Dix petites graines. Mon jardin en hiver

Dix petites graines. Mon jardin en hiver
Ruth Brown
Gallimard jeunesse (poche : « L’heure des histoires »), 2017

Leçons de nature

Par Anne-Marie Mercier

Les Dix petites graines de Ruth Brown, publié pour la première fois en 2001, est un classique pour de multiples raisons : les illustrations sont belles, mêlant réalisme et expressivité, alliant les tons sombres de la terre vue en coupe tandis que les graines germent et se transforment en pousses, aux bruns des animaux (chat, taupe…); au-dessus, éclatent les couleurs claires où le jaune domine, lumière du ciel, livrée des  habitants de l’air (coccinelle, pucerons), lorsque la plante pousse, seule rescapée de dix après les différentes incursions des vivants sur son territoire souterrain ou aérien.
Belle leçon de « choses », qui montre que semer ne suffit pas, et que la nature est généreuse et remplace ce qui est perdu.

Mon jardin en hiver est un conte en cascade (ou en « progression à thème linéaire », structure dont on a souvent du mal à trouver des exemples en cours de français). Les illustrations, superbes, perdent comme celle de l’autre album, dans ce format réduit, mais cela reste charmant.

La Fête des fruits

La Fête des fruits
Gerda Muller
L’école des loisirs, 2017

Ronde des saisons

Par Anne-Marie Mercier

Gerda Muller a un talent pour créer des illustrations qui ont le charme de celles d’antan, entre documentaire et fiction, imagiers et encyclopédies. Chaque page de droite montre une scène champêtre plaisante, mettant souvent en scène des enfants ou adolescents qui s’affairent autour de plantes dont les noms sont Inscrits en dessous de l’image et au dessus d’un bandeau montrant les feuilles et fruits de cette plante.

Dans la page de gauche, on nous raconte l’histoire de Sophie, jeune citadine en vacances chez ses oncle et tante, qui découvre les cueillettes avec son cousin (fraises, groseilles, cerises, prunes…), puis écolière devant s’adapter à une nouvelle région, après avoir déménagé dans le sud, et la découvrant avec l’aide de sa voisine, de l’été jusqu’à l’automne (melons, abricots, raisins, grenades, figues, olives, citrons, mûres, châtaignes…). Le panorama des fruits est complété par un projet d’école sur les fruits : Sophie et ses camarades font de belles fiches illustrées sur la goyave, l’ananas, la papaye, la pistache… et Sophie rêve d’aller voir « en vrai » toutes ces choses – comme l’enfant qui aura lu ce livre?

En tout cas il aura fait une belle incursion dans un documentaire présenté sous la forme d’un récit, avec des personnages qui lui sont proches. Rien de très original, mais fait à la perfection.

Voici l’histoire

Voici l’histoire
Sara Donati
Rouergue, 2015

Graines d’amitié

 Par Clara Adrados

Voici l'histoire« Voici l’histoire… », ainsi commence cet album très poétique de Sara Donati, qui invite le lecteur à suivre le narrateur dans l’histoire de Fante, Hydromel, d’une graine de plante, et d’une théière incomplète.

C’est une histoire qui ne se dit pas… Le narrateur introduit les personnages, puis laisse parler l’image. Les motifs, couleurs, accessoires, participent pleinement à la narration. Le lecteur est celui qui recompose les séquences illustrées pour les faire parler. Ainsi, l’histoire commence avant la page de titre, avec l’apparition des petits pois rose sur fond blanc, tels qu’on les retrouvera sura théière d’Hydromel et le « chapeau » de Fante. La graine, premier personnage, entraîne le lecteur dans l’histoire. Les plantes tissent un fil entre les personnages, jusqu’à les amener à se rencontrer, elles sont le moteur de l’action. Les plantes symbolisent aussi l’acte de lecture, le fil narratif que le lecteur se doit de recréer.

Place est faite à l’imagination, donc. L’image raconte. Nous sommes face à deux solitudes, face à une théière incomplète : uniquement le chapeau d’un côté, et seulement le bol de l’autre. Arrêtons-nous un instant sur les prénoms donnés aux personnages : Fante et Hydromel. La première a un prénom, homonyme du mot « fente ». Une fente est un espace qui laisse entrevoir un ailleurs, une possibilité. C’est aussi une ouverture par laquelle on peut sortir. La seconde, Hydromel, a un prénom à consonance magique. L’hydromel est une boisson composée d’eau et de miel, boisson douce, sucrée, rassurante. Boisson venant de la forêt, où habite Hydromel. Ces prénoms donnent le ton à l’histoire, emmènent le lecteur dans un univers magique, poétique.

Fante s’ennuie chez elle. Une plante fait son apparition à travers sa fenêtre, elle décide de la suivre. La teinte grisée des images dessinées au crayon à papier vont de pair avec une ambiance, un peu triste, comme éteinte, qui se dégage de la ville et de la maison de Fante. Seule cette dernière, avec son chapeau blanc à petit pois rose détonne et lui donne un air fantaisiste, joyeux. La forêt apporte sa couleur, verte. Petit à petit on laisse le gris pour le vert, couleur apaisante, couleur de l’espoir. Une fleur rose surgit sur une double page : la graine a germée, l’amitié est née. Jusqu’à la maison d’Hydromel, d’où sort la plante. Le jeu des couleurs prend son importance ici, avec un jeu sur les ombres (celle de Fante dans l’encadrement de la porte et celle d’Hydromel), un jeu sur la présence de Fante dans l’univers d’Hydromel. Les couleurs se mêlent, les ombres ne font plus qu’une. Une présence amicale, tant espérée par Hydromel.

Le narrateur reprend la parole pour dire ce que le lecteur a déjà deviné : la naissance d’une longue amitié entre Fante et Hydromel … et la théière qui retrouve son chapeau.