  stockées dans le dossier océan  de son ordinateur vont donc attiser la curiosité de la police et celle d’un mystérieux agresseur qui tente par deux fois de la tuer. Qui cherche-telle à protéger ? Son oncle  est arrêté immédiatement parce qu’il était lui aussi sur la page et  a parlé avec la victime, et du fait de son passé de terroriste. Que lui cachent les adultes? Qui est son père qu’elle n’a jamais connu? Brune, tout en cherchant à sauver sa peau, reconstitue peu à peu le puzzle et découvre la vérité de ses origines. Et mieux vaut une vérité douloureuse qu’un secret qui contamine toutes les relations humaines.

Le roman est intéressant car,  au-delà de l’intérêt du suspens bien ménagé et de l’enquête policière, se posent dans ce roman, le problème de l’importance toxique des secrets qui empoisonnent les âmes et celui de l’embrigadement des jeunes dans les mouvements terroristes. Est bien développée également la relation à l’art, au dessin, à la représentation artistique. Pour Brune, le dessin est une vocation, une passion  mais aussi un refuge.

Mémoires d’une vache

Mémoires d’une vache
Bernardo Atxaga
traduit (espagnol) par Anne Calmels
La Joie de lire, 2012

Voix basques

par Anne-Marie Mercier

Publié en basque sous le titre « Behi euskaldun baten memoriak » (Mémoires d’une vache basque) en 1991, puis traduit en espagnol, français, roumain, allemand, albanais,… et même en espéranto, il était temps que ce roman curieux écrit par un auteur reconnu revienne en librairie. C’est une reprise de la version française publiée par Gallimard en 1994, avec une nouvelle traduction qui sert bien le propos : faire entendre des voix, autant que raconter une histoire, avec un petit « h » comme avec un grand.

La voix principale est celle de Mo, vache naïve mais qui apprend. Elle vérifie l’exactitude des préceptes de vie généralement admis (comme « il faut aider ses amis ») et la difficulté de leur mise en pratique. Née vache, elle hésite entre la soumission, confortable, qui permet la vie en groupe, et la rébellion incarnée par son amie, vache asociale qui se rêve sanglier. L’autre voix est celle de sa « voix intérieure », ou de son ange gardien qui depuis sa naissance la serine avec des conseils avisés énoncés en style hyper soutenu ; Mo l’a appelée Pénible, c’est tout dire. Pénible incarne le bon sens, l’estime du peuple vache, la fidélité aux traditions, mais fait parfois preuve d’originalité devant les catastrophes.

On y trouve une version humoristique de la veine autobiographie – mémorialiste plus précisément : à la fin du texte, Mo regrette que celui-ci ne dise pas toute la vérité ; son interlocutrice lui propose alors le modèle des Confessions d’Augustin. Mais c’est aussi un roman plein de suspens : Mo et son amie, la Vache qui rit, résolvent une énigme qui s’inscrit dans l’Histoire d’Espagne, de 1940 à 1990, donc des échos de la guerre civile jusqu’à l’après-franquisme.